Le dictionnaire Larousse définit ainsi le mot révolutionnaire : "Qui a rapport aux révolutions politiques, qui est favorable à ces révolutions. Mesures révolutionnaires : mesures le plus souvent violentes et extra-légales qu'on n'adopte qu'en temps de révolution pour satisfaire à des exigences impérieuses." Et le mot révolution : "Changement considérable dans le gouvernement d'un État ; transformation de ses institutions."
À la lumière de ces définitions, peut-on dire avec charité et justesse que les créditistes sont des révolutionnaires ? Sans hésitations, nous pouvons répondre que le créditiste n'est pas un révolutionnaire dans le genre de Diderot, de Mirabeau ou de Danton. Mais il désire et veut tout de même une révolution qui apportera, dans la paix, un changement profond dans l'orientation des activités économiques de la société et des résultats qu'elles recherchent.
Le mouvement créditiste, et surtout celui de la province de Québec, par sa doctrine, sa philosophie, sa technique, tend vers une profonde modification des relations humaines. L'ensemble des réformes qu'il cherche révolutionnerait la fin poursuivie par la technique monétaire actuelle.
Cette révolution contribuerait à faciliter celle des mœurs, à extirper du monde l'esprit de libéralisme économique qui le domine depuis 150 ans et qui a plongé l'univers dans l'épouvantable catastrophe dont nous sommes les tristes spectateurs et, pour la plupart, les innocentes victimes.
Qu'on le veuille ou non, l'Ordre Nouveau que les grands du jour nous promettent, mais que les créditistes préparent soigneusement, ne se réalisera pas sans une révolution fondamentale des institutions économiques. Il faudrait être insensé pour croire que la reconstruction sociale d'après-guerre se fera selon les théories surannées de certains économistes, les plans criminels de certains arrivistes ou les réformes académiques à l'eau de rose de certains professeurs.
Faut-il craindre, condamner ou approuver ceux qui veulent et préparent les révolutions ? Il faut s'entendre. Nous ne donnerions pas notre bénédiction à tous ceux qui veulent des révolutions. Mais aurions-nous aimé être parmi ceux qui crièrent "Crucifiez-le !" ? Et le Christ n'a-t-Il pas été l'auteur de la plus grande révolution de toute l'histoire ? Ou bien, parmi les imbéciles qui ridiculisèrent Pasteur et sa théorie microbienne "révolutionnaire" ?
Au cours de l'histoire du monde, tous ceux dont la pensée lumineuse a fait jaillir la lumière ou fait réaliser des bonds prodigieux à l'humanité, ont été essentiellement des "hommes de révolution". Ils ont eu à combattre les attaques de réactionnaires dont les intérêts étaient menacés ou les calomnies d'imbéciles qui ont de tout temps, par stupidité, barré la route au progrès.
Mais d'après quelles mesures pouvons-nous juger ceux qui réclament des réformes ? Notre jugement doit être motivé par deux considérations : a) la valeur des principes sur lesquels s'échafaude la révolution désirée ; b) la sincérité et la droiture des individus qui organisent cette révolution.
Que valent les principes de la doctrine créditiste ? Le Major C. H. Douglas, son auteur, a fait l'énoncé de sa théorie en 1919. Il a étalé son plan de révolution économique dans de nombreux ouvrages, dans des milliers de conférences publiques et d'entretiens privés. Il a parcouru le monde pour faire connaître les principes de sa théorie. Et il continue toujours d'Angleterre à batailler par l'intermédiaire de sa revue "Social Crediter".
Les prévisions lumineuses de cet homme sur les grands événements sociaux des deux dernières décades : la crise économique, le chômage, les dictatures, la guerre, la centralisation politique et financière, se sont toutes réalisées. Il demeure l'un des esprits le plus génial de notre époque, et sans aucun doute le plus grand économiste du siècle.
Depuis vingt années des milliers d'hommes et de femmes, de toutes les classes et de toutes les conditions, des Lords anglais et de simples commis, de grands journalistes et d'humbles ouvriers, des hauts dignitaires religieux et de simples ministres de Dieu, de grands professeurs d'Université et de petits instituteurs ont inlassablement répété par leurs écrits et leurs paroles les solides principes de cette merveilleuse théorie. Toujours de plus en plus nombreux, toujours de plus en plus tenaces, ils ne dérogent pas des grandes lignes tracées par l'auteur.
Ses principes sont là exposés à la critique de toute personne sincère. Y a-t-il un économiste sérieux qui ait réussi à en ébranler un seul ? Nous ne le connaissons pas. Quelques-uns ont vainement tenté de le faire du point de vue moral. Mais de savants théologiens ont eu vite fait de réfuter publiquement ces pseudo-économistes.
Une armée de journalistes, il est vrai, a souvent attaqué la doctrine créditiste dans des articles violents où la passion tenait lieu de science. Mais ces opinions n'étaient étayées sur aucune considération scientifique.
Nous avons eu aussi les calomnies mensongères des représentants des grosses institutions financières et des partis politiques intéressés à défendre un précieux monopole. Mais quel esprit sérieux considérerait cette critique comme libre d'égoïsme ou de parti-pris en la matière ?
