Dans le Progrès du Saguenay du 28 septembre, M. Pierre Dupont se scandalise de la phrase suivante d'une lettre ouverte de M. J. Ernest Grégoire publiée dans L'Action Catholique du 19 septembre :
Avec le Saint Père, le Pape Pie XI, nous souhaitons le prompt avènement du corporatisme comme moyen de régler les différends entre patrons et ouvriers, mais nous avons la conviction que tout effort en ce sens se heurtera toujours à la question monétaire et restera toujours plus ou moins inopérant.
Sur quoi Monsieur Dupont commente :
Pauvre Saint Père Pie XI, il comptait pourtant avoir suggéré un bon remède ; on est honnêtement convaincu à Québec, où l'on est plus ou moins au fait des choses, que ce remède restera plus ou moins inopérant ; c'est plutôt le Crédit Social que le Pape aurait dû suggérer !
Monsieur Grégoire n'a pourtant pas écrit que le remède préconisé par le Souverain Pontife resterait plus ou moins inopérant, mais que tout effort de notre part pour appliquer ce remède se heurtera toujours à la question monétaire et restera plus ou moins inopérant. L'efficacité du remède n'est pas mise en doute, mais tant qu'il reste dans la pharmacie et qu'on nous empêche de l'atteindre.. !
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Dans la même lettre ouverte, le même Monsieur Grégoire expliquait que le Crédit Social n'est pas un parti politique. Le même Monsieur Dupont ne peut comprendre cela :
Si le Crédit Social n'est pas un parti politique, pourquoi alors les candidatures créditistes qui ont récemment surgi ici et là dans la province de Québec ?
Si un candidat se lève et place en vedette dans son programme la réclamation d'allocations pour les mères nécessiteuses, est-ce à dire qu'il existe un parti des mères nécessiteuses ? Si c'est l'aide aux colons, est-ce parce qu'il appartient à un parti d'aide-colons ? Si c'est la lutte contre le chômage, y a-t-il pour cela un parti anti-chômage ? Ne peut-on plus rien réclamer sans faire de cette réclamation le sujet d'un parti ? Quelles notions a-t-on de la politique ?
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Dans son zèle pour essayer d'amener son parti au pouvoir à Québec, un membre de la Chambre des Communes d'Ottawa fustige l'administration financière de Duplessis et s'exclame :
Nous n'avons pas le droit de laisser aller notre pays à la banqueroute. La première richesse d'un pays, c'est son standing financier.
Capital humain, science appliquée, écoles, sol, forêts, mines, industries - secondaire tout cela ! La première, richesse d'un pays, c'est son poids devant les banquiers ! L'auteur de cet oracle, le brave député de Québec-Montmorency, qui ne manque pas de bonnes qualités, gagnerait à s'inscrire étudiant dans l'un des nombreux groupes de son comté où l'on a un peu plus de respect pour l'ordre des valeurs.
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Le Financial Post s'est intéressé à notre élection provinciale. Il trouve qu'on a trop fait pour sortir les chômeurs de l'oisiveté. Du 21 octobre :
Quel que soit le parti auquel sera confié le pouvoir, on s'attend à ce qu'il doive comprimer les dépenses provinciales. Il devra probablement, par exemple, arrêter les travaux de voirie.
Pourtant, nos cultivateurs n'ont jamais dit qu'ils n'avaient pas assez de produits pour vendre à ceux qui travaillaient sur les routes.
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Progrès technique :
Une dépêche de la Canadian Press, parue dans tous les journaux ces jours-ci, déclare que l'Angleterre peut fabriquer des munitions à moins de frais et plus rapidement que jamais. Cette dépêche s'accompagnait d'une photographie ainsi libellée :
Des douzaines de manufactures industrielles se sont transformées en fabriques de guerre ; avec deux fois moins d'employés qu'en 1918, elles fournissent six fois plus d'obus.
Progrès chômage :
Dans les mêmes numéros des journaux :
Les chiffres préliminaires de l'enregistrement national des secourus, fournis par le ministre fédéral du Travail, M. McLarty, placent à 800,000 le nombre des assistés, tant urbains que ruraux, ce qui est une augmentation de 5 pour cent sur le mois correspondant de l'an dernier. Comme il y a diminution dans le nombre des assistés sur les fermes, l'augmentation dans les villes est donc supérieure à 5 pour cent.
Ajoutez à cela les chômeurs non enregistrés, ceux qui vivent aux dépens des autres, ceux qui chôment partiellement et végètent. Le niveau de vie baisse, la sécurité disparaît de plus en plus, quand la capacité de production est multipliée par douze ! Ne faudrait-il pas écrire : Progrès de la bêtise ?
