Il semble que personne ne puisse s'opposer à cet ordre : l'homme d'abord, l'argent après. C'est tout à fait conforme aux principes que tout le monde professe.
Mais, dans la pratique, c'est exactement le contraire des principes qui prévaut.
Un homme est-il lésé, toute une nation souffre-t-elle, qu'on parlera à peine et qu'on n'agira pas du tout, si le redressement devait reléguer l'argent au second plan.
Au contraire, l'argent est-il lésé, la fécondité de l'argent est-elle menacée, un intérêt sur des obligations est-il diminué, que toute la presse entre en danse : il faut mettre le monde entier en émoi.
L'Alberta en sait quelque chose. Que des fermiers souffrent, que leurs produits se vendent deux ou trois fois moins cher ; bah ! Mais qu'on prenne les moyens de couper l'intérêt en deux lorsqu'il faut vendre au moins deux fois plus de produits pour le payer, scandale !
L'argent d'abord, l'homme après !
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L'homme d'abord, l'argent après ? Où cela a-t-il été mis en pratique ?
En Allemagne, on a dit pendant six ans : L'emploi d'abord, l'argent après. Puis on a crié : La guerre d'abord, l'argent après.
Au Canada, on a dit pendant dix ans : L'argent d'abord, l'emploi après, l'homme zéro. Depuis trois ans, on a appris à dire comme chez l'adversaire: La guerre d'abord, l'argent après. Et on se prépare à prendre, pour l'après-guerre, le refrain de l'Allemagne d'avant-guerre : L'emploi d'abord, l'argent après.
Nest-ce pas ce que déclare solennellement Roosevelt, et ce que répète religieusement Mackenzie King, et ce qui pullule dans tous les journaux lorsqu'ils nous entretiennent d'un monde meilleur : Il faut qu'après la guerre tout le monde soit sûr de trouver de l'emploi.
Belle réforme ! Elle fut opérée bien avant la guerre en Allemagne et en Russie. Que ne s'adresse-t-on là pour avoir des experts ?