Un prêtre savant, le Rév. Père Peter Coffey, théologien et économiste, professeur de Métaphysique et de Logique au fameux Collège catholique Maynooth d'Irlande, a fait, il y a quelques années, une étude minutieuse des principes du Crédit Social. Dans un fameux article intitulé "God or Mammon" il en accepte toutes les données fondamentales et les recommande fortement.
Le critique sérieux chercherait en vain dans les travaux de Douglas ou de ses adeptes des principes malsains ou un programme de mesures extra-légales pour obtenir l'instauration du régime créditiste. Tous réclament dans l'ordre la liberté politique et la sécurité économique. Mais nulle part y recommande-t-on, la lutte des classes, le nivellement des salaires, la suppression de la propriété privée ou de l'initiative individuelle ? Nous n'avons jamais lu une seule phrase contre la religion ou contre les ministres de Dieu dans les ouvrages des auteurs créditistes. Si on avait pu y découvrir la moindre allusion à des principes ou à des mesures de cette catégorie, il y a belle lurette que la foule des valets de la finance nous aurait cloués au pilori de l'opinion publique.
Celui qui signe cet article a été lié au mouvement créditiste de la province de Québec depuis ses humbles débuts. Il connaît personnellement et intimement les chefs qui ont façonné avec peines et misères les cadres solides de l'organisation qui s'étend maintenant aux quatre coins de la Province. Il connaît l'importance des sacrifices, l'étendue du travail, la grandeur du dévouement et la somme de volonté, de courage et de ténacité mises dans le creuset de cette gigantesque entreprise.
Il a eu, en plus, de longues entrevues avec le premier ministre Aberhart de l'Alberta, avec le Trésorier provincial, l'Hon. Solom Low et le ministre des Affaires municipales, l'Hon. Lucien Maynard de cette même province. Le chef et les principaux députés créditistes du Parlement fédéral lui sont personnellement connus, ainsi que les deux aviseurs que le Major Douglas envoya d'Angleterre pour conseiller le gouvernement d'Alberta, Messieurs L. D. Byrne et G. F. P. Owell avec qui il eut de longues entrevues. Depuis plusieurs années il connaît le Président du "Douglas Social Credit Bureau of Canada", M. Ralph Duclos et le Secrétaire Général de l'American Social Credit Movement", M. Gorham Munson, journaliste et économiste des États-Unis. Il a, en plus, rencontré des personnalités dirigeantes du mouvement créditiste d'Angleterre, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande.
Après avoir évolué dans ce milieu pendant plusieurs années, il ne craint pas d'affirmer qu'il n'a jamais rencontré ailleurs un groupe d'hommes aussi sincère et désintéressé. Tous, sans exception, ont le sens social exceptionnellement développé et sont imbus de principes chrétiens. Pour eux le spirituel prime sur le temporel ; la matière doit être au service de l'homme, de tous les hommes. Leur conception de la vie sociale réclame une liberté politique pour tous les individus. Mais ils veulent que cette liberté politique soit doublée d'une sécurité économique garantie socialement. En un mot, ils sont réellement des démocrates chrétiens.
Jamais il n'a entendu de la bouche de ces chefs créditistes la moindre allusion à des mesures extralégales, à un recours à la force pour obtenir la réforme qu'ils préconisaient. Toujours ils ont insisté sur la nécessité de ne prendre que des moyens légaux, de s'en tenir à des mesures paisibles, de maintenir l'ordre. Le mouvement créditiste, à base d'éducation, est un mouvement d'ordre et de paix.
Il est presque superflu d'écrire ces choses, puisque les actes posés par le mouvement créditiste dans tout l'empire britannique et au Canada sont là pour prouver qu'il n'a jamais causé de désordres publics.
Malgré les attaques dégoûtantes de la Finance et des journaux de partis, malgré la douzaine et demie de lois légalement mises dans les statuts de l'Alberta par la Législature provinciale, mais déclarées inconstitutionnelles par la Cour Suprême et le Conseil Privé ou désavouées par le gouvernement d'Ottawa, Mon. William Aberhart n'a jamais préconisé des mesures violentes, bien qu'il eût le pouvoir, la popularité, l'organisation et le peuple avec lui.
Et nous, de la Province de Québec, peut-on nous accuser d'avoir depuis six ans causé du désordre ? Y a-t-il une seule grève, une simple bagarre qui puisse être attribuée à l'organisation créditiste ? Combien d'émeutes fomentées ? Combien de vitrines cassées par les créditistes ? Les chefs ou les organisateurs ont-ils préconisé la grève sur le tas ou la grève tout court pour atteindre leur but ? Non. Ils s'en sont toujours tenus à des moyens pacifiques. Voilà pour la valeur des chefs créditistes.
Nous ne sommes pas des révolutionnaires. Mais nous désirons, une révolution ordonnée qui débarrassera le monde du chancre de la finance internationale qui le ronge, une révolution qui apportera à l'humanité l'ordre dans la paix.