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Le colon dans l'Association Créditiste

Louis Even le samedi, 15 août 1942. Dans L'économique

Le colon est, par excellence, un bâtisseur de pays. Par lui, le patrimoine agricole s'étend. Par lui, des paroisses nouvelles se fondent. Par lui, il viendra possible, lorsque sa terre sera avancée, d'augmenter la production alimentaire placée à la disposition de l'humanité.

Lorsque sa terre sera avancée... mais cela prend des années, parfois la vie du colon, surtout s'il élè­ve une jeune famille, si la maladie entre de temps en temps au foyer, si la malchance le visite ou si le site de son lot est particulièrement défavorable.

Tout de même, le colon reste le bâtisseur par ex­cellence, son pays a une dette envers lui, l'huma­nité a une dette envers lui, et si le pays payait cette dette autrement que par des discours, des louanges ou des promesses, le pays lui-même bénéficierait plus tôt du travail d'agrandissement du colon.

Le colon associé d'aujourd'hui

Les colons ont, en général, très bien compris l'a­vantage que leur vaudrait un régime créditiste. Ils ont compris que le Crédit Social relèvera les petits, les humbles, les dépourvus, les abandonnés, les méprisés, les travailleurs mal payés, les défricheurs épuisés, tous ceux qui ne retirent pas aujourd'hui de la société le minimum de bénéfices que la société devrait conférer à ses membres.

Aussi lorsque l'Association Créditiste a lancé son appel dans la province, ce sont les pays de co­lons qui ont le mieux répondu. Des colons de l'A­bitibi, du Lac St-Jean et d'ailleurs se sont saignés pour payer leur cotisation de membres.

Et qu'est-ce que l'Association Créditiste fait pour le colon ?

Il faut bien avouer, qu'à l'étape actuelle, l'Asso­ciation Créditiste n'apporte pas au colon d'avanta­ges matériels immédiats bien grands.

Comme à tous les associés, elle leur ouvre un compte de crédit proportionnel au nombre de membres de leurs familles. Mais ce crédit ne s'é­coulant que dans la proportion de 5 pour cent des achats, il faut 19 dollars d'argent pour passer un dollar de crédit. Et les dix-neuf dollars ne sont pas chose courante chez les colons.

Le colon dispose ainsi d'un crédit qu'il ne peut guère utiliser. Et lorsque, au bout de deux mois, un autre dollar de contribution devient dû, si le colon n'a pas pu acheter pour vingt dollars au cours des deux mois, il reste, en fait de monnaie, le per­dant.

Cependant, parce qu'il est intelligent et qu'il a compris tout le sens de l'Association Créditiste, le colon tient à rester dans son Association.

Il sait que l'Association n'est pas faite que de colons. Les autres membres de l'Association sont pour lui un marché, au moins en puissance. Dès que le colon a quelque chose à offrir en fait de bois ou de produits agricoles, son nom paraît dans le Bottin Créditiste, et les associés sont invités à se pourvoir là pour fortifier leur association.

Puis le colon sait que sa contribution, si coûteu­se pour lui, est venue grossir les moyens d'étendre l'Association et de l'approcher du développement où elle pourra entreprendre sa seconde étape, l'éta­pe où l'Association fournira au colon, autant qu'aux autres, des avantages immédiats et sans conditions.

C'est parce que nous apprécions les grands sa­crifices faits par les colons en entrant dans l'Asso­ciation, que nous pressons pour eux l'avènement de la deuxième étape. Il arrive justement que c'est l'Abitibi et le Témiscamingue, où il y a tant de colons, qui est actuellement la région la plus avan­cée pour l'Association Créditiste, donc celle où la seconde étape sera probablement inaugurée tout d'abord.

Courage, colons associés d'aujourd'hui. Si les fruits de l'Association sont plus que minces pour vous, le jour vient, hâté par votre héroïsme, où l'Association Créditiste fera vraiment pour vous ce que vous attendez d'elle.

Le colon associé de demain

Que fera pour le colon la deuxième étape de l'Association Créditiste, celle qui ressemblera au Programme Intérimaire actuellement en cours dans l'Alberta ?

On sait le mécanisme. Tous ceux qui auront de l'argent à dépenser l'apporteront dans la caisse créditiste, recevront un compte équivalent et achè­teront chez des marchands associés au moyen d'un simple transfert de crédit. L'argent lui-même res­tera dans la caisse.

Le marchand essaiera de s'approvisionner le plus possible chez des producteurs associés, toujours au moyen de transferts de crédit, déplaçant simple­ment les chiffres dans les comptes et laissant l'ar­gent en caisse. Toutefois, lorsque le marchand aura besoin d'argent pour acheter chez des non associés, la caisse fournira l'argent.

En autant que les marchands pourront s'appro­visionner chez des associés, la caisse augmentera avec les apports des nombreux ouvriers qui tirent des salaires réguliers et qui font partie de l'Asso­ciation.

Cette réserve permettra de distribuer à TOUS les membres du crédit gratuit, dans la proportion où les achats se feront en crédit par rapport à l'ar­gent. À tous les associés, donc aux colons aussi qui, pourtant, n'auront à peu près pas d'argent à met­tre en caisse.

