Le "New Order Magazine", publié à Sydney (Australie), présente, dans son édition de février-mars 1942, un article de Mme Lillie Beirne, intitulé "La démocratie sera asservie davantage si les maîtres internationaux gardent leur domination." L'article traite surtout de la centralisation financière cherchée sous le masque du mouvement "Union Now".
Les lecteurs de VERS DEMAIN sont déjà au courant de ce mouvement qui voudrait anéantir les nationalités et unir sous un seul gouvernement central l'Angleterre, les États-Unis, le Canada, l'Australie, les démocraties de langue anglaise, en attendant de placer le monde entier sous le même sceptre — pas le sceptre du Christ-Roi, mais celui de Mammon.
Plusieurs créditistes de Québec ont eu l'occasion d'entendre l'auteur de l'article, Mme Lillie Beirne, lors de sa tournée au Canada et aux États-Unis en 1940. Comme le monde, las des conditions chaotiques créées par les interventions des financiers internationaux, semble disposé à accepter presque n'importe quoi, même un changement justement appuyé en sous-main par les mêmes dominateurs financiers, nous croyons utile de reproduire ici une bonne partie de l'article de Mme Beirne.
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Le sujet d'une Union Fédérale est depuis assez longtemps à l'étude aux États-Unis et au Canada. Je l'y ai trouvé très discuté dans les organisations et clubs féminins, où l'on étudie et propage les idées émises par Clarence Streit dans son livre "Union Now". Je me suis aperçue qu'on apportait beaucoup d'intérêt aux vues exprimées par cette vieille idée sous un nouveau nom.
Je dis "vieille idée", parce que, dès les temps les plus reculés de l'histoire connue, on constate cette tendance à vouloir ravir la liberté des individus et la souveraineté des peuples, pour établir un contrôle centralisé.
On donne toujours comme raison que telle action est nécessaire pour remédier à des maux existants. La théorie exploitée, c'est que, les peuples pris séparément ne pouvant manœuvrer leurs propres affaires, il est nécessaire de lier les nations ensemble. Je proteste tout de suite contre cette conclusion ridicule. Ceux qui raisonnent ainsi ignorent toujours la cause de l'inaptitude des individus, ou des nations, à vivre ensemble en harmonie ; ils ignorent la cause et ne traitent que des effets.
Le livre de Clarence Streit, "Union Now", agit sur l'émotivité du lecteur. "Dans quelle situation terrible nous sommés ! se dit-il. Nul ne semble savoir quoi faire, et nos gouvernants n'ont ni la lumière ni la capacité de nous dire quoi faire."
Le désespoir même que chacun éprouve à la vue de l'ordre actuel avec son chaos, avec ses honteuses disparités dans la distribution des richesses, avec la haine de classe et la soif de vengeance, qui couvent dans les cœurs, avec les frayeurs entretenues et les destructions sanguinaires, tout concourt à tourner les hommes désemparés vers le rêve d'une union avec des partenaires internationaux qui semblent puissants.
"Oui, dit-on avidement sous le poids de l'angoisse, oui, voilà le remède aux grands maux du jour. Lions-nous ensemble en une fraternité solide et forte, de sorte que personne n'osera nous assaillir, ni troubler notre paix et notre sécurité."
On ne s'arrête pas à se poser une simple question : "Qui appuie ce mouvement d'une Union Fédérale ? On entend la musique, mais qui paie le musicien ?"
L'Union Fédérale est simplement la progéniture émasculée de la vieille et pathétique Ligue des Nations, conçue en Amérique et morte avant sa naissance : la Ligue fut pratiquement enterrée lorsque la Banque des Règlements Internationaux en devint la grand'marraine. Et de même que la Ligue des Nations fut sous le contrôle des monopoleurs de l'argent, de même la Federal Union sera sous le contrôle des mêmes dictateurs internationaux.
Là où il n'y a pas de liberté financière, il ne peut y avoir de liberté démocratique. Là où il n'y a pas de liberté financière, il ne peut y avoir de liberté économique, ni de sécurité pour les individus ou les nations.
Ceux qui préconisent l'idée d'Union Fédérale oublient complètement, soit de propos délibéré soit par ignorance, le fait qu'un contrôle financier vicieux est la véritable cause de l'impuissance des nations et des peuples à vivre en harmonie.
Chaque rencontre entre les autorités mondiales et les États et Unions internationales ; chaque rencontre entre les autorités britanniques et celles de leurs dominions ; chaque rencontre entre les autorités américaines et les autorités des nations alliées — toutes prouvent le désespoir et l'impuissance de ceux qui, à la surface, contrôlent les destinées des démocraties, maintenant reconnues comme pays financièrement asservis.
Le mal fondamental, c'est que les chefs de toutes nos démocraties refusent de saisir les réalités actuelles. Ou ils ne peuvent ou ils ne veulent pas se rendre compte que l'humanité est arrivée à un stage de son développement où la capacité de production est tellement énorme que les vieilles méthodes du salariat, et autres formes analogues de rémunération ou de distribution, sont devenues complètement usées, désuètes et doivent faire place à un système qui prenne les faits réels en considération.
Ce conservatisme inintelligent a une portée considérable sur les guerres, la destruction et toutes les souffrances qui en découlent.
Aucune de ces Unions, fédérales ou autres, ne peut prétendre à un redressement efficace tant qu'elle s'en tiendra à une structure économique et sociale mal orientée, refusant de tenir compte des simples faits suivants :
1— La capacité productive d'une nation doit déterminer son niveau de vie ;
2— Il est impossible d'employer toute la main-d'œuvre ouvrière dans les conditions modernes de production mécanisée ;
3— Il est faux de croire que le chômage des hommes signifie l'effondrement du système productif ;
4— La cause des privations qui accompagnent le chômage, c'est le refus de reconnaître dans le manque d'emploi la preuve du progrès scientifique de l'humanité, dont toute l'humanité doit être rendue bénéficiaire ;
5— Le pouvoir d'achat doit être alimenté par d'autres méthodes que les salaires ou diverses formes de paiement, si l'on veut que le peuple exerce une demande effective sur l'immense capacité de production moderne. La monnaie doit-être un instrument pour faciliter l'écoulement des marchandises, au lieu d'être elle-même considérée comme une marchandise précieuse. Les ploutocraties cherchent, même actuellement, à retourner à l'étalon-or, et pourtant tout effort dans cette direction n'a jamais apporté que des maux et des privations.
6— Les faits physiques doivent être fidèlement reflétés par des faits financiers.
M. Graham Towers, président de la Banque du Canada, admet que "Tout ce qui est physiquement possible est aussi financièrement possible". À la question : "Croyez-vous que ce qui est physiquement possible peut être rendu financièrement possible ?" il répond en effet, sous serment : "Bien certainement".
Une Commission Royale établie en Australie pour faire enquête sur la banque, est allée beaucoup plus loin que cela.
L'Union Fédérale ignore ces facteurs importants. L'Union Fédérale dit : Nous allons nous rendre si forts que nul n'osera nous toucher. Nous établirons un contrôle si puissant et si centralisé qu'aucune section n'osera s'avancer et réclamer ce que les contrôleurs centraux ne jugeront pas convenables et appropriés.
Pour nous, hommes et femmes, cela signifie, en langage net : Nous serons forcés, sous une Union Fédérale, de céder tous les droits que nous possédons, même nos droits financiers, si maigres soient-ils, et toutes les libertés qui nous restent, même celle de choisir le genre de vie qui nous convient.
Peut-on trop se défier du contrôle centralisé ?
Lillie BEIRNE