Par Randolph Patton dans le Winnipeg Tribune :
Les minoteries canadiennes préparent plus de farine cette année que l'an dernier, et elles ont aussi plus de grain en entreposage ; en septembre elles en avaient 22 pour cent de plus qu'à l'époque correspondante de l'an dernier. La récolte dépasse 480 millions de minots, et on approche du moment où les entrepôts seront engorgés.
Il y a encore de la place pour la farine dans les boîtes de nos ménagères canadiennes.
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D'après une dépêche du New York Times commentée dans Le Canada du 15 novembre :
Les producteurs de Cuba ont en entrepôt des stocks considérables de sucre et s'apprêtent à couper la récolte de canne de cette année qui est encore sur pied. Ils songent avec inquiétude à la récolte de l'an prochain. À elle seule, l'île tient en entrepôt un million de tonnes de sucre. Malgré les restrictions imposées à la culture depuis 1930, la récolte de Cuba est toujours excédentaire ; cette année, elle permettra sans doute la fabrication de 25 pour cent de sucre de plus en 1940 qu'en 1939.
Est-ce pour cela qu'on majore le prix du sucre et qu'on nous en limite les livraisons ? Producteurs de sucre comme producteurs de blé font surgir l'abondance ; mais les producteurs d'argent ?
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De Marcel Clément, dans Le Canada du 16 novembre :
Par suite de l'établissement au Canada d'un centre impérial d'entraînement à l'aviation militaire, exigeant la fabrication d'avions sur une grande échelle et donc une consommation intensifiée de peintures et de vernis, l'avenir de la Sherwin-Williams est des plus intéressants. D'autant plus que l'augmentation qui résultera dans le pouvoir d'achat de bien des gens à la suite du redressement des conditions économiques au pays incitera ces derniers à effectuer maintes réparations et améliorations à leurs propriétés. Nous venons de dire que le pouvoir d'achat du pays augmentera. Rien de plus vrai, puisque l'exécution de nombreuses commandes d'armements, de munitions et d'aéroplanes est de nature à stimuler l'embauchage tout en augmentant le pouvoir de gain de nos gens.
On se plaint partout de l'augmentation de la cherté de la vie, il paraît tout de même que c'est notre pouvoir d'achat qui augmente. N'allons plus dénoncer le désordre de la guerre, la désorganisation de la vie qu'elle entraîne : c'est un redressement économique. Plus on emploiera de peinture et de vernis sur les avions de guerre, plus il en restera pour nos maisons délabrées. Il en faut une couche de vernis cérébral pour être rédacteur financier dans un journal moderne !
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Du Daily Province, Vancouver, 11 novembre :
On annonce le décès, à Toronto, de Thomas Bradshaw. Ce fut une des autorités financières les plus respectées et les mieux connues de tout le Canada... Au cours des années de crise, il fut beaucoup demandé à titre d'aviseur par des municipalités canadiennes aux prises avec de gros problèmes financiers. Winnipeg, Vancouver, Windsor, Montréal, recoururent à ses lumières. Son rapport pour Vancouver, au début de 1935, long document dont la ville n'a cependant pas tenu compte, se résume à ceci : "Augmentez les taxes. Dépensez moins. Suspendez tout développement."
Dieu merci, ni Vancouver ni Montréal n'ont suivi ce conseil, inévitablement repris par tous les porte-voix de la finance qui rationne le monde.
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Les dernières statistiques officielles révèlent que :
Le Canada a ouvert ses portes plus larges au cours du premier semestre de la présente année fiscale : 12,904 immigrants comparativement à 10,704 pour le semestre correspondant de l'exercice précédent. Sur ce nombre l'Europe centrale en a fourni 1,556 contre 867 l'an dernier, ce qui fait une augmentation de 79 pour cent. Les arrivées d'origine allemande se chiffrent à 975 contre 382 l'an dernier, augmentation de 155 pour cent. Cependant c'est le nombre d'immigrants juifs qui a subi la plus forte hausse, passant de 236 à 1,107 : c'est une augmentation de 369 pour cent.
À chacun ses commentaires.
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Du Christian Science Monitor de Boston, du 12 novembre :
Les nouvelles de guerre sont des nouvelles de guerre. Mais il existe assez de problèmes domestiques pour remplir les journaux des nouvelles relatives à une autre sorte de guerre: la guerre à conduire pour le progrès social. Vous est-il arrivé de vous demander quels seraient les titres flamboyants de nos journaux s'il n'y avait pas les nouvelles de la guerre européenne ? Pourtant les mêmes causes locales ou nationales, les mêmes réformes qui réclamaient attention avant la guerre continuent d'exister. Les nouvelles des œuvres de guerre tendent à étouffer les nouvelles des œuvres de paix. Même le rédacteur et le lecteur les mieux intentionnés en sentent le contrecoup. Et pour combien cette diversion n'est-elle pas accueillie comme un soulagement qui leur permet d'oublier des problèmes sociaux non réglés ?
Ces remarques sont judicieuses, au Canada autant qu'aux États-Unis.
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Du Winnipeg Fress Press du 13 novembre :
Les estomacs canadiens sont destinés à un hiver joyeux, semble-t-il. Non seulement y a-t-il surabondance de pommes comme le ministère de l'agriculture a la sagesse de nous en avertir mais on va aussi avoir sur les bras un surplus considérable de dindes, à cause du manque d'exportation vers le marché anglais. Et voici maintenant qu'on nous informe que la récolte de pommes de terre de 1939 va être plus abondante et meilleure cette année. On signale déjà une augmentation d'au moins 8 pour cent sur celle de l'an dernier.
