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L'Institut d'Action Politique s'affirme

Louis Even le mardi, 01 décembre 1942. Dans La politique

Fiasco des démocraties

Les chefs des États totalitaires — Hitler surtout — aiment à répéter devant tout l'univers que les démocraties sont un fiasco ; que le régime démocratique n'est qu'une façade de la ploutocratie ; que le système parlementaire de gouvernement n'a produit qu'intrigues, exploitation du peuple par les puissances d'argent, chômage prolongé, faim et privations en face de l'abondance.

Avouons que la critique n'est pas dénuée de base. Les faits, malheureusement, sont là, personne ne peut les nier.

Est-ce à dire qu'il faille renoncer à la démocratie et embarquer dans la dictature (comme on le fait de plus en plus pendant la guerre), pour avoir un peu de sécurité économique ? Le dire serait rabaisser l'homme au niveau d'un animal bien soigné, le conducteur d'hommes au rang d'un éleveur intelligent. La sécurité économique doit être possible sans le carcan politique.

Si nos régimes démocratiques ont fait fiasco, c'est justement parce que la démocratie n'a pas fonctionné : c'est la dictature d'argent qui a tenu le gouvernail.

Et pourquoi la démocratie n'a-t-elle pas fonctionné ? Que manque-t-il dans ses rouages ? N'avons-nous pas des élections générales périodiques ? N'avons-nous pas des groupements politiques pour fournir des candidats et remplir les parlements ?

Nous avons cela, oui. Nous avons tout le mécanisme voulu pour choisir des représentants. Mais une fois ces représentants élus, quel mécanisme avons-nous pour leur exprimer la volonté de leurs mandants et les forcer à donner les résultats que le peuple a le droit d'exiger ?

Les partis politiques

Quelles qu'aient pu être les bonnes intentions qui assistèrent à la naissance des partis politiques, quels qu'aient pu être les services rendus par eux dans leur bas âge, il est certain qu'aujourd'hui, les partis politiques sont des organisations pour se disputer le pouvoir, afin de faire bénéficier les amis du parti des faveurs que la détention du pouvoir permet d'accorder.

L'histoire de deux générations prouve aussi que le changement de clans au pouvoir ne change rien pour le grand public; seuls, des favoris d'une couleur montent pendant que les favoris de l'autre couleur descendent.

Si, dans l'exercice du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, seul le bien commun guidait les élus du peuple, il y a longtemps qu'aurait cessé l'exploitation de la multitude par un groupe de contrôleurs de l'argent et du crédit.

Mais un autre moteur anime nos politiciens.

C'est probablement le président Roosevelt qui a résumé le plus brièvement et le plus exactement la position des politiciens, lorsqu'il a dit : "Les politiciens obéissent aux pressions."

Les plus bruyamment indépendants de nos forts-en-discours des tribunes électorales ne sont, après tout, que des soumis, Et à quoi obéissent-ils? À ceux qui savent faire des pressions efficaces.

Et qui exerce aujourd'hui une pression efficace sur les politiciens ? Les contribuables qui, par leurs taxes, paient la machine parlementaire ? Ou bien, les profiteurs qui, avec une partie des profits faits sur le dos du public, paient la machine électorale ? S'il faut en juger par les résultats, la palme est au profiteur.

Les députés et aspirants-députés semblent avoir les yeux bien plus sur la caisse qui finance l'élection que sur la source d'impôts qui finance l'administration du pays.

Un échec aux urnes, en effet, signifierait la disparition et du prestige et des honoraires attachés au titre de député. Tandis qu'une fois élu, le représentant est sûr que l'argent nécessaire pour le payer ne fera pas défaut.

Le fournisseur de la caisse électorale peut toujours refuser de dénouer les cordons de sa bourse; et s'il les dénoue, il peut toujours y mettre les conditions. Le public payeur, lui, n'a pas le choix : il n'a qu'à solder fidèlement ; bien servi ou mal servi, il doit payer jusqu'au dernier sou. Il lui reste le loisir de changer son homme aux prochaines élections ; mais cela ne changera rien, parce qu'une autre caisse, fournie à peu près par les mêmes intérêts, commande le nouvel homme aussi péremptoirement que la première caisse commandait l'ancien.

Cette situation confère au bailleur de fonds de la caisse électorale, vis-à-vis du député, une puissance plus concrète que celle du peuple qui paie la facture annuelle.

Un bloc d'électeurs organisés

Y a-t-il moyen de changer cela ? Y a-t-il moyen de faire sentir aux politiciens une pression du public plus forte que la pression des puissances d'argent ?

Nous croyons que oui, à condition de prendre les méthodes appropriées.

Former un autre groupe de politiciens pour briguer le pouvoir ne changera pas grand'chose en soi. Le nouveau groupe, en effet, s'il réussit, aura à faire face à la même pression des puissances d'argent, bien organisées pour s'adapter à tous les caractères et à toutes les circonstances. Et la pression du peuple, toujours inexistante, ne sera pas là pour faire contrepoids.

Ce n'est pas tant un bloc de politiciens nouveaux, ou d'anciens politiciens arborant une oriflamme nouvelle, qu'il est urgent d'organiser ; mais bien plutôt, un bloc de tous les électeurs pour se faire servir par les politiciens, anciens ou nouveaux.

Ce ne sont pas ceux qui subissent les pressions qui sont le facteur important, mais bien plutôt ceux qui exercent les pressions.

