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L'économique - Où faire commencer l'argent

Louis Even le dimanche, 01 février 1942. Dans L'économique

L'augmentation de l'argent

À mesure que la population augmente, à me­sure que la production augmente et se spécialise, à mesure qu'il y a plus de choses à vendre, il est nécessaire d'ajouter de l'argent nouveau à celui qui existe déjà.

Quelques professeurs, plus habitués aux for­mules copiées qu'aux réalités du monde qui les entoure, s'obstinent à soutenir, il est vrai, qu'il n'y a pas besoin d'augmenter l'argent, même si la production se multiplie, même si la population double, triple ou quadruple. D'après eux, il n'y a qu'à faire l'argent circuler plus vite. Faites le dollar aller deux fois au lieu d'une, de la poche au magasin, du magasin à l'industrie, de l'indus­trie à l'ouvrier. Puis faites-le aller trois fois au lieu de deux. Puis quatre fois, dix fois plus vite.

La population augmente-t-elle, communiquez à votre dollar la vitesse du courant électrique, et tout est réglé.

Ils appellent cela vélocité de l'argent. D'autres disent rotation de l'argent. Quand ils ont dit cela, il faut se taire, il n'y a plus de problème d'argent.

À ces grands esprits, une simple suggestion : Essayez donc, messieurs. Faites marcher tout le commerce, toute l'industrie, le transport, les voya­ges, la guerre, etc., faites marcher tout cela au Canada avec un seul dollar. On assistera à votre démonstration avec plaisir.

Le gros bon sens nous dit, à nous : Plus il y a de monde à participer dans les échanges, plus il faut d'argent ; plus de produits à échanger, plus d'argent ; plus de choses à vendre, plus d'argent pour les acheter.

Et l'expérience nous apprend que, si les pro­duits s'accumulent au lieu de se vendre, c'est justement parce que l'argent manque. Baptiste en crise ne dit pas : L'argent a perdu ses jambes. Il dit : L'argent est devenu rare.

Deux manières

Donc, il faut bien que l'argent augmente avec le développement du pays. Et c'est ce qui arrive d'ailleurs.

Mais où faire commencer l'argent nouveau ? Dans quel endroit du pays, dans quelles mains mettre le nouvel argent en circulation ?

Aujourd'hui, on le fait commencer du côté de la production. Cela veut dire que l'argent,  en venant au monde, est confié à un producteur ; à un fabricant de radios, par exemple, qui s'en ser­vira pour payer des machines et des ouvriers qui vont produire des radios.

Or, il y a des novateurs, des prédicateurs de réformes, qui ne sont pas satisfaits de cette ma­nière-là. Ils soutiennent qu'il y a mieux à faire. Ils veulent que l'argent commence du côté de la consommation. C'est-à-dire, qu'ils veulent voir l'argent nouveau commencer entre les mains des acheteurs.

Les créditistes sont de cet avis-là. Ce sont eux qui enseignent cela, qui le disent et l'écrivent par­tout. D'après les créditistes, l'argent, en venant au monde, devrait commencer par aller entre les mains de tout le monde : à chacun une part. Après avoir été ainsi distribué, l'argent irait à ceux qui le gagnent, par le moyen ordinaire des ventes et des achats.

La première manière, la manière actuelle, s'ap­pelle financer la production. Elle met l'argent du côté de ceux qui font les produits. Comment l'argent va-t-il passer en face des produits pour les acheter ? Par les salaires que le producteur paie à ses employés. C'est donc financer la pro­duction d'abord, puis financer la consommation par la production.

L'autre manière, la manière réclamée par les créditistes, finance la consommation directement, en autant au moins qu'il est question de l'argent nouveau. Elle place tout de suite l'argent en face des produits. L'acheteur, en payant, fait passer l'argent du côté du producteur. Le producteur s'en servira pour payer les ouvriers qui feront d'autres produits pour remplacer les produits vendus. On appelle cela financer la production par la consommation.

Donc, première manière, manière orthodoxe : financer la consommation par la production.

Deuxième manière : manière créditiste : finan­cer la production par la consommation.

Laquelle est la meilleure ? Évidemment celle qui donne les meilleurs résultats.

La première manière est en opération : il est facile de voir comment elle fonctionne. La seconde n'a pas encore été essayée, on ne peut en juger que par le raisonnement.

L'argent nouveau à la production

Voyons ce que donne actuellement l'argent émis du côté de la production. Ne perdons pas de vue qu'il s'agit de l'argent nouveau. Il ne s'agit donc pas de la production financée par l'épargne, mais de la production financée par de l'argent nouveau.

Cet argent nouveau ne peut venir au produc­teur que de la source où il est mis au monde, de la banque.

Le banquier ne donne pas cet argent à l'en­trepreneur, il le prête, et il en exige le rembour­sement, avec intérêt. Le banquier garde une hy­pothèque sur l'entreprise.

Comme cet argent correspond à un dévelop­pement, à l'augmentation de la population tra­vaillante, à l'introduction de moyens plus effica­ces dans la production, c'est de l'argent qui cor­respond au progrès. Le banquier, en faisant et prêtant de l'argent pour financer le progrès, ob­tient une véritable hypothèque sur le progrès.

