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Le pouvoir d'achat

Louis Even le vendredi, 01 janvier 1943. Dans L'économique

Le pouvoir d'achat d'une personne, c'est la ca­pacité qu'a cette personne d'acheter les choses qu'elle ne produit pas elle-même.

On achète généralement avec de l'argent. Si j'ai deux fois plus d'argent que mon voisin, mon pou­voir d'achat est double du sien.

Mais le pouvoir d'achat ne dépend pas seulement du nombre de dollars que l'on possède, il dépend aussi du prix des choses qu'on veut acheter avec ces dollars.

Le dollar en lui-même ne nourrit pas et n'habille pas. Ce qui fait sa valeur, c'est qu'il donne droit à de la nourriture, de l'habillement, à des choses utiles.

Salaires et pouvoir d'achat

L'ouvrier qui reçoit un salaire chaque semaine apprécie ce salaire, non pas à cause du chèque ou des billets en eux-mêmes, mais à cause des choses qu'avec ce chèque ou ces billets il peut obtenir pour sa famille.

Pour évaluer réellement un salaire, il ne suffit donc pas seulement de considérer combien de dol­lars dans ce salaire, mais la quantité de choses qu'on peut acheter avec ces dollars.

Si un minot de blé coûte un dollar, avec un dol­lar j'achète un minot de blé. Mais si le prix du mi­not de blé monte à deux dollars, je ne pourrai plus, avec le même dollar, acheter qu'un demi-minot de blé. Le pouvoir d'achat de mon dollar sera deux fois moindre, vis-à-vis du blé.

Chaque fois que le prix des produits monte et que mon salaire reste le même, mon pouvoir d'a­chat diminue. Chaque fois que mon salaire monte et que le prix des produits demeure le même, mon pouvoir d'achat augmente.

Si les deux montent ou baissent dans la même proportion, mon pouvoir d'achat reste le même. Ainsi, j'obtiens une augmentation de salaire ou un boni de vie chère de 5 pour cent, parce que les prix des produits ont augmenté de 5 pour cent: ma position n'est pas changée, je puis acheter au­tant qu'auparavant, et rien de plus.

C'est pour cela que les augmentations de salai­res des ouvriers ne donnent généralement pas d'a­vantages bien durables. Leurs salaires augmentant, le prix des choses qu'ils font augmente. Si ce sont des ouvriers de la chaussure, par exemple, leur aug­mentation de salaire fera monter le prix des chaus­sures. Ils se trouveront mieux, parce que ce ne sont pas seulement des chaussures qu'ils achètent. Mais les autres, les ouvriers du bâtiment par exemple, devant le prix des chaussures augmenté, trouve­ront leur pouvoir d'achat diminué; ils réclameront à leur tour une augmentation de salaire, et s'ils l'obtiennent, cela fera monter le prix du logement Les ouvriers d'un autre groupe, trouvant le prix des chaussures et le prix du logement augmentés, insisteront d'autant plus fort pour une augmenta­tion de salaire à leur tour, parce qu'ils ne peuvent plus acheter autant qu'auparavant avec leur salai­re actuel. S'ils obtiennent l'augmentation, ce sont leurs produits qui monteront de prix.

Et ainsi de suite, tellement qu'avant longtemps, les premiers augmentés s'apercevront que leur pou­voir d'achat est revenu au même point, s'il n'a pas diminué. Et les tiraillements entre patrons et ou­vriers recommenceront de plus belle.

Un patron peut toujours augmenter le salaire de ses ouvriers tant qu'il peut augmenter le prix de son produit. C'est le consommateur qui paie l'addi­tion. Comme les consommateurs sont en grande partie des salariés, ce sont eux-mêmes, dans l'en­semble, qui paient leurs propres augmentations de salaires. Les améliorations de leur pouvoir d'achat ne sont que localisées et temporaires — le temps que les salariés des autres groupes mettent à obte­nir leur propre augmentation pour faire face à l'augmentation de prix des produits des premiers favorisés.

Une autre technique

Il est difficile d'augmenter les salaires sans aug­menter les prix. Pour augmenter le revenu d'une personne, sans augmenter les prix, il y a une maniè­re: c'est celle des créditistes, le dividende national. Le dividende, n'étant ni un salaire payé au cours de la production, ni une taxe pesant sur l'industrie, n'ajoute rien au prix, mais ajoute au revenu de ce­lui qui le touche, au revenu du consommateur.

On peut aussi augmenter le pouvoir d'achat sans augmenter le revenu de l'acheteur, en abaissant le prix du produit. Si le prix de la viande, ou du pain, ou des chaussures, est coupé du quart ou de moitié, il est clair qu'avec le même revenu, avec le même argent, je puis acheter plus de viande, plus de pain, plus de chaussures.

