Une lettre du Dr. Lorrie Smith, de Port-Elizabeth, au Social Crediter, donne des détails intéressants sur la situation politique générale en Afrique du Sud. Dans l'ensemble, on y apprend que les moeurs politiques sont assez semblables, là-bas, aux moeurs politiques du Canada et des autres pays démocratiques, où la politique est devenue la chose des partis, la course au pouvoir, où la démocratie consiste en un gouvernement du peuple par des représentants du peuple au profit d'une aristocratie financière qui saigne le peuple.
Ceux qui jugent de l'Afrique du Sud par le général Smuts, actuellement premier-ministre de ce Dominion, font l'erreur de ceux qui jugeraient du Canada par Arthur Meighen, ou de la province de Québec par le général Laflèche ou par le capitaine Sabourin.
Lorsque la présente guerre éclata en 1939, l'Afrique du Sud avait pour premier-ministre le général Herzog, vétéran de la guerre des Boërs, du côté des patriotes boërs, mort il y a quelques semaines. Mais il n'est pas mort premier-ministre. Il refusa de déclarer la guerre à l'Allemagne, sur quoi les impérialistes réussirent une combinaison de partis en Chambre pour voter non-confiance à Herzog. Hergoz démissionna, se retira de la politique et eut comme successeur le général Smuts qui gouverne avec une majorité plutôt précaire.
Le Parti-Uni compte 72 membres à la Chambre des Députés. L'opposition officielle, le Parti Nationaliste, en compte 60. Mais le gouvernement a aussi, pour sa politique de guerre, l'appui du Parti Dominion, qui compte 8 membres, et du Parti Travailliste, 4 membres. L'opposition a l'appui du parti Ordre-Nouveau, 2 membres, et du parti Afrikaan, 2 membres.
En Afrique du Sud, on est loin de rallier à la cause de la guerre la même presque-unanimité qu'au Canada. L'opposition officielle est contre la guerre, contre l'Empire, contre les exploiteurs étrangers et pro-allemande. Elle a réussi jusqu'ici à empêcher d'envoyer des contingents africains en dehors du continent africain.
Quant au Sénat, il est un peu comme chez nous, une chambre qui sert surtout à récompenser des moutons fidèles et à approuver les mesures du gouvernement, en y faisant de temps en temps des petits amendements de forme pour se donner l'air d'être en vie.
Le docteur Smith écrit : "Mon opinion est que les sénateurs sont les plus utiles dans les fumoirs, dans les salles de repos et les restaurants, où ils rencontrent les députés et, par leur conversation, peuvent les influencer et leur inculquer un peu de sagesse pour guider leurs pensées et leurs actions."
De ce temps-ci, en Afrique du Sud, on anticipe nerveusement une élection générale pour l'année prochaine. Le parti-uni, conscient de la précarité de sa position, bat la grosse caisse du parti d'un bout à l'autre du pays. On exalte le général Smuts et le parti-uni comme la force suprême et indispensable de l'heure. Mais, remarque l'auteur de la lettre :
"La loyauté envers le parti a toujours eu la préséance sur la loyauté à l'électorat dans n'importe quel comté. Le député moyen a très peu de contacts avec ses commettants. Il ne rencontre guère que des chercheurs de positions ou des plaignants particuliers. À ma connaissance, il n'existe pas un seul comté où les électeurs possèdent un mécanisme pour exprimer leur volonté prépondérante au député."
En passant, le docteur Smith, un créditiste, dit brièvement quelle orientation prend le mouvement créditiste en Afrique du Sud. Nos lecteurs seront heureux de le savoir. Voici, textuellement traduit :
"À l'heure actuelle, si impropice soit-elle, notre groupe élabore les détails d'une campagne d'association des électeurs, demandant à tous ceux qui ont le droit de vote d'abolir le mal des partis politiques et d'établir une véritable démocratie ici, en Afrique du Sud. Nous visons à établir dans chaque comté un mécanisme par lequel les électeurs pourront faire connaître leurs volontés collectives à leur représentant au Parlement et exiger que ce dernier y fasse suite."
En pleine guerre, l'Afrique du Sud étale encore le désordre économique criant de la destruction des biens sous les yeux de personnes dans le besoin.
Les oranges et autres fruits citriques constituaient un commerce d'exportation lucratif pour ce Dominion avant la guerre. Les fruits allaient surtout à l'Angleterre. La guerre sous-marine a coupé l'exportation. Au lieu de faire bénéficier les nationaux de l'accumulation des récoltes, le gouvernement a établi des commissions de contrôle du marché.
Pour maintenir les prix élevés, les commissions visent à diminuer la production et ordonnent aux producteurs d'enfouir jusqu'aux deux tiers de leur récolte, leur défendent d'en donner à leurs amis, parce que ces amis, une fois pourvus de fruits, seraient des acheteurs potentiels de moins. Le résultat net, c'est que les fruits sont à un prix si élevé que 90 pour cent de la population ne peuvent rien acheter en fait de fruits.
Le docteur Smith cite le cas d'un producteur qui possède 15 acres plantés d'orangers Navel de huit années et 5 acres en tangérines. L'année dernière, il n'a pas eu le droit de vendre un seul fruit, et a dû laisser pourrir sa récolte entière. Cette année, on lui défend encore de rien vendre. C'est le travail de huit années qui est réduit à la stérilité au point de vue revenu financier. Il a simplement décidé de couper tous ses arbres, d'en arracher les racines, de semer de la luzerne et de se livrer à l'industrie laitière.
Plusieurs milliers de fermiers dont les revenus dépendaient ainsi de l'exportation de leurs fruits, sont réduits à la même situation. Personne au pays ne profite de l'abondance lorsqu'on ne peut pas l'exporter.
Pendant ce temps-là, 75 pour cent de la population souffrent de sous-alimentation et d'absence de vitamines dans leur diète. À qui la faute? Voilà où conduit la finance orthodoxe.
Un certain nombre de citoyens réussit un jour à faire venir le ministre des finances, l'hon. Hofmeyer, à une assemblée publique qui le plaça en face de l'absurdité de ce régime et le pressa de questions. Il répliqua qu'il était incapable, pour le moment, de donner une réponse au problème, mais que le gouvernement "étudierait la chose".
Vraiment, une Union des Électeurs s'impose là comme chez nous.