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En lisant les journaux - No. 6

le jeudi, 01 février 1940. Dans En lisant les journaux

Quand on a le droit

D'un récent rapport publié par le bureau des statistiques du ministère du Travail d'Ottawa :

L'activité industrielle va croissant dans tout le pays, par suite des contrats militaires octroyés par le ministère de la Défense Nationale. Déjà plusieurs manufacturiers de la chaussure et du vêtement, principalement dans le Québec et l'Ontario, bénéficient de contrats octroyés par le gouvernement fédéral pour chausser et habiller les soldats de l'armée canadienne.

Qui donc parlait de surproduction ? Quand on a le droit de s'habiller et de se chausser, non seulement il n'y a pas de surproduction, mais on presse les manufactures de redoubler d'activités. Mais quand a-t-on le droit ? Quand on offre ses bras et son cerveau pour la production utile, ou bien quand on offre toute sa personne pour la boucherie ?

* * *

Paroles en l'air

De M. C.-E. Couture, parlant à la radio, d'après un rapport de La Tribune de Sherbrooke, du 8 janvier :

Dans nos colonies, le cercle d'achats coopératifs verra à conclure ses achats au temps où les colons sont susceptibles de toucher de l'argent, afin que tous soient en mesure de payer comptant... L'habitude du crédit est ancrée profondément chez nos colons. On sait aussi que c'est là la cause de nombreux échecs qu'il aurait été possible d'éviter si le colon avait pu s'astreindre à payer comptant... La pratique de l'achat au comptant exigera peut-être quelques sacrifices au début, mais l'acheteur aura vite fait de se dédommager de ses privations.

Sacrifices, privations ; privations, sacrifices ! Si les 100 familles de Lacorne (Abitibi) n'avaient pas $10,000 de comptes par achats à crédit, ces familles qui crèvent de misère auraient eu $10,000 de produits de moins depuis quatre ans. Ceux qui les fournissent auraient chômé pour $10,000. On peut prêcher les sacrifices et la privation quand ont est bien à l'abri dans un poste de radio ! Nous connaissons les suites désastreuses des achats à crédit ; mais nous connaissons aussi les causes qui les rendent malheureusement nécessaires : les produits sont là et l'argent n'est pas en face. Lorsqu'on a le privilège de parler à la radio, qu'on dénonce donc les bourreaux au lieu de haranguer les victimes.

* * *

La cause, s.v.p. ?

Citée par Le Canadien, de Lévis, la phrase suivante de M. Omer Héroux, journaliste connu du Devoir, de Montréal :

"Le grand tourment d'un journaliste, c'est de voir avec une si cruelle netteté ce qu'il y aurait à faire, la facilité avec laquelle on pourrait le faire, les services que l'on pourrait rendre, les initiatives que l'on pourrait favoriser, l'élan que l'on pourrait donner aux mouvements heureux, et d'en être empêché par le simple manque de ressources..."

Autrement dit, le tourment est de constater la capacité de produire et de servir d'un côté, et l'incapacité de payer de l'autre. On sent cela au Devoir, avec une "cruelle netteté". On ne semble pourtant pas encore y avoir saisi la cause qui produit des effets aussi injustifiables. Et c'est pourquoi il est un certain "mouvement heureux" auquel Le Devoir préfère généralement appliquer les freins plutôt que communiquer de l'élan.

* * *

Deux niveaux

Un récent numéro du Financial Post se réjouit de ce que la consommation d'électricité des pouvoirs ontariens est plus forte que l'année dernière. La charge de l'Ontario Niagara System a augmenté de 8.4 pour cent en octobre dernier sur octobre 1938. La charge de tous les systèmes de la Commission Hydro-électrique d'Ontario a augmenté de 7.2 pour cent.

Est-ce la hauteur des chutes d'eau qui a augmenté ? Est-ce le niveau de l'eau qui s'est élevé, ou le niveau du pouvoir d'achat des consommateurs ? L'électricité va-t-elle d'après les forces hydrauliques ou d'après les forces monétaires ?

* * *

50 os pour 700 chiens

La Tribune du 8 janvier rapporte les détails suivants fournis par M. Maurice Gingues, distributeur du patronage provincial (libéral) :

Depuis l'arrivée du nouveau gouvernement au pouvoir, plusieurs ont sollicité des positions. J'ai une liste qui contient environ 700 noms ; ce sont tous des noms de personnes qui méritent quelque chose, mais malheureusement, il n'y a que 40 à 50 positions à distribuer... Plusieurs lancent des critiques au sujet du patronage et de la façon dont je m'en acquitte, mais n'oubliez pas que j'aime la critique constructive. Si je fais des erreurs dans cette tâche ingrate et difficile, j'aurai le courage de les réparer. Imbibé des principes libéraux...

