À en croire ce qui s'imprime à pleines pages d'annonces, le héros de la guerre actuelle, celui à qui nous devrons la victoire, c'est l'alcool. Du whisky, des coktels, de la bière, voilà qui va faire reculer les Japonais jusque dans leurs îles, les Allemands jusque dans la Forêt Noire.
L'alcool, mais il a été presque officiellement décoré en Angleterre. La Royal Air Force emploie un corps auxiliaire féminin. Jusqu'au 28 mars dernier, seules y étaient admises les candidates reconnues comme buveuses et les ferventes du cocktel. Il a fallu la dénonciation de ces règlements par des députés aux Communes pour qu'on permette aux femmes tempérantes d'entrer elles aussi dans le corps auxiliaire de l'aviation britannique.
C'est ce qu'exprime en toutes lettres une dépêche de la B.U.P. datée du 28 mars à Londres.
Par ailleurs, on connaît l'apothéose de la bière faite sans discontinuer par l'Institut des Brasseries à peu près dans tous nos journaux.
Une annonce de John Labatt Limited, occupant une page entière en quatre couleurs dans La Patrie, nous sert ce plat :
"La récolte du houblon — et je suppose que ça comprend aussi le brassage, est un travail d'importance nationale... Pas de bière, pas d'obus... Les autorités disent que le délassement sain que fournit un verre de bonne bière a pour résultat de maintenir le moral des ouvriers et celui des soldats."
Mais le héros Alcool va-t-il réellement gagner la guerre ? À Hong-Kong, il y avait 600,000 bouteilles de whisky et seulement 223 mitrailleuses. Et Hong-Kong est maintenant aux mains des Japonais. Si la proportion des mitrailleuses et des bouteilles de whisky eût été renversée, le résultat serait probablement différent.