Le maréchal Foch écrivait : "Chaque jour, et plusieurs fois par jour, je me pose la question : quel est mon objectif ? Puis j'ordonne les moyens en conséquence. Il ne faut jamais perdre de vue l'objectif. »
Ce conseil semble très simple, mais combien de fois agit-on autrement ? On s'attache aux moyens et on leur sacrifie la fin, souvent inconsciemment. Ou bien, on commence de la bonne manière, mais on se laisse dévier par des apparences, des lueurs, des insignifiances, grossies à dessein ou innocemment par des adversaires ou des collaborateurs plus ou moins droits, plus ou moins éclairés.
Ne pas perdre de vue l'objectif ; choisir, hiérarchiser et ordonner les moyens en autant qu'ils conduisent à cette fin.
Quelle est notre fin — non pas notre fin dernière, mais notre fin spéciale — dans le travail que nous poursuivons, nous, lecteurs de VERS DEMAIN, étudiants de la chose sociale, économique et politique ? Notre fin, à nous, membres de l'Institut d'Action Politique, qui n'est pas du tout un Institut de contemplation de soi-même ?
Nous cherchons l'éablissement d'un ordre social temporel dans lequel l'homme puisse vivre normalement pour atteindre sa destinée d'homme.
Or, nous constatons à chaque pas l'obstacle financier. La finance, l'argent domine le monde, là où l'esprit devrait dominer. C'est pourquoi nous nous acharnons plus spécialement à la tâche de dompter l'argent, de forcer le système d'argent à servir l'homme au lieu de l'étrangler.
Cette question-là ne peut se régler que dans le domaine politique, que par une législation appropriée. Or, les gouvernements sont tellement liés qu'ils ne peuvent se déprendre et GOUVERNER qu'en sentant derrière eux l'appui complet d'un public éclairé et en communion d'idéal. Ce qu'exprime le maréchal Pétain — qui en fait l'expérience — lorsqu'il dit qu'une révolution sociale est impossible si le peuple ne comprend pas et n'appuie pas son gouvernement.
Tout de suite se pose le problème d'éducation. Et peut-il être question d'autre voie que l'éducation pour réussir un mouvement tel que celui du Crédit Social — avec tout ce que ce terme comporte de signification ?
Sï nous poursuivions le triomphe de la force brutale, nous pourrions songer au poing, au sabre, aux bombes, à la mitrailleuse. Et le résultat pourrait être l'exploitation du faible par le fort. On en a des preuves dans l'histoire même très contemporaine. Règne de la brute.
Si nous poursuivions le triomphe de l'argent, nous pourrions songer à recueillir des fonds et à lancer les dollars à l'assaut. Cette lutte-là n'a rien de provocant au Canada, puisque le dollar y est déjà roi, et puisqu'on y a déjà l'exploitation du pauvre par le riche. Soulignons en passant que c'est la méthode de nos grands partis politiques. Caisse électorale, pour l'achat direct ou indirect des votes. Règne de l'argent.
Mais parce que nous poursuivons le triomphe d'une idée, d'un idéal, c'est l'arme de l'éducation que nous manions. Là où les partis politiques bénissent l'ignorance, parce qu'elle leur permet de continuer de régner par la piastre, le Crédit Social répand la lumière le plus possible, pour que l'opinion éclairée, méprisant les tentatives de corruption, réclame l'établissement et le maintien de l'ordre, d'un ordre humain. Règne de la charité.
C'est pour cela que nous appelons organisation véritable, non pas celle qui encaisse des contributions, mais celle qui fait les citoyens étudier. Nous jugeons de l'efficacité d'une telle organisation d'après les résultats qu'elle donne. Avec quel dynamisme entraîne-t-elle le public à l'étude ?
Dans un pays démocratique, où tous ont leur mot à dire pour la conduite de la chose publique, tous devraient étudier la chose publique. Un bulletin de vote entre les mains d'un ignorant, c'est un pistolet entre les mains d'un enfant. Nous croyons être les meilleurs artisans d'une véritable démocratie (quelle que soit sa forme) en vulgarisant l'étude de la chose publique.
C'est chaque citoyen qui devrait s'instruire des questions de son pays. Cela peut paraître impossible. Mais, il y a quelques siècles, lorsqu'un très petit nombre de personnes apprenaient à lire, il eût paru audacieux ou utopiste d'émettre le vœu que tout le monde apprenne au moins à lire et à écrire. Pourtant ces connaissances sont générales aujourd'hui. Nous croyons qu'il en ira de même pour l'étude des questions sociales, économiques et politiques.
Aussi notre Institut d'Action Politique travaille-t-il activement à faire entrer régulièrement dans les maisons, dans le plus grand nombre possible de maisons, le petit journal VERS DEMAIN, l'instructeur infatigable qui va faire son enseignement à domicile.
Notre Institut d'Action Politique ne voit pas à la manière des partis politiques, parce qu'il ne poursuit pas le même objectif. Il ne cherche pas le bien d'un groupe, d'un clan, de quelques favoris ; il cherche le bien général de tous.
Mais on est tellement habitué à la manière des partis qu'il arrive même à des gens qui se disent créditistes de trouver que l'Institut d'Action Politique n'est pas une organisation pratique. La réflexion a été faite et nous liquidons cette remarque en présentant des faits.
Si "pratique" veut dire formation d'une caisse, nous convenons que l'Institut ne s'y est pas appliqué et que sa fin n'est pas là.
Si "pratique" signifie parader, promener des bannières, jouer du tambour, faire du bruit, convenons encore que l'Institut cède le pas à d'autres organisations.
