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L'économique - Finance publique, Budget orthodoxe

Louis Even le vendredi, 15 mai 1942. Dans L'économique

Qu'est-ce qu'un budget ?

On appelle budget "l'état de prévision des re­cettes et des dépenses d'un État, d'un départe­ment, d'une commune" (Dictionnaire Augé), donc aussi d'une province, d'une municipalité. Il s'agit de finance publique.

De quoi sont faites les recettes ?

De tout ce qui tombe dans le Trésor: taxes, profits des entreprises étatisées, péages, amen­des, etc.

De quoi sont faites les dépenses ?

De tout ce qui est payé avec de l'argent du Trésor: service de la dette publique (intérêt et amortissement), indemnités aux ministres et aux députés, rémunération des fonctionnaires, services publics (routes, ponts, prisons, etc.), octrois, al­locations, etc.

Qu'exige-t-on surtout d'un budget orthodoxe ?

On exige, avant tout, que les recettes soient au moins égales aux dépenses.

S'il y a beaucoup de dépenses nécessaires ?

On augmente les recettes en pompant davanta­ge les contribuables.

Si les taxes sont déjà tellement lourdes, qu'il est impossible de les augmenter sans ruiner la pro­priété, le commerce et l'industrie ?

Dans ce cas, le gouvernement recourt à l'em­prunt.

Quelle est la différence entre un emprunt et une taxe ?

L'emprunt rapporte de l'intérêt à celui qui four­nit l'argent; la taxe ne rapporte rien à celui qui fournit l'argent. D'ailleurs, l'emprunt signifie une taxe différée: il faudra bien taxer tôt ou tard pour rembourser l'emprunt — si on rembourse — et pour servir les intérêts.

Mais s'il n'y a pas assez d'argent dans le pays pour alimenter les taxes, comment peut-il y en avoir assez pour fournir à des emprunts ?

1° Parce que la limite des taxes est atteinte lorsque la moyenne des contribuables est rendue à saturation; mais il y a des citoyens plus fortunés qui ont encore des ressources.

2° Surtout, parce qu'il existe une source inépui­sable d'argent dans les banques.

Ce sont donc les plus fortunés qui peuvent tirer des intérêts ?

Évidemment, et ces intérêts sont payés par les taxes de tout le monde, même des moins fortunés.

Mais ce système-là ne favorise-t-il pas la concentration de la richesse entre quelques mains ?

Certainement, et il réussit à merveille à attein­dre ce résultat. C'est bien assez étrange que l'État, dont une des fonctions devrait être de cor­riger les inégalités criantes, devient l'instrument de leur formation.

L'État ne corrige-t-il pas les inégalités par les taxes proprement dites ?

La plupart des taxes sont transmises dans les prix et atteignent ainsi indirectement les consom­mateurs. Ceux qui paient directement les taxes agissent un peu comme percepteurs, en s'éver­tuant à récupérer le montant de ceux auxquels ils vendent des produits ou des services.

Vous dites qu'il existe une source inépuisable d'ar­gent dans les banques ?

Oui, puisque les banques sont les manufactu­rières de l'instrument monétaire, les fabricantes d'argent. Ce n'est plus un mystère pour personne.

Pourquoi alors l'État ne va-t-il pas simplement s'approvisionner à cette manufacture ?

Il y serait mal accueilli s'il n'a pas d'abord ex­trait tout ce qu'il est possible d'extraire du public.

Pourquoi cela ?

C'est l'esprit du système. Les banques traitent l'argent comme une marchandise: plus l'article est rare, plus il est cher. La condition idéale pour les banques, c'est que le public et le gouverne­ment soient l'un et l'autre tellement au bout de leur corde qu'ils doivent se présenter humblement au comptoir du banquier et accepter toutes les conditions.

Lorsque le pays est vide d'argent, à qui les ban­ques prêtent-elles de préférence ?

Au gouvernement. Les particuliers auraient trop de difficulté à rembourser à temps; tandis que les gouvernements empruntent à long terme, se contentent de rembourser les intérêts et hypo­thèquent tous le pays, même les générations fu­tures.

N'est-ce pas placer une puissance formidable entre les mains des banques ?