Mais, comment abaisser le prix sans mettre le marchand, ou le fabricant, ou le producteur, en banqueroute? Par l'escompte compensé du Crédit Social. Le prix de vente est abaissé pour le consom­mateur, en ce sens que l'acheteur paie moins que le prix marqué; mais le prix de vente reste le même pour le marchand, en ce sens que, par la compen­sation, le marchand reçoit tout ce qu'il demande pour son produit.

La technique créditiste a donc deux manières d'augmenter le pouvoir d'achat: par le dividende, qui distribue de l'argent sans charger personne: par l'escompte compensé, qui abaisse le paiement du prix, sans priver personne.

Dans l'Association Créditiste

L'Association Créditiste n'est pas le Crédit So­cial. C'est une Association pour conduire vers une économie créditiste.

Le 5 pour cent de l'Association sur les produits Nouvelle-France (2 pour cent sur les autres pro­duits) est une augmentation de pouvoir d'achat qui n'affecte pas la structure des prix.

Si l'on considère le 5 pour cent comme un crédit émis au consommateur et transmis au marchand, c'est une augmentation de revenu indépendante de tout salaire et de toute charge.

Si l'on considère le 5 pour cent comme un es­compte compensé, c'est une diminution du paie­ment du prix par l'acheteur, tout en laissant au marchand le plein revenu de sa vente puisqu'il bé­néficie du même 5 pour cent dans ses approvision­nements.

Cela revient au même. L'argent ne tire pas sa valeur de sa nature. Il ne tient pas à une forme quelconque. C'est un droit aux produits; de quel­que manière que ce droit s'exprime ou se transfère, pourvu qu'il opère, c'est tout ce qu'il faut.

Les associés s'en rendent parfaitement compte. L'acheteur qui, avec $20. achète pour $21.05, trou­ve son pouvoir d'achat augmenté sans avoir une pièce de métal ou de papier de plus.. Le marchand qui remplace $21.05 de produits par un autre $21. 05 de produits, tout en ne recevant et ne passant que $20.00 d'argent légal, ne peut dire que son prix de vente a été sacrifié, ni son profit diminué.

Le résultat net, c'est que plus de produits ont été transportés du producteur au consommateur. Le résultat net, c'est la provocation d'une produc­tion qui attendait seulement l'assurance d'un é­coulement, c'est l'entrée de plus de produits dans les maisons pour répondre aux besoins qui n'atten­daient que le moyen de s'exprimer efficacement.

Le signe, la chose

L'argent, sous une forme ou sous une autre, est un signe qui exprime le pouvoir d'achat.. La chose achetée, le produit, est l'objet du pouvoir d'achat.

C'est bien la chose qui importe. Le signe peut avoir des formes variées; il pourrait même dispa­raître, pour ainsi dire, se réduisant à une conven­tion mutuelle, acceptée une fois pour toutes, sans expression aucune au moment de l'achat.

La pièce de métal est un signe dont le transfert de l'acheteur au vendeur fait mouvoir les mar­chandises.

Le papier-monnaie est un signe dont le transfert de l'acheteur au vendeur fait mouvoir les marhandises.

Le chèque est un ordre à la banque de transfé­rer un crédit de l'acheteur au vendeur, et cet or­dre fait mouvoir des marchandises.

Le transfert de l'Association Créditiste est un ordre à l'Association de transférer un crédit inter­ne de l'acheteur au vendeur, et cet ordre fait mou­voir les marchandises entre deux associés.

Tout cela est une expression de pouvoir d'achat, et la valeur du pouvoir d'achat dépend de la quan­tité de marchandise qu'il peut faire mouvoir.

Même sans aucun signe, par pure convention mutuelle, il pourrait y avoir pouvoir d'achat équi­valent, marchandise équivalente transférée.

Supposons que les membres de l'Association Créditiste suppriment toute comptabilité, mais continuent de s'accorder les uns aux autres 5 pour cent sur tous les produits Nouvelle-France, sans l'enregistrer. L'effet sera exactement le même en ce qui concerne la quantité de produits passés de l'un à l'autre. Ils auront exactement la même aug­mentation de pouvoir d'achat, par entente récipro­que, sans que cette augmentation prenne une for­me extérieure quelconque.

Ce serait toujours un droit aux produits, opé­rant par suite d'une simple convention mutuelle, passée une fois pour toutes. Il n'y aurait pas d'en­registrement dans les livres, mais le 5 pour cent de droits supplémentaires aux marchandises fonction­nerait aussi efficacement qu'avec l'accompagne­ment de signatures de transferts.

Ce serait même le lieu de faire la remarque que, plus il existe de confiance, moins on a besoin de papiers et de signatures. L'histoire ne démontre-t-elle pas, par ailleurs, que plus le monde se civilise, plus l'argent se dématérialise?

Louis Even

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