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L'économique - Finance publique, Budget créditiste

Louis Even le lundi, 01 juin 1942. Dans L'économique

Sous un régime créditiste, un gouvernement fe­rait-il un budget ?

Certainement, et il tiendrait mieux sa compta­bilité que n'importe quel gouvernement actuel.

Un gouvernement créditiste équilibrerait-il son budget ?

Il équilibrerait son budget avec les faits. Il ne se tracasserait pas d'équilibrer les recettes avec les dépenses.

Comment un individu peut-il dépenser plus qu'il reçoit ?

Il ne s'agit pas d'un individu, mais du gouver­nement souverain ; il ne s'agit pas d'une partie, mais du tout.

Comment le gouvernement créditiste réussirait-il, sans finance, à payer ses dépenses ?

Un gouvernement créditiste ne manquerait ja­mais de finance pour faire une chose qui est vou­lue et qui est physiquement possible.

Voulez-vous dire que le gouvernement ferait l'ar­gent à mesure des besoins ?

Il le ferait à mesure qu'il en est besoin pour permettre un développement possible et désiré, pour lequel il ne manque que l'argent.

Mais n'y a-t-il pas à craindre que cela ferait trop d'argent en circulation ?

C'est contraire à l'hypothèse : lorsqu'il ne man­que que l'argent, avons-nous dit.

L'argent mis en circulation par un gouvernement créditiste ne serait-il donc jamais rappelé ?

Sous un régime créditiste, l'argent va selon les faits. Toute production de richesse est représentée par une production d'argent. Toute destruction de richesse est représentée par une destruction d'ar­gent. Si la production dépasse la destruction, l'ar­gent augmente. Si la destruction dépasse la pro­duction, l'argent diminue.

Y aurait-il moyen de diminuer l'argent sous un régime où l'argent ne vient pas au monde avec obligation de rembourser ?

Oui, par les taxes. Lorsque c'est le gouverne­ment qui fait l'argent, il peut toujours le distri­buer gratuitement, parce que, s'il juge à propos de diminuer l'argent en circulation, il dispose du mécanisme des taxes. Un banquier ne peut faire cela. Un banquier n'a pas le droit de taxer ; il se reprend par le droit d'endetter, mais son objectif n'est pas le bien commun.

Il y aurait donc des taxes sous le Crédit Social ?

Oui, mais des taxes d'assainissement, pour ôter de l'argent là où il y en a trop. Cela ne ferait pas mal, puisque, par hypothèse, c'est qu'il y en aurait trop. C'est le trop ou le pas assez qui fait mal. En comblant le pas assez et en retranchant le trop, on ne fait que du bien.

Alors, vous revenez au système actuel, des taxes par le gouvernement pour payer les dépenses du gouvernement ?

Non pas. Considérez deux mécanismes et considérez-les indépendants l'un de l'autre :

1— Mécanisme de taxation, qui retire de la cir­culation et verse au Trésor tel argent dont la présence dans la circulation exerce un ef­fet nuisible, effet d'inflation ou autre.

2— Mécanisme d'émission, qui place dans le Trésor telle quantité d'argent qui y manque pour financer le programme du gouverne­ment.

Chacun opère au degré nécessaire pour attein­dre sa fin propre. De sorte que l'émission inter­vient chaque fois que la production de richesse réelle dépasse la destruction de richesse réelle. Un enrichissement en choses exige nécessairement une augmentation d'argent si l'on veut maintenir la valeur de l'unité monétaire. Sous le régime actuel, l'enrichissement se traduit par une dette, seul moyen d'augmenter l'argent. Sous un régime cré­ditiste, l'enrichissement se traduit par une émis­sion libre de dette.

En quoi consisterait le programme d'un gouverne­ment créditiste ?

Le premier point d'un programme créditiste se­rait le service du dividende national à chaque ci­toyen. Puis l'entretien des services sociaux, avec toutes les dépenses, salaires aux fonctionnaires ou autres, qu'il comporte. Puis les entreprises publi­ques désirées, dans l'ordre où l'exige le bien géné­ral et à mesure des possibilités réelles.

Pourquoi mettez-vous le dividende national au premier rang ?

Parce que l'assurance d'un minimum vital à tous les membres de la société est bien le premier avantage que les citoyens attendent de leur asso­ciation. S'il n'est pas possible de s'assurer un mi­nimum vital en vivant en société, il ne reste plus qu'à sortir de la société.

Qu'entendez-vous par un minimum vital ?

Le minimum de nourriture, de vêtement et de logement pour ne pas mourir de privation.

Qu'entendez-vous par dividende national ?

La part périodique que chaque citoyen peut at­tendre de son association avec les autres citoyens. Cette part doit bien être au moins l'équivalent du minimum vital.

Un dividende national est-il possible ?