Mais comme nous ne croyons pas à l'efficacité de ces méthodes usées pour accomplir une œuvre nouvelle, nous continuerons à nous en abstenir.
Mais où sont les résultats de l'organisation qui a pris la forme de l'Institut d'Action Politique ?
Le journal VERS DEMAIN n'a pas un an et demi, et déjà il compte 10,000 abonnés. Quel autre journal d'idées, dans la province de Québec, est jamais arrivé à 10,000 abonnés en un an et demi ?
Où est le journal d'idées qui vit sans aucune annonce ? Où est le journal qui se propage sans aucun agent payé ?
VERS DEMAIN, en effet, n'a pas un seul agent à salaire ou à commission. Pas une annonce payée. Et pourtant il vit, il se multiplie.
Qui fait cela ? L'Institut d'Action Politique.
Voilà une œuvre unique en son genre dans le domaine temporel. Unique, non seulement dans la province de Québec, mais, croyons-nous, unique aussi sur notre planète.
Nos membres de l'Institut sont des apôtres. Ils se trouveraient déshonorés de réclamer un salaire. Et c'est parce qu'ils sont des apôtres que le mouvement s'étend, en profondeur autant qu'en surface, partout où ils opèrent.
Et 10,000 abonnés, ce sont 10,000 familles canadiennes-françaises qui s'instruisent assidûment.
Et 500 membres de l'Institut, ce sont 500 apôtres qui promettent de faire les efforts nécessaires pour amener chacun 24 familles à étudier assidûment.
Pas une université n'a jamais rien réalisé de pareil dans le public.
Il y a plus. Les lecteurs étudient. Mais les membres de l'Institut font plus que cela, ils développent leur personnalité dans le sens de l'action. Ce sont des hommes d'action.
L'Institut conduit ses membres plus loin encore. Lorsque quelqu'un a fait ses preuves d'homme d'action en accomplissant son objectif, l'Institut lui offre de devenir un conducteur d'hommes, en formant d'autres membres de l'Institut, en entraînant d'autres hommes à l'action. Déjà, plusieurs membres de l'Institut sont ainsi classés comme entraîneurs, chacun d'eux entreprenant d'en conduire au moins trois autres à leur objectif.
Avec une élite liseuse disparaîtra l'exploitation du public. Avec une élite d'hommes d'action s'entretiendra la flamme sociale pour la bonne orientation de la multitude. Avec des conducteurs d'hommes formés par l'Institut d'Action Politique, nous pourrons nous passer des porte-panaches sortis des officines des partis.
Si l'on veut savoir ce que vaut l'Institut d'Action Politique, s'il est capable de s'emparer de l'opinion et de la conduire, qu'on aille à Sherbrooke, par exemple, où l'organisation, sans être parvenue encore à son objectif local, s'impose à l'observateur le moins attentif.
Comme nous le disions dans un numéro précédent lorsque le dixième des familles est abonné dans une localité, il s'y dessine un courant sensible. Lorsque le cinquième des familles est abonné, l'opinion, à notre avis, devient prépondérante, à cause du rayonnement irrésistible de ce cinquième.
C'est en nous basant sur ces données de l'expérience que nous plaçons l'objectif suivant devant l'Institut d'Action Politique, pour la province de Québec. Il peut sembler ambitieux, mais une cause comme la nôtre vaut les efforts, et les accomplissements des mois écoulés sont un stimulant pour tous les membres de notre Institut d'apôtres.
Objectif provincial :
Nombre de familles........... 600,000
Abonnés à "Vers Demain" ...120,000
Membres de l'institut............. 5,000
Entraîneurs.......................... 1,250
Lorsque nous aurons cela, le Crédit Social sera une réalité, et l'ordre social au service d'une société qui le surveillera.
Quand cela viendra-t-il ? Nous ne le savons pas, mais ce que nous savons, c'est que le degré de zèle des membres de l'Institut peut affecter le facteur temps.
Ce que nous savons aussi, c'est que l'Institut est un organisme adapté à ce travail. Les cadres de l'Institut se forment et se perfectionnent à mesure de la formation et du perfectionnement des éléments qui le composent.
Nous sommes partis de zéro. La première étape fut de trouver des abonnés. La lecture, l'intelligence de l'idéal décida des abonnés à l'action autour d'eux, et ainsi naquit naturellement l'Institut, l'I.A.P., des membres recrutés un par un, se lançant à l'action sans se reposer sur le voisin. Le développement de l'Institut augmentait l'abonnement, et l'augmentation de l'abonnement faisait surgir de nouveaux I.A.P.
Rendus à leur objectif bien avant la moyenne de temps prévue, les plus fervents des membres de l'Institut disposaient d'énergies qui réclamaient un nouveau champ d'action. Ainsi sont nés les Entraîneurs.
Comparez cette méthode de formation avec la méthode ordinaire où l'on commence par se grouper et élire un président et des officiers. On s'y donne du ton, mais le travail ne consiste pas en cela. D'ailleurs une élection ne confère jamais la qualité, la compétence. Elle peut la constater, c'est tout, et encore c'est souvent la cabale qu'elle couronne, au risque de mettre l'incompétence en selle. Et comment peut-on juger des compétences dans un groupement qui n'a encore rien fait !
Dans l'Institut d'Action Politique, on commence par travailler. Et il n'y a pas d'autres limites à l'action du membre que celles de son dévouement.
Les membres de l'Institut, nos apôtres savent que leur devoir est de rendre témoignage à la vérité, le succès viendra par surcroît.
Nous laissons ces considérations, et d'autres qui en découlent, à la méditation du lecteur.