Comme un papier-buvard imbibé d'encre cramoisie ! Tâche ingrate et difficile, cette distribution du patronage, que l'héroïque M. Gingues ne voudrait pourtant pas laisser à un autre. Rien que 50 positions, promises à 700 personnes pendant la campagne électorale ! Pas assez d'os pour tous les chiens ; ces derniers "méritent pourtant tous quelque chose", soit pour leur fidélité à lécher la main du maître, soit pour leur adresse à lever la patte de derrière sur l'adversaire au moment opportun.

* * *

Éloquence extra-parlementaire

Le député de Sherbrooke, M. Howard, s'est rendu célèbre le 7 janvier en prédisant des élections générales pour fin de mai, sur quoi il commençait ses discours :

"À l'heure actuelle, le gouvernement conduit le Canada comme il n'a jamais été conduit depuis la confédération. (Et que faites-vous du grand Laurier ?) Un gouvernement qui grouperait des gens des deux côtés n'aurait plus de responsabilité devant le peuple. (Pourquoi ?)

Jamais un gouvernement libéral n'imposera la conscription au Canada. (Pas même le gouvernement libéral qui assurait, il y a moins d'un an, qu'il n'enverrait jamais de contingent outremer ?)

Le jour où tout le monde pensera de la même façon il n'y aura plus de liberté. ( !- ?- !)

C'est dommage que nous n'ayons pas encore reçu de demandes d'obus, depuis deux mois que nous en attendons."

Des cultivateurs, et des producteurs industriels, des services de transport, des services médicaux et d'autres attendent depuis dix ans des commandes de choses autrement plus intéressantes que les obus. On est donc bien administré !

* * *

Principal crime ?

Rapporté dans le Star de Montréal :

Parlant à l'Hôtel Queen de Montréal, au Club Kiwanis St-Laurent, Monsieur D. D. Munrœ, président de la Montreal Coke & Manufacturing Co., disait récemment que, si le monde veut éviter la banqueroute et la ruine générales, il faudra trouver moyen de détruire, ou au moins de modifier, le système industriel allemand, le véritable ennemi, de beaucoup pire que les mines magnétiques. L'industrie allemande est une menace aussi grande que celle des plus puissants canons. M. Munrœ base son appréciation sur ses observations au cours de deux voyages, en Europe. En 1933, il vit en Allemagne des mines et des industries oisives, six millions de chômeurs et aucune autorité capable de gouverner. Lorsqu'il repassa quatre ans plus tard, toutes les roues de l'industrie tournaient, toutes les cheminées d'usines fumaient, personne ne chômait. L'industrie allemande avait repris son essor après l'avènement d'Hitler au pouvoir.

Voilà certes un crime qu'il ne faut pas laisser envahir le monde !

* * *

L'Ennemi mondial No. 1

C'est Monsieur Louis Rolland qui, dans Le Samedi du 20 janvier, accuse la servante fidèle pour protéger la maîtresse coupable :

En 1936, au Brézil, on a jeté à la mer près de huit millions de sacs de café. Pendant ce temps-là, on tuait à New-York, pour les incinérer ensuite, près de six millions et demi de porcs (afin de maintenir le prix de la viande élevé). Dans l'Orégon, on donnait la moitié du produit des pêcheries à manger aux chiens. À Los Angeles, on jetait aux égouts chaque mois, de quarante à cinquante mille gallons de lait. On supprima six mille vaches. Pendant le seul mois d'août, en Californie, on a détruit un million et demi d'oranges, arraché quatre-vingt mille pêchers et détruit la récolte de quatre cent mille arpents de fraises. À Londres, un peu auparavant ; on avait détruit 25,000 tonnes de viande. En France, on sacrifiait 286,000 vaches et on détruisait des millions d'arpents de vignes en plus d'à peu près deux millions de tonnes de blé... Il y avait à ce moment-là trente millions de chômeurs officiels dans tous les pays, et ce que l'on détruisait aurait suffi pour les nourrir et les habiller. Pourquoi ne le fait-on pas ? Mystère ! Oh ! non, tout simplement parce qu'un tyran s'y opposait ; un tyran qui est l'ennemi mondial numéro un, et qui s'appelle le machinisme.

Nous aurions conclu que le machinisme, capable de produire tant de richesse, est un serviteur numéro un. L'ennemi numéro un est le système qui supprime le droit à la richesse, la clique bancaire. À moins que ce soit la bêtise humaine dont l'auteur de l'article offre un merveilleux échantillon.

* * *

Encore les colons !

De La Tribune :

Les gouvernements, en favorisant la colonisation, veulent soulager la misère du peuple... procurer à toute la population le bien-être qu'elle est en droit d'attendre... La colonisation sera un succès en autant que les colons pratiqueront une économie de tous les instants. Les colons doivent et devront vivre selon leurs moyens.

Et qui règle ces moyens ? Travailler beaucoup et se priver : voilà évidemment pour toute la population le bien-être qu'elle est en droit d'attendre ! C'est la théorie du banquier : travaillez, produisez, mais au lieu d'acheter, apportez-moi l'argent et privez-vous !

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