Notre Seigneur montait au Calvaire. Il était bien fatigué, épuisé. Les bourreaux craignaient qu'Il meure avant qu'ils aient, eux, le plaisir de le tuer.
Qu'Il meure tout de suite, il ne fallait pas ! À aucun prix ! Il valait mieux plutôt l'aider à aller jusqu'au bout.
"L'aider à porter sa croix. L'aider. Qui l'aider ? Toujours pas nous, les bourreaux ! Cette croix et ce Christ, ils sont indignes de nous !
"Pourtant, il faut que quelqu'un l'aide ! Qui donc consentira à cette ignominie, porter la croix d'un condamné ?
"Qui donc consentira ? Qui ? Mais, justement, ce pauvre-là, ce voyou-là qui passe, un Cyrénéen. Forçons-le à soutenir la croix du Fils de Dieu".
Et les imbéciles bourreaux crurent dans leur aveuglement avoir choisi eux-mêmes le pauvre qui soulagea Jésus.
Sans doute que c'est bien plutôt Jésus qui jeta un regard d'amour sur celui-là qui était pauvre, simple et généreux.
Le pauvre, qui connaît la peine, la douleur, les injures, le ridicule, le sacrifice, le pauvre, c'est lui seul qui est digne de participer à la Rédemption. Jésus le savait bien, et le montrait, ce jour-là, à la face du monde.
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Le 10 mai dernier, à Sainte-Jeanne d'Arc de Clerval, Abitibi, un missionnaire du Crédit Social allait fonder l'Association Créditiste.
On sait que ce groupement procure certains avantages immédiats à ses membres, mais surtout, il est une guerre qui se commence et qui réclame immédiatement plus de sacrifices qu'elle ne donne de bienfaits, comme toutes les guerres, toutes les rédemptions.
Un sacrifice que demande l'Association Créditiste, c'est d'abord de donner encore de ce maudit argent de Banco, pour payer une cotisation à l'Association, afin de permettre la grande propagande. Grosse affaire pour un colon qui possède si peu de ces permissions de vivre !
Un autre sacrifice exigé par l'Association est une grande application pour acheter chez les marchands de l'Association. Encore difficile pour nos colons qui n'ont pas le choix des magasins !
Il est certain que ces conditions sont dures pour les pauvres exilés de l'Abitibi, plus dures que nul autre dans la province.
C'est dur, oui, mais c'est pour sauver le pays, de son plus grand ennemi, le trustard !
C'est dur, oui, mais ils n'ont pas peur de la lutte, ceux-là qui se sont attaqués aux arbres de la forêt vierge, qui avaient quitté le confort et embrassé la solitude, qui ont subi les pires injustices de la part des exploiteurs de toutes sortes.
Les colons, ils sont prêts pour cette guerre !
À Sainte-Jeanne d'Arc de Clerval, une petite paroisse très pauvre, 37 familles s'abonnent à VERS DEMAIN, et 42 familles s'enrôlent dans l'Association, d'un seul coup.
Nos trois missionnaires, en tournée dans l'Abitibi, éprouvent les mêmes consolations. Partout, c'est une grande générosité, un grand empressement.
Ce sont ces pauvres-là, ceux qui ouvrent le pays à la vie, ceux qui ont le moins reçu des autres, ce sont ceux-là qui vont nous racheter.
Il y a longtemps que l'on crie partout : "Allez braves, allez dans les bois, sauver de la crise le reste de la province."
Aujourd'hui encore, on se recommande à eux : "Venez, braves, venez chez les civilisés, donner du cœur à ceux qui n'en ont plus."
C'est toujours les pauvres qui donnent le plus. Ils savent ce que c'est que donner. Leur vie entière ne leur appartient plus. Et c'est toujours aux pauvres qu'on demande le plus. Eux seuls ont la richesse qu'il faut pour apaiser la colère divine. Eux seuls sont dignes d'un regard d'amour de Jésus montant au Calvaire.
Gilberte CÔTÉ