Ce crédit ajouté au compte de chaque associé sera utilisé directement chez les marchands asso­ciés, non plus à 5 pour cent, mais 100 pour cent.

Prenons le cas d'un colon qui n'a pas touché un seul dollar d'argent dans tout un mois. Au bout du mois, à cause de l'état général de la caisse faite par tous les associés, le colon reçoit, pour sa famille, en dividendes ou en escomptes, disons $15 de crédit. Il va pouvoir acheter pour 15 dollars de marchan­dises chez n'importe quel marchand associé, mê­me s'il n'a pas un seul dollar en poche.

Et il le fera sans appauvrir personne. Ceux qui auront mis l'argent dans la caisse auront eu un crédit égal à leur mise d'argent pour faire leurs propres achats ; ils n'auront donc subi aucune pri­vation. Et eux aussi, d'ailleurs, toucheront les di­videndes et escomptes.

Évidemment, la caisse qui permet les dividendes et escomptes ne se forme, comme nous l'avons dit, que si les marchands trouvent à s'approvisionner chez des producteurs associés.

C'est ici que le colon, tout en profitant mainte­nant à plein de son Association, pourra encore, peu à peu, devenir pour son association un actif. Si, en effet, le colon qui reçoit des dividendes les emploie, au moins en partie, à s'acheter des ani­maux, des instruments aratoires, des choses qui vont lui permettre de placer des produits sur le marché, il devient un fournisseur des marchands associés, ce qui permet d'augmenter l'écoulement interne du crédit et laisse la caisse grossir, donnant des bases à de nouveaux dividendes pour TOUS, colons, ouvriers, marchands, etc.

La seconde étape de l'association récompensera donc le colon pour les immenses sacrifices qu'il a faits sous la première. Ces sacrifices ont permis d'étendre l'Association ailleurs, chez des ouvriers des villes industrielles, par exemple ; et sous la deu­xième. étape, ce sont ces ouvriers salariés qui for­meront la caisse permettant l'octrois de dividen­des.

Durant la première étape, le colon s'est montré le bienfaiteur des villes. Sous la deuxième étape, les villes seront les bienfaitrices des colons. Puis, à mesure que le colon gréera sa ferme, il deviendra un agriculteur, qui fortifiera de nouveau l'Associa­tion Créditiste en offrant des produits aux autres associés.

Tout cela peut paraître un rêve à ceux qui pren­nent encore les créditistes pour des utopistes. Mais cela se réalisera aussi vite que l'Association Crédi­tiste groupera des hommes renseignés et décidés, dans un nombre suffisamment varié d'occupations.

Il n'est pas du tout nécessaire, pour commencer, que tout le Canada, pas même toute la province soit gagnée à l'idée. Une région, un district peut entrer dans la seconde étape, lorsque le fonction­nement de la première y a révélé l'existence d'élé­ments assez nombreux et bien déterminés dans l'industrie, dans le commerce et dans l'agriculture.

Quand bien même les opérations ne pourraient guère porter que sur le commerce de denrées ali­mentaires, ce serait déjà considérable, puisque la nourriture forme une partie très importante des dépenses des salariés.

L'Abitibi et le Témiscamingue, avec leurs villes minières, avec leurs fermes déjà avancées dans plu­sieurs paroisses, avec des colonies qui se dévelop­peraient vite moyennant la possibilité de se procu­rer des animaux et des instruments, et surtout avec une population riche d'initiative et d'énergie, sem­blent destinés à battre la marche du Crédit Social dans la province.

Louis EVEN

Le transfert bon partout

L'associé se sert de son crédit de la même manière qu'il se servirait d'un compte de banque ou de caisse populaire, dès lors qu'il traite avec un autre associé. L'associé peut donc très bien ache­ter avec son crédit en dehors de sa paroisse, par­tout où il y a des fournisseurs associés.

Ainsi, M. Adrien Lambert, de Joly (Lotbiniè­re), va passer quelques jours à Rouyn (Abitibi) et loge à l'hôtel Albert. Avant de quitter Rouyn, il règle sa note d'hôtel qui monte à $7.00. Il va don­ner à l'hôtelier $6.65 en argent et un transfert de crédit de 0.35.

Le transfert signé par M. Lambert est évidem­ment tiré sur le bureau de Joly, puisque c'est au bureau de Joly que M. Lambert a son compte. Le transfert est ainsi conçu :

Le 25 août 1942

ASSOCIATION CRÉDITISTE

Bureau de Joly

+ $ 0.35 à l'Hôtel Albert de Rouyn

Par Adrien Lambert

L'hôtelier déposera ce transfert au bureau de Royn, où lui-même a son compte. Le comptable créditiste de Rouyn créditera l'Hôtel Albert en augmentant son crédit de 0.35 ; puis il enverra le transfert au comptable de Joly, M. André Longchamps, dont il trouve le nom dans le Bottin Cré­ditiste sous la section de Joly. M. Longchamps di­minuera le crédit de M. Adrien Lambert de 0.35, puis cancellera le transfert qu'il remettra à M. Lambert à la première occasion.

Comme on voit, le territoire d'usage du crédit par les transferts est aussi vaste que l'étendue de l'Association elle-même, et les créditistes qui voya­gent font bien de porter leur Bottin avec eux.

Louis Even

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