Assurément. Ceux qui contrôlent ainsi la sour­ce de l'argent et du crédit sont devenus les maî­tres de nos vies. Quant aux gouvernements, ils sont dégringolés de leurs fonctions; au lieu de pro­téger le bien commun, ils sont devenus les escla­ves des intérêts privés.

Que fait un gouvernement qui est à bout de res­sources et auquel les banques ne veulent prêter que parcimonieusement ?

Il prêche l'économie et fait pratiquer la priva­tion. Il rogne tant qu'il peut dans le côté du bud­get où figurent les dépenses.

Que rogne-t-il surtout ?

Les salaires des fonctionnaires, sauf des privi­légiés; les dépenses de voirie, sauf à la veille dé­lections; les octrois et allocations, sauf à ceux dont l'appui est précieux pour se faire réélire.

Y a-t-il un article des dépenses qu'il ne rogne jamais ?

Oui, celui du service de la dette, l'intérêt sur la dette consolidée.

Pourquoi ne tranche-t-il pas là-dedans comme dans tout le reste ?

Parce que c'est le salaire de l'argent, et l'argent passe avant l'homme.

Un gouvernement qui passerait outre et placerait l'homme avant l'argent ne serait-il pas acclamé comme un gouvernement libérateur et conservé précieusement au pouvoir ?

Ce gouvernement-là ferait hurler tous les loups de la finance et les nombreux louveteaux de la presse et des cercles qui sont sous l'emprise de la finance. Exemple: le gouvernement de l'Alberta, qui a justement coupé en deux le montant de l'in­térêt sur la dette publique depuis six ans, et qui n'a jamais consenti à mettre un homme dans le chemin, même s'il ne peut payer ses taxes. La grande presse traîne ce gouvernement dans la boue et les maîtres financiers du monde ne le placeront jamais sur leurs autels.

Mais le peuple ?

Un peuple bien renseigné ne supporterait pas le système vingt-quatre heures; mais dans la mesure où il ignore, il se laisse meurtrir, et le gouverne­ment ne trouve pas chez le peuple une force suffi­sante pour le décider et l'aider à chasser les vo­leurs du Temple.

Pourquoi la dette publique grossit-elle toujours ?

Parce que tout argent qui sort de la manufac­ture bancaire doit y rentrer plus gros qu'il en est sorti. Comme l'argent ne se fait pas en dehors de là et qu'il ne grossit pas tout seul, la promesse de rapporter ne peut être collectivement tenue. Il faut retourner à la source pour satisfaire l'exigen­ce de l'emprunt, et chaque recours à la source ajoute à la dette.

N'est-ce pas augmenter un pouvoir déjà exorbi­tant ?

Oui. Tout le système de naissance et de rappel de l'argent est conçu pour accroître la puissance des puissants, affaiblir les faibles, river davanta­ge les chaînes des esclaves, rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres.

Cette méthode de finance publique est-elle néces­saire ?

Pas du tout.

L'équilibre du budget national est-il indispen­sable ?

L'équilibre du budget national est une inven­tion absurde.

Voulez-vous dire que le gouvernement peut se permettre plus de dépenses que de recettes ?

Je veux dire que les dépenses sont une chose et les taxes une autre chose, et qu'il n'existe aucun rapport nécessaire entre les deux.

Expliquez-nous cela.

Oui, dans le prochain numéro de VERS DE­MAIN. Pour aujourd'hui, méditons un peu sur les abominations de notre système actuel de finance publique.

Louis EVEN

"C'est l'armature économique de la nation qu'il va falloir modifier, en tenant compte des éléments nou­veaux. Personne ne veut plus d'une organisation du monde qui engendre le chômage permanent et une guerre tous les vingt-cinq ans.

"Une organisation économique gigan­tesque a étonné le monde par le fan­tastique accroissement de la produc­tion, et des foules immenses meurent de misère en face de ces producteurs qui souffrent souvent d'une détresse non moins grande, faute de la possibi­lité d'écouler l'excès monstrueux de leur production."

PIE XII

(alors Cardinal Pacelli, à Notre-Dame de Paris, le 13 juillet 1937).

Louis Even

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