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Du Financial Post du 21 octobre :
En temps de guerre, les profits sont une source où le gouvernement a l'intention de puiser pour financer la guerre. Vouloir limiter les profits par législation, dans les circonstances actuelles, serait plus nuisible qu'utile pour trouver les dollars nécessaires à la finance de la guerre.
Il n'en va pas autrement en temps de paix. Le profiteur, tant honni du public, est béni du gouvernement : c'est un percepteur de fonds. Il y a quelques années, le gouvernement anglais imposait une taxe sur les surprofits des commerçants de tabac. Passé une certaine ligne de profit, ils devaient remettre au gouvernement 80 sous dans la piastre (16 shillings dans la livre sterling). Les commerçants jugèrent aussi bien, et de meilleure publicité mutuelle, de supprimer les surprofits en faisant des cadeaux à leurs clients. Ce ne fut pas long : le Trésor britannique intervint et fit cesser les cadeaux. Il fallait continuer les surprofits. C'était, en somme, dire aux commerçants : Continuez d'arracher, pour le fisc, l'argent des clients : sur chaque dollar, vous nous passerez 80 sous et vous en garderez 20 pour votre commission.
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De L'Information, de Montréal, numéro du 21 octobre :
La première finance faite par le gouvernement canadien depuis la guerre a été pour un montant de $200,000,000.00. Le public n'a pas été appelé à souscrire à cet emprunt. Seules les banques à charte ont acheté ces bons.
Trois emprunts étaient dus. Ils portaient intérêt à 2½, 3 et 4 pour cent. Or l'emprunt qui vient d'être fait porte intérêt à 2 pour cent seulement et est remboursable dans deux ans. C'est dire qu'au cours des deux prochaines années, le gouvernement fera une économie considérable dans le service des intérêts. Ces trois emprunts se totalisaient à $120,000,000. On a donc ajouté un emprunt nouveau de $80,000,000.
Seules les banques à charte ont acheté ces bons. On sait ce que ça veut dire. Elles les paient par une entrée dans leurs livres. Les emprunts renouvelés, $120,000,000, portaient, au taux moyen de 3.2 pour cent, $3,840,000 d'intérêt annuel. Le nouveau total, plus gros, mais au taux de 2 pour cent, réclamera un intérêt annuel de $4,000,000. Est-ce là une diminution du service annuel de l'intérêt ?
Mais ce n'est que pour deux ans ! Dans deux ans, sera-t-on capable de rembourser 120 millions si l'on ne peut rembourser 80 millions aujourd'hui ?
Mais la guerre va nous mettre des millions dans les mains ! Oui, des millions comme ceux-là qui nous obligent à rembourser plus de millions qu'il en a été fait.
Pour cet emprunt, le teneur de livres va toucher deux millions de dollars par an : voilà une comptabilité qui n'est pas précisément bon marché ! Et l'on crie contre les salaires payés aux fonctionnaires du gouvernement !
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Du même journal, L'Information :
On annonce officiellement que l'impôt sur le revenu a rapporté, d'avril à fin septembre 1939, dix millions et demi de moins que pour la même période de l'an dernier. Le fléchissement a été de 11⁄4 million à Montréal et de 3¼ millions à Toronto.
Le taux de l'impôt n'a pas diminué, c'est le revenu sur lequel on tire l'impôt qui a diminué. On disait pourtant que la prospérité revenait ! mais consolons-nous :
Dans quelque temps, il y aura sûrement des augmentations. Si la guerre se prolonge, il n'y a aucun doute que salaires et gages vont aller en augmentant. D'autre part, à la session de septembre, le gouvernement fédéral a sensiblement majoré l'impôt.
Donc deux sauveurs : la guerre et l'accroissement de l'impôt.
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De C. B. S. dans New Era :
Lorsque fut déclarée la guerre, en 1914, il y eut course sur les banques anglaises, et toutes, la Banque d'Angleterre y comprise, durent fermer leurs guichets. Le Trésor Britannique vint à leur secours en imprimant des billets du Trésor pour 280 millions de livres sterling. Ces billets furent présentés à la Banque d'Angleterre et crédités au compte du gouvernement.
Les banques ont consolidé leurs positions depuis. En 1928, le gouvernement Baldwin passa une loi plaçant l'émission des billets exclusivement entre les mains de la Banque d'Angleterre.
Immédiatement après la déclaration de guerre cette fois-ci, la Banque décida d'augmenter la circulation fiduciaire de 300 millions à 580 millions de livres sterling. Les banques sont ainsi devenues capables de créer du nouveau crédit pour 3 milliards de livres sterling (15 milliards de dollars), augmentant d'autant la dette du peuple anglais.
Une randonnée de 5000 avions de bombardement allemands n'aurait pu faire plus de dommage que cette piraterie du crédit public par les banquiers anglais.