Et le journaliste conclut en nous rappelant qu'il existe plusieurs recettes très simples pour varier la préparation de ces nourritures communes et les rendre plus appétissantes. Il n'oublie qu'une recette, la première dans l'ordre, croyons-nous, le moyen d'avoir pommes, dindes et patates ailleurs que dans les statistiques.
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Du Citizen, Ottawa, 17 novembre :
Wall Street calcule que le revenu des États-Unis est maintenant remonté et dépassera cette année de six milliards le revenu de 1929. Vraiment ! Pourtant il y a encore six millions de chômeurs de plus qu'en 1929. Qui donc touche le revenu ? Bien des individus sans doute. Mais le nombre de ceux qui obtiennent le jus se fait de plus en plus restreint ; tandis que ceux qui n'obtiennent rien, sauf ce que leur concèdent les règlements des secours directs, deviennent de plus en plus nombreux. Le fait est que, depuis 1932, la production a constamment augmenté et atteint maintenant le niveau des années de prospérité ; mais le nombre de travailleurs employés à fournir cette production a relativement diminué. Le progrès a ainsi donné un résidu de quelque huit millions d'hommes sans ouvrage, et avec peu d'espoir d'en obtenir, sous la conduite actuelle de la partie distribution de notre système économique.
Solution : le Crédit Social.
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À l'occasion du retour de la Semaine du Livre :
Il y au Canada 637 bibliothèques publiques, dont 25 dans la province de Québec et 468 en Ontario. Les bibliothèques publiques de notre province comptent 600,000 volumes ; celles de l'Ontario, 3,3000,000 rien que cinq fois et demie autant !
Pauvres nous ! Pourvu au moins que la qualité des livres et des lecteurs supplée au nombre.
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Du Droit, Ottawa, 15 novembre
Cas de misère No 4: Extrême misère. Famille de six enfants. Ils n'ont qu'une chopine de lait par jour. Poêle portatif à rond unique ; un poêle à bois rendrait grand service. Il faudrait aussi un matelas pour lit d'enfant et un sommier et matelas pour lit double.
Cas No 5: La famille, de cinq enfants, ne retire aucun secours. Trois enfants vont à l'école. Ils auraient besoin de sous-vêtements chauds. Le bébé de 13 mois aurait besoin de lainage : gilet, camisole, bas. Un autre de quatre ans n'a pas de manteau pour cet hiver. Il n'y a pas de lait dans la maison et la nourriture est très insuffisante.
Cas No 6: Veuve qui retire pour elle et ses six enfants une allocation mensuelle insuffisante. Deux enfants sont extrêmement chétifs. Ils auraient besoin d'un reconstituant. Pas d'horloge dans la maison : c'est ennuyeux pour les enfants qui vont à l'école. Il faudrait également des couvertures de lit. Les livres des banquiers sont mieux logés Mais à quoi donc sert le parlement fédéral ?
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Citée dans le Western Producer (Saskatoon), du 13 octobre, cette partie d'un discours prononcé par S. E. Mgr Mannix, archevêque catholique de Melbourne, Australie, devant une foule de 50,000 personnes, le premier-ministre d'Australie, plusieurs membres du parlement et le maire de Melbourne :
Et d'où est venue toute la richesse gaspillée pendant la grande guerre ? Et d'où viendra la richesse immensément plus grande qui sera gaspillée pendant la prochaine guerre ? Dans l'un et l'autre cas, des sueurs et du sang du peuple, surtout du peuple ordinaire, de toutes les nations.
Et ceci m'amène à une question qui m'a toujours intrigué, mais jamais plus qu'aujourd'hui. Si l'on peut trouver des millions pour la destruction en temps de guerre, comment se fait-il qu'en temps de paix, on ne puisse trouver, pour multiplier les avantages des périodes de paix, une simple fraction des sommes disponibles en temps de guerre ? Nous avons des taudis à faire disparaître, des logements à bâtir pour les pauvres et pour les travailleurs, des terres à égoutter, d'autres à irriguer, une colonisation à promouvoir, des œuvres d'enfance à édifier, des voies ferrées à normaliser, et combien d'autres choses que je ne puis énumérer en ce moment. Mais tous ces projets de temps de paix doivent attendre indéfiniment, parce que, dit-on, on ne peut trouver l'argent.
La presse mondiale a-t-elle fait beaucoup d'écho à ces paroles ?
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Du Devoir du 15 novembre, par son correspondant de Québec :
Environ 125 nécessiteux de Québec se sont enrôlés et ne retirent plus d'allocation de chômage, déclare M. Robert Cimon, président de la Commission de chômage. La plupart des soldats enrôlés sont des hommes mariés. Les allocations payées jadis à ces 125 nécessiteux et à leurs familles représentaient un joli montant dont le budget de la Commission sera soulagé d'autant, vu qu'elle ne prend plus charge de ces chômeurs.
C'est toujours le capital humain qui est le plus embarrassant. Si l'on pouvait donc changer les chômeurs en piastres ! L'alternative, on l'a trouvée pour l'heureux temps que durera la guerre.