Un membre de l'Association Créditiste de Dolbeau, acquittant à son fournisseur de Roberval une facture de $594., cherche à la solder en partie avec un transfert créditiste de $29.70.
La maison de Roberval n'est pas encore entrée dans l'Association. Aussi ne pouvons-nous être surpris qu'elle refuse le transfert. Mais il est intéressant de relever l'alinéa dans lequel cette maison, Côté, Boivin & Cie Incorporée, refuse le transfert de son client de Dolbeau :
"Nous vous retournons votre bon de l'Association Créditiste qui n'a aucune valeur pour nous. Vous comprenez, mon cher Monsieur Beaulieu, que voulez-vous que nous fassions avec cela ? Nos maisons de Montréal et de Toronto n'accepteront jamais cela, et encore moins nos banques si nous le mettions sur un bordereau comme dépôt. Je ne vous blâme pas du tout, mais vous savez fort bien que cela n'a aucune valeur, ceux qui vous ont assuré le contraire n'étaient pas sérieux."
Voilà le cas. Le chiffre des banques est bon, même s'il est lui aussi, à l'origine, sorti d'un encrier. Il est bon parce qu'il est accepté. C'est l'acceptation par tout le monde qui fait sa valeur. Mais le chiffre de l'Association Créditiste ne sera jamais accepté, nous dit le marchand de Roberval, par "nos maisons de Montréal et de Toronto, encore moins par nos banques."
Nous ne doutons pas du tout du refus péremptoire des banques et des maisons de gros en question. Mais nous savons une chose : c'est que les provisions livrées à M. Beaulieu, de Dolbeau, ne naissent ni dans l'épicerie de gros de Roberval, ni dans les plus importantes maisons de gros de Montréal ou de Toronto, ni même dans la sacro-sainte banque.
Entre le lieu où naissent les provisions et le détaillant où le consommateur va les chercher, il y a une chaîne d'intermédiaires plus attentifs aux gestes du banquier qu'à l'urgence de libérer la multitude. L'Association Créditiste, plus sérieuse que le pense le signataire de la lettre, a bien l'intention d'aller jusqu'au bout, même s'il faut se passer de cette chaîne d'intermédiaires. Le sol du Lac Saint-Jean est bon. On doit pouvoir mettre la table à Dolbeau sans aller chercher les aliments à Toronto.