Cette manière de mettre l'argent nouveau en circulation, est donc en elle-même une main-mise du faiseur d'argent sur le progrès.

Par ailleurs, le banquier exige le remboursement avec intérêt. Le producteur qui a emprunté est donc obligé de vendre assez cher pour rembourser plus d'argent qu'il en a obtenu ; il lui faut tirer des acheteurs plus d'argent qu'il leur en passe en payant ses ouvriers. Son prix de vente com­prend, non seulement l'argent distribué, mais l'intérêt. Cela veut dire que la finance de la pro­duction ne finance pas complètement la consom­mation. S'il n'y a rien pour supplémenter, il res­tera de la production invendue, il faudra diminuer la production, d'où le chômage avec toutes les suites qu'on sait.

Quelques réformateurs préconisent que le gou­vernement fasse l'argent à la place du banquier, mais qu'il ne distribue cet argent que du côté de la production. Ce serait passer l'hypothèque sur le progrès, du banquier au gouvernement, passer la dictature du banquier au gouvernement. Le gouvernement aurait discrétion pour distribuer l'argent nouveau où il veut, où il juge à propos. On aurait de la belle politique ! Les créditistes s'opposent à cela, parce qu'ils ne veulent pas plus d'une dictature d'État que d'une dictature bancaire.

Il y a un autre point dans l'émission de l'argent nouveau du côté de la production. Si l'argent nouveau commence à circuler par les mains du producteur, c'est le producteur qui décide com­ment il va l'employer, quels articles il va produi­re. Après quoi, le producteur enverra ses agents ou ses annonces sur la route, pour essayer de prouver aux consommateurs qu'ils ont besoin de ces articles-là. C'est pourtant le consommateur qui devrait dire à la production ce qu'il veut avoir ; mais le consommateur n'obtenant l'argent qu'une fois la production exécutée, le producteur, obligé de vendre, se met en quatre pour former à sa manière le goût du consommateur. C'est le désordre.

L'argent nouveau à la consommation

Le Crédit Social propose la distribution de tout argent nouveau aux consommateurs directement, et à tous les consommateurs sans exception.

L'argent nouveau pour acheter le progrès : c'est passer à tous sans exception un premier bénéfice sur le progrès, sans hypothéquer personne.

L'argent à la consommation, c'est de l'argent pour acheter, pour dépenser, non pour vendre. C'est donc de l'argent nécessairement donné. Il ne peut être question ni de remboursement ni d'intérêt.

C'est plus conforme aux faits. Le progrès ne naît pas un jour pour être anéanti le lendemain. Pourquoi alors retirer de la circulation de l'argent qui y est venu pour correspondre à un dévelop­pement qui dure ?

Cet argent nouveau est dépensé par le consom­mateur lorsqu'il achète. L'argent passe au mar­chand, puis du marchand au producteur. Comme cet argent est entré en circulation libre d'intérêt, il ne grève pas les prix comme dans la manière actuelle. Le producteur n'a pas à retirer de l'ar­gent qu'il ne distribue pas.

Lorsque l'argent nouveau commence du côté du consommateur, c'est le consommateur, en pla­çant ses commandes, qui décide ce qui va être fait avec l'argent du progrès.

Le Crédit Social demande que, périodiquement, soit ainsi distribué de l'argent aux consomma­teurs, au moins pour les premières nécessités de la vie. Le Crédit Social demande qu'on en vienne, graduellement, à garantir par cette distribution un minimum vital à chaque citoyen. Ce qui veut dire que, au moins jusqu'à concurrence de la production des nécessités de la vie, c'est le con­sommateur qui orienterait la production.

La finance directe du consommateur finance en autant le producteur. On n'en peut pas dire autant de l'autre manière : on l'a vu, la finance du producteur ne finance que partiellement le consommateur.

Pour le développement de la production, sous un système créditiste, l'entrepreneur, au lieu de recourir à une création d'argent par le banquier, chercherait par la vente de parts ou autrement, l'argent qui a été mis en circulation dans le public directement.

Ce sont les épargnants qui financeraient le développement, mais le total de ces épargnes cor­respondrait justement à l'argent nouveau mis en circulation par distribution aux consommateurs. Globalement, ce ne serait pas une épargne, mais une émission. Le volume de l'argent nécessaire serait là, émis sans dette. Les désirs des consom­mateurs, l'initiative des entrepreneurs, la pré­voyance de ceux qui ont plus que pour leurs besoins, canaliseraient cet argent vers un déve­loppement répondant mieux aux besoins de la collectivité.

S'il y a des consommateurs qui ne savent pas ce qu'ils veulent, ou qui veulent des choses inu­tles, c'est à l'éducation, non au mercantilisme, d'intervenir.


"Être responsable, c'est être capable de répondre de ce qu'on fait. Le sentiment de la responsabilité est la caractéristique de l'être sain et normal. Le goût de la responsabilité est le signe distinctif du chef. Le besoin de responsabilités de plus en plus grandes ex­prime le pouvoir d'ascension d'un homme dans la hiérarchie sociale ou nationale".

(Maréchal Pétain.)

Louis Even

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