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La politique - Les dessous du parlementarisme

le jeudi, 15 août 1940. Dans La politique

 Le choix des programmes

Si le choix des candidats a été complètement enlevé au peuple, comme nous le disions dans le précédent article, le peuple n'a pas plus à voir dans le choix des programmes. Les candidats officiels doivent s'en tenir au programme officiel de leur parti aussi fidèlement qu'un catholique aux encycliques.

Sous le système véritablement démocratique, l'initiative du programme viendrait du public. Les électeurs exigeraient certaines lois ou certaines modifications aux lois existantes et n'enverraient au Parlement que des représentants décidés à exprimer ses désirs.

Les demandes sortiraient de la multitude, et les candidats ne feraient qu'incorporer ces demandes dans leur plateforme. Les programmes varieraient naturellement d'un comté à l'autre, vu que les besoins à satisfaire et les torts à redresser ne sont pas identiques d'un bout à l'autre du pays. Cependant, il y aurait plusieurs points communs, et sans doute les plus importants, les principales causes de plainte étant communes à toute la nation.

Rien de tel ne se passe dans la réalité.

Deux programmes sont rédigés par les principaux politiciens des partis adverses, probablement après consultation réciproque, et les électeurs n'ont le choix qu'entre ces deux programmes.

Aucun sujet extérieur au programme ne peut être soulevé pendant la campagne, quelque désir qu'en éprouvent les électeurs. Impossible de discuter véritablement d'autre solution que l'une ou l'autre des deux solutions placées devant l'électorat, même si le public préfère en voir d'autres mises à l'avant. L'électorat n'a pas d'autre alternative que celle de choisir entre deux maux celui qu'il juge le moindre.

Il est vrai que les politiciens ont les yeux sur le vote lors de la rédaction des programmes. Mais la capture du vote par les politiciens est simple affaire d'accord arbitraire ; elle n'a rien à voir avec aucun besoin national. Un côté sollicitera le vote des hommes d'église ; l'autre, le vote des dissidents. Un côté cherchera l'appui des publicains ; l'autre, l'appui des prohibitionnistes. Mais la question à répondre est montée par les politiciens, et la manière dont elle est exposée délimite la réponse.

Il ne faut pas s'étonner de ce phénomène. C'est une condition normale du fonctionnement de la machine à partis, car la machine présuppose que l'opinion populaire n'ait aucune initiative.

Il n'existe actuellement aucun mécanisme par lequel le peuple puisse faire prévaloir une question quelconque, si brûlante soit-elle, à moins qu'elle soit inscrite au programme de l'un des deux grands partis.

Les électeurs peuvent parfois, il est vrai, obtenir des engagements de la part des candidats. Mais ces engagements n'ont aucune efficacité. Quand bien même, en effet, un député voudrait faire suite à un engagement donné en dehors du programme du parti, il ne le peut qu'en amenant un vote sur division à la Chambre. Or les premières rangées des deux partis (front benches) ont toujours le moyen d'empêcher un vote sur division sur une question qui ne leur convient pas.

De sorte que, même en supposant le candidat sérieux dans l'engagement qu'il prend sous la pression de ses électeurs (supposition plutôt hardie), ce candidat, une fois élu, sera à peu près dans l'impossibilité absolue d'agir en conséquence. Par leur contrôle de la Chambre et du temps de la Chambre, les rangées d'avant possèdent aussi le contrôle effectif des programmes soumis à l'électorat.

Si par suite de l'insistance générale des électeurs, ou plus souvent par suite de l'insistance des hommes riches dont l'argent soutient les partis officiels, il devient nécessaire d'accoster un problème, les électeurs n'ont pas d'autre choix qu'une ou deux solutions proposées par les politiciens des premières rangées.

Avec la perte de son initiative, le peuple a aussi perdu son droit de veto. Incapable de déterminer lui-même ses demandes, non seulement voit-il rejeter celles que quelque député s'est engagé à réclamer, mais il est en outre forcé d'accepter les mesures les plus détestées, des mesures pour lesquelles il n'a jamais donné de mandat, qui ne furent mentionnées dans aucun programme électoral. La mesure devient loi sans la moindre consultation de l'électorat. Quand bien même les commettants puniraient leur représentant en ne le réélisant pas aux prochaines élections, cela ne changera rien. Le successeur n'aura aucun pouvoir pour le rappel de la loi, dès lors que cette loi a reçu préalablement l'appui des deux rangées de l'avant.

Il est donc clair que, malgré le mécanisme savamment élaboré, des bureaux de votation et des bulletins de vote, malgré les appels frénétiques à la "volonté du peuple", matière normale des discours électoraux, le peuple n'à ni le pouvoir de faire son parlement voter des lois à son goût, ni le pouvoir de s'opposer à des lois qui lui répugnent. Toute la force de la législation est passée entre les mains d'un comité permanent de politiciens de profession, le groupe connu en Chambre sous le nom de premières rangées (the two Front Benches).

Hilaire Belloc et Cecil Chesterton, dans "The Party System".

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