Les politiciens sont peu de choses. De simples instruments. C'est le moteur qui compte. Pousser de nouveaux instruments contre les anciens instruments ne fera qu'ajouter aux déceptions du passé. Mais pousser un nouveau moteur contre l'ancien moteur est une guerre qui a chance de succès.

L'ancien moteur, nous l'avons dit, ce sont les puissances d'argent organisées. Le nouveau moteur devra être le peuple lui-même organisé.

Un peuple organisé pour dicter les objectifs. Un peuple organisé pour forcer ses représentants à lui donner les résultats. Un bloc capable de dire en tout temps aux élus : Remplissez votre mandat, ou partez immédiatement. Et le mandat, ce n'est pas une indemnité annuelle pendant quatre ou cinq ans ; c'est le service du bien commun tous les jours.

Le jour où le pouvoir cesse de servir, il devient une usurpation. Un peuple renseigné découvre vite l'usurpation, et un peuple organisé a vite fait d'y mettre fin.

Il n'est pas du tout question, dans ceci, de recourir à des méthodes violentes ou sanglantes. Un peuple organisé aura exactement la même force pour se faire obéir que les exploiteurs organisés d'aujourd'hui. Sa seule présence suffira pour obtenir sa fin.

Mais on n'organise pas des ignorants. Au fait, la seule chose que méritent des ignorants, c'est la dictature, la conduite par quelqu'un qu'ils doivent suivre aveuglément — puisqu'ils sont ignorants.

Aussi, l'Institut d'Action Politique n'entreprend-il rien qui ne commence par l'éducation. Faire la lumière d'abord. Organiser ensuite. Puis agir.

Notre organisation

VERS DEMAIN est l'organe attitré de notre mouvement. VERS DEMAIN fait la lumière. La lumière engendre les convictions. Les convictions, chez les âmes bien nées, portent au rayonnement, à l'action. Pas à l'action du coup de poing, mais au dévouement et à la persuasion.

Aussi, du rang des abonnés qui lisent fidèlement leur journal, sont sortis des Voltigeurs qui le font connaître à d'autres, des animateurs qui entraînent leurs voisins.

Et voici trois ans que VERS DEMAIN continue ce travail commencé par les modestes Cahiers du Crédit Social.

L'Institut d'Action Politique a maintenant en main des éléments qui permettent d'envisager une organisation avec laquelle on devra compter.

C'est une organisation hiérarchisée : les plus éclairés et les plus actifs en tête. Tous sont invités à s'instruire, à bouger, puis à conduire. C'est une école perpétuelle de lumière et de formation de chefs. On n'y monte ni par la cabale, ni par le prestige de la fortune ou des titres. Un homme voit clair, mais ne bouge pas : il ne fera jamais un conducteur d'hommes. Un autre homme bouge, mais ne voit pas clair : il serait un guide dangereux. Mais des hommes qui voient clair et qui bougent ! c'est à ceux-là que l'Institut d'Action Politique confie des fonctions.

Tous les citoyens

L'Institut d'Action Politique vise à englober tous ceux qui veulent faire de la véritable action politique. Et, dans une démocratie, ce sont tous les citoyens qui devraient faire de l'action politique, se renseigner et s'unir pour s'assurer les résultats qu'ils sont en droit d'exiger de leur gouvernement pour le bien de tous.

Autour des officiers de l'Institut, sont groupés les Voltigeurs ; autour des Voltigeurs, les abonnés ; autour des abonnés, les non abonnés.

Prenons comme exemple la ville de Québec.

À Québec, Vers Demain compte plus de 2,700 abonnés. Qu'on y forme 250 bons Voltigeurs. Chaque Voltigeur s'occupe de dix abonnés. Voilà tout de suite 2,500 familles, que le journal visite régulièrement, et qui sont constituées en 250 groupes chacun sous la conduite d'un homme en rapport direct avec les officiers de l'Institut.

Sous l'impulsion des Voltigeurs, les 2,750 abonnés étudient leur journal et en absorbent l'esprit. Il devient vite assez facile de demander à chaque abonné de rayonner autour de lui, en s'occupant plus particulièrement de dix familles non abonnées. Il leur parle de temps en temps, et leur passe des numéros du journal ou des feuillets simples préparés expressément pour les commençants.

Nous arrivons tout de suite à 27,500 familles sur lesquelles l'Institut d'Action Politique exerce une influence de plus en plus marquée.

C'est toute la ville de Québec devenant de plus en plus prête à une action politique du genre expliqué ci-dessus : la pression efficace sur les politiciens pour leur dicter l'objectif, pour exiger de résultats.

Et ce qui est dit de Québec peut se dire de toutes les villes, villages et paroisses où le journal Vers Demain pénètre et se répand.

Les politiciens qui feignent d'ignorer les créditistes de la province de Québec s'apercevront, plutôt qu'ils pensent, qu'ils ne pourront ni entrer au Parlement ni y rester sans l'appui du bloc organisé par les créditistes.

Les créditistes ne tiennent point à s'emparer du pouvoir. Mais ils tiennent à ce que les détenteur du pouvoir servent ceux qui leur donnent un mandat, au lieu de servir ceux qui exploitent la multitude.

Nous reviendrons sur ce mode d'action politique, dont il n'existe probablement pas d'exemple même dans nos démocraties les plus avancée justement parce qu'on s'est uniquement occupé d'organiser des partis politiques pour choisir des politiciens, au lieu de renseigner et d'organiser le peuple pour le mettre en position de se faire servir par ses politiciens et par ses institutions.

Louis Even

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