Oui, tant qu'il consiste dans le droit au mini­mum de choses pour vivre, puisque le pays est certainement capable de fournir au moins le mini­mum de choses pour vivre.

Voulez-vous dire que la première tranche du bud­get serait pour assurer à tous et à chacun les choses essentielles à l'entretien de la vie ?

Exactement. Cette première tranche serait in­tangible et sacrée. Aussi sacrée que l'intérêt qu'on sert aujourd'hui annuellement sur l'inexplicable dette publique.

Vous maintiendriez aussi les services sociaux éta­blis ?

Oui, et au delà. S'ils sont physiquement possi­bles aujourd'hui, ils le seraient encore bien plus sous un système où la finance n'entrave plus l'exercice des activités. Il existe une vaste réserve de travail inutilisé ou dévié vers une production peu utile au pays.

Y aurait-il encore étude du budget annuel ?

Oui, mais abordé sous un angle différent. Au­jourd'hui, on regarde où s'arrête la capacité finan­cière, et on détermine par où commencer et à combien se limiter. Sous un régime créditiste, on regarde jusqu'où va la capacité réelle, en hommes, en matériel ; on décide par où on va commercer, puis continuer, en allant jusqu'à la limite des pos­sibilités réelles. On comprend que les bornes sont moins rapprochées.

Alors, le gouvernement créditiste n'aurait pas de problème de finance ?

Non. Il lui resterait les problèmes d'administra­tion, de surveillance, d'orientation, de protection du bien commun. Il pourrait y apporter des fa­cultés,libérées des cauchemars actuels de finance.

Vous avez appelé la dette publique "inexplicable" ?

Oui, dans le sens d'injustifiable. On peut très bien expliquer comme elle se bâtit, mais on ne saurait expliquer pourquoi elle doit ainsi se bâtir. La dette publique interne, au moins, n'a certaine­ment pas sa raison d'être ; et la dette publique ex­terne est, en grande partie, créée par les mêmes méthodes, dont on pourrait et dont on devrait se passer.

Mais quelqu'un qui emprunte ne s'endette-t-il pas par le fait même ?

Oui. Mais pourquoi emprunter quand on est le gouvernement souverain ?

N'oublions pas que, lorsqu'on parle de gouver­nement, on parle d'un tout, d'une association pos­sédant la souveraineté, non des individus qui com­posent l'association.

Peut-on imaginer, par exemple, un univers en­detté ? Il faudrait qu'il existât un autre univers auquel le premier fût endetté. Une dette interne de l'univers est incompréhensible.

Il en est de même d'un État. Il peut être endet­té à un autre État dont il a obtenu quelque chose qui n'est pas chez lui. Mais comment peut-on sup'poser un État endetté envers lui-même ou envers des administrés, à moins de faire de l'État une entreprise privée ordinaire ? La souveraineté et la dette interne sont deux idées incompatibles.

La souveraineté des États est donc entamée ? Oui, par leur aliénation du pouvoir d'émission et de retrait de l'argent. Les institutions qui ont usurpé ce pouvoir, les banques, n'empruntent pas. Les contrôleurs de l'argent et du crédit sont les maîtres réels ; ils conduisent dans leurs pays res­pectifs. Les contrôleurs internationaux de l'argent et du crédit sont les maîtres réels dans l'univers : ils conduisent le monde entier.

Que faut-il faire pour bien comprendre la finance créditiste ?

Se rappeler qu'elle est l'expression des faits réels.

Ainsi, un dividende n'est autre que le droit à l'individu, de par sa naissance, de tirer sur la pro­duction du pays pour vivre. Sous ce régime, la venue d'un nouveau-né dans une maison comporte ipso facto, pour la famille, le droit de tirer un peu plus sur la production du pays. Si la production était insuffisante, la naissance d'un enfant pour­rait, économiquement, être regardée comme un désastre. C'est le contraire dans un pays qui ne sait que faire de sa production et qui cherche des marchés partout : l'arrivée d'un consommateur nouveau, qui mange et ne produit pas, devrait logiquement être accueillie comme une bénédic­tion économique.

De même, on a besoin d'une route dans le pays. Il y a hommes, machines, matériel, etc. Le gou­vernement la fait construire. Il paie par une émission. Il distribue ainsi aux ouvriers de la route le droit de tirer sur la production agricole et in­dustrielle du pays. Exactement ce que désirent agriculteurs et industriels. Au lieu d'endetter le pays, la construction d'une route, d'une école, etc., activerait ainsi toute l'économie interne du pays.

Quand aura-t-on un gouvernement créditiste ?

Au Canada, lorsque les Canadiens le voudront. Dans la province de Québec, lorsque la population de la province le voudra. Lorsque l'Association Créditiste aura couvert la province de Québec, ce sera un jeu de faire le reste et d'établir le divi­dende national.

Louis Even

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