Je veux fabriquer une table. La fabrication de la table, c’est une fin, c’est un but que je me propose.
Pour fabriquer la table, je sors du bois de mon hangar, je le place dans l’étau ; je prends scie et rabot ; je travaille. Ce travail de menuisier, c’est le moyen pour arriver à la fin, pour produire une table.
Lequel commande l’autre : la fin ou le moyen ? Est-ce le but d’obtenir une table qui me fait prendre matériel et outils ? Ou est-ce le matériel, l’outil, le mouvement qui me commande de produire une table ?
Tout homme intelligent conduit ses opérations d’après le but à atteindre. On ne commence pas sans savoir ce qu’on veut faire. La fin commande le moyen. Elle naît dans l’esprit avant qu’on commence l’exécution. La fin est la première dans l’ordre du raisonnement.
D’autre part, si je ne prends pas les moyens pour avoir une table, je ne l’aurai jamais. Il faut se tracer un résultat avant de prendre les moyens ; mais il faut prendre les moyens avant d’atteindre le résultat. Le moyen vient le premier dans l’ordre de l’exécution.
Dans le choix des moyens, il peut y avoir plusieurs alternatives ; mais si l’on veut choisir les moyens appropriés, il ne faut pas perdre de vue la fin. Si, en entrant dans mon hangar, j’ai perdu de vue ma fin, et que je commence à scier du bois et à le fendre pour le poêle, je n’obtiendrai pas une table.
Ce brin de philosophie paraît banal. Pourtant, regardons un peu ce qui se passe.
Les journaux, les politiciens, des économistes et des moralistes même, insistent sur la nécessité de l’emploi : le chômage, disent-ils, est le grand problème du jour. Du travail, du travail, du travail. Pourquoi ? Est-ce pour produire plus de biens, alors qu’il y en a une redondance devant vous ?
La fin de l’économique, c’est de satisfaire les besoins temporels des hommes. C’est de trouver sur la terre les biens et de les placer au service des besoins. Quand les biens sont là, et les besoins en face, pourquoi réclamer plus de travail pour produire d’autres biens, au lieu de réclamer d’abord la distribution de ceux qui sont déjà là ?
On veut faire du travail la fin de l’économique, alors que ce n’est qu’un moyen pour atteindre la fin. On renverse l’ordre ; aussi obtient-on le désordre. Le résultat est justement le chômage et la privation.
En politique, la fin de tout gouvernement est le bien commun dans sa juridiction.
Considérons pour l’instant le fédéral seulement. Quelle doit être la fin constamment à l’esprit de tous ceux qui collaborent au gouvernement : l’électeur quand il vote ; le député quand il légifère ; le cabinet quand il administre ? Le bien commun des Canadiens et des Canadiennes. Pas autre chose. C’est la seule raison d’être du gouvernement : protéger et promouvoir le bien commun.
Tous les actes posés par l’électeur, le député, le ministre doivent converger vers cette fin.
Est-ce pour poursuivre ce bien commun qu’on forme des partis politiques ? Est-ce pour mieux atteindre les résultats unanimement réclamés qu’on divise le peuple en camps et qu’on aiguillonne les attaques entre eux ?
Est-ce pour le bien commun que le gouvernement fédéral laisse aux banques le soin de régler le volume des crédits ? Est-ce pour le bien commun que le gouvernement SOUVERAIN s’abstient de légiférer pour que les biens atteignent leur fin ?
Si les législateurs perdent de vue leur fin, ils légifèrent ou à l’aveuglette ou, plus souvent, sous l’impulsion de forces qui ne recherchent pas du tout le bien commun.
Les Chambres en session se transforment toujours à un certain stage en ce qu’on appelle Comité des voies et moyens. Nous suggérerions un Comité paraparlementaire des fins et moyens.