Dans un article intitulé Gouvernement caché, publié dans le Social Crediter (Liverpool), édition du 18 mai, M. John Mitchell fait des réflexions qui nous semblent bien justifiées sur la campagne de presse conduite en Angleterre pour amener la chute du ministère Chamberlain.
La presse anglaise, en général, a marché comme un seul homme, et ce n'est ni sous l'impulsion du gouvernement (comme c'est la coutume en Allemagne ou en Italie), ni sous l'impulsion du sentiment populaire, comme on cherche parfois à nous le faire croire.
Chamberlain était l'élu du peuple. Il commandait une grosse majorité au Parlement. M. Chamberlain apparaît comme l'esprit le mieux équilibré qui ait occupé le poste de premier-ministre anglais sous notre génération. Et M. Chamberlain avait toute la confiance et l'estime du peuple britannique.
Il y eut bien un mécontentement localisé, exagéré par la grosse presse d'inspiration judéo-maçonnique, lorsqu'il se défit du Juif Hore-Belisha comme ministre de la guerre. Mais Chamberlain restait l'homme du peuple anglais, le chef reconnu de l'immense majorité du Parlement anglais. Même Hore-Belisha, malgré toutes les fanfaronnades qui remplissaient les colonnes des journaux, ne fit point les prétendues "révélations sensationnelles" qu'on avait laissé prévoir.
Vint la campagne de Norvège. On sait avec quelle unanimité encore la presse anglaise annonçait la re-conquête de toute la péninsule norvégienne. "D'ici douze heures, on devait rapporter une victoire surprenante". Les jours passèrent, la victoire devint défaite, et la même presse fut aussi unanime à décrier le gouvernement anglais et à réclamer la tête de Chamberlain.
S'il y eut blâme à placer quelque part dans les opérations en Norvège et en eaux norvégiennes, c'est le département de l'Amirauté qui devait l'endosser. L'Amirauté, pas la marine. Le commandant Bower le déclarait au Parlement :
"Nous savons maintenant qu'à Bergen, et un peu plus tard à Trondheim, la marine de Sa Majesté était prête et ne demandait qu'à émuler les exploits de mon ami Philip Vian, du Cossack, après qu'il se fut mis à la poursuite de l'Altmark. Mais non, une main froide d'en haut descendit et arrêta les opérations. On ne m'arrachera pas de spécifier quelle fut cette main froide. Tout ce que je dis, c'est que cette main se fit sentir et qu'elle venait de haut. Tout le monde la connaît."
La main impitoyable provoqua l'échec de Tronheim. La même main impitoyable dramatisa cet échec pour en faire sortir une crise politique, au moment où, en face de l'ennemi marchant vers les Pays-Bas, une crise politique était le moins opportune.
L'Amirauté était alors entièrement entre les mains de M. Churchill. C'est lui-même qui appuyait les déclarations laissant prévoir une magnifique victoire. Il avait eu carte blanche pour agir. Mais pas la moindre critique contre M. Churchill. C'est la tête de Chamberlain et l'intronisation de Churchill que voulait la puissance invisible qui n'est ni du peuple ni des représentants du peuple.
Il y a que Chamberlain a un passé de lutte contre les puissances d'argent. Il y a que, maire de Birmingham, il établit la banque municipale qui sortit la ville de Birmingham des griffes du monopole. Il y a, d'autre part, que M. Churchill est un ami étroit de M. Bernard Baruch, le grand Juif qui conseille Roosevelt.
Aussi fallait-il oublier le fiasco d'Anvers et le massacre de Gallipoli, contributions remarquables de Churchill à la dernière guerre. Il fallait en faire un grand homme, l'homme de l'heure pour sauver l'Angleterre. Et toute la presse mondiale, même au Canada, de publier la Vie héroïque de M. Churchill.
Et voilà Chamberlain au rancart. Et voici Churchill au gouvernail. Et l'univers de se faire dire, par sa presse contrôlée, que c'est sous la pression unanime du peuple anglais que Chamberlain a résigné.
Baruch dût jubiler. Grande joie à la Bourse de New-York. La livre sterling, qui avait sensiblement fléchi, reprit du niveau. Les manipulateurs du sterling bénéficiaient.
C'est des maisons financières juives de New-York que vinrent l'approbation et les fonds pour la soviétisation de la Russie. Si l'on veut faire de la soviétisation en Angleterre, les mêmes puissances sont disponibles. Déjà, dans le cabinet de guerre anglais, sur cinq membres, on compte deux socialistes avérés. Ceux qui considéraient la guerre comme une croisade sainte de la part des alliés sont bien aussi quelque peu stupéfaits de voir l'Angleterre dépêcher le pro-communiste Stafford Cripps comme ambassadeur près de Staline, avec mission de hâter un rapprochement entre Londres et Moscou.
Quelque chose d'analogue se passe au Canada.
Le 26 mars dernier, en pleine guerre, M. Mackenzie King et son parti furent réélus, avec une majorité sans précédent. Cette majorité ne fut pas confinée à la seule province de Québec. Toutes les provinces s'accordèrent pour trouver que le gouvernement au pouvoir conduisait le pays et la guerre d'une manière satisfaisante. L'idée d'un gouvernement national, d'un cabinet d'union fut repoussée d'une manière catégorique.
Pourquoi alors, depuis trois semaines, pourquoi cette campagne de journaux anglais, de Montréal à Vancouver, pour réclamer le départ de King et son remplacement par un autre mieux disposé à céder aux extrémistes jingœs ?
Ce n'est certainement pas le gouvernement qui donne ces ordres à la presse. Dieu merci, d'ailleurs, nous n'en sommes pas encore à ne pouvoir écrire et lire que ce qu'un dictateur nous permet de lire ou d'écrire.
Mais ce n'est pas non plus le public qui parle par ces journaux. Il vient de parler clairement aux bureaux de scrutin.
Qui donc, quelle puissance est derrière ce mouvement ?
Cette puissance qui aligne une trentaine de journaux quotidiens au Canada et les fait tous chanter au même ton ne pourrait-elle pas ficeler, en sourdine, les membres les plus influents du Parlement, même dans le parti libéral, pour prier M. King d'imiter vertueusement l'acte de Neville Chamberlain, selon la formule de la Gazette de Montréal ? Après quoi, on proclamera au monde que c'est parce que l'opinion publique a reviré depuis le 26 mars. L'Ottawa Citizen aime à souligner ce revirement : c'est un vœu qu'il essaie de faire passer pour un acte.
Nous craignons, en effet, l'influence de cette puissance sur nos parlementaires. En tout cas, nous voudrions certainement voir le fameux bloc libéral de la province de Québec un peu plus vigoureux pour défendre son chef actuel à Ottawa. Il a manifesté une longanimité inquiétante. Il a fallu le bondissement d'un Anglais, l'honorable Gardiner, pour fréner un peu la campagne de presse commanditée.
Mais les attaques de la presse jingœ contre King reprennent encore, en même temps qu'en Angleterre une nouvelle campagne de presse veut faire sortir M. Chamberlain d'un cabinet dans lequel il n'occupe plus qu'une place secondaire. Ce qui concorde avec la mise à pied, en France, de M. Daladier, d'un cabinet où lui aussi était passé de première place à place secondaire.
De ces remarques, tirons au moins une conclusion. Gardons-nous, au milieu des événements qui se précipitent, de juger les hommes et les choses d'après le tapage de la propagande payée. Ne mesurons pas la vérité à la grosseur des titres qui flamboient dans nos quotidiens.
Louis EVEN