C’est le docteur Philippe Hamel, de Québec, qui cite cette expression d’Élie Baussart, député catholique belge :
"La dictature économique est vertueuse, catholique même, quand elle peut cacher ses coffres-forts derrière l’autel."
Une production électorale des adversaires de monsieur Armand Turpin dans Hull confirme cette remarque. C’est un feuillet de quatre pages, non signé. Le titre, encadré, pose la question :
"Qui suivrons-nous ? Nos autorités religieuses ou monsieur Armand Turpin ?"
Viennent ensuite les déclarations connues de Son Éminence le cardinal Villeneuve, de novembre 1938 et de janvier 1940 ; celle de Son Excellence le délégué apostolique du Canada, du 10 janvier 1940 ; celle de Monseigneur Guillaume Forbes, archevêque d’Ottawa, du 13 février 1940. Notons qu’aucune de ces trois déclarations ne porte la moindre condamnation contre le Crédit Social, mais le titre du feuillet l’insinue, et la plupart des lecteurs ne lisent que les titres.
Suivent des citations du révérend Père Valois, d’octobre 1935 ; du révérend Père Gustave Sauvé, du 7 juillet 1939 ; du révérend Père Thomas Lamarche — toutes les trois désobligeantes à l’égard du Crédit Social, mais toutes les trois antérieures à la déclaration favorable des neuf experts théologiens nommés par nos évêques en août dernier pour étudier cette question du point de vue catholique.
Le feuillet n’oublie aucun des titres honorifiques de ces personnages et qualifie d’économiste distingué le Père Lamarche, qui, nos lecteurs le savent déjà, édifie sa critique en tronquant et falsifiant les textes !
Les éditeurs anonymes concluent :
"Devant ces directives de nos religieux et ces témoignages de nos sociologues catholiques, il est évident qu’un vote pour M. Armand Turpin est un vote en faveur d’une doctrine dont nos chefs religieux nous demandent de nous défier et que nos sociologues catholiques condamnent au point de vue des principes de la saine doctrine sociale de l’Église catholique."
* * *
Cette circulaire fut distribuée à la porte des églises l’avant-veille des élections, puis de maison en maison.
La finance a dépensé $35,000 dans le comté de Hull pour battre monsieur Armand Turpin.
On viendrait encore à bout de ses dollars si elle ne s’affublait pas du manteau ecclésiastique pour tromper un peuple qui a encore confiance en ses prêtres et en ses évêques. Elle s’est bien gardée de citer la parole de l’encyclique de Pie XI :
"Telles sont, actuellement, les conditions de la vie économique et sociale qu’un nombre très considérable d’hommes y trouvent les plus grandes difficultés pour opérer l’œuvre, seule nécessaire, de leur salut éternel."
Nous n’avons pas à rechercher les raisons qui ont motivé le communiqué de l’Archevêque de Montréal, repris par plusieurs autres archevêques et évêques de la province ; ni pourquoi, après avoir laissé publier dans leurs organes officiels la fameuse déclaration des théologiens, ils sentent le besoin, à la veille d’une élection, de spécifier que ce rapport n’exprime pas nécessairement leur pensée. Mais si, comme le texte du communiqué semble le comporter, c’est de crainte que les créditistes en fassent une exploitation électorale, avouons que les adversaires, eux, ne se sont pas fait scrupule d’exploiter les documents épiscopaux.
Il est pénible aussi de constater qu’un journal comme Le Droit, qui se pique d’être un champion de la Vérité, se soit complu à ressasser et commenter l’un après l’autre ces documents. Pourquoi ne déployait-il pas autant de zèle à citer le rapport des théologiens et les condamnations papales contre le système économique actuel ?
Ce même journal s’est d’ailleurs montré littéralement "cochon" vis-à-vis de monsieur Armand Turpin pendant toute la campagne électorale. Et si nous avons une suggestion à faire aux créditistes, lecteurs du Droit, qui se respectent, ce serait de retourner le journal à ses éditeurs et de s’abonner à l’Action Catholique le seul quotidien vraiment indépendant que nous connaissions dans la province de Québec.
Les brochures et les films anti-communistes n’arrêteront rien si l’on persiste à faire la garde autour d’un régime qui mène droit au communisme.
Le regretté cardinal Mundelein, de Chicago, soulignait très justement, il y a moins de deux ans, qu’il est grand temps qu’on cesse de poser des actes de nature à laisser croire que l’Église se fait le paravent des financiers.
VERS DEMAIN 1 avril 1940 p4 ; 1940_04_No11_P_004.doc