Notre dernier numéro a parlé des quatre "attendu" de l'U. C. C. relativement au Crédit Social.
Nous avons reçu copie d'une lettre adressée à M. Gérard Filion, secrétaire général de l'U. C. C., par M. Émile Vadeboncœur, colon de Beaudry (Témiscamingue), membre du cercle local de l'U. C. C..
Sans vouloir revenir sur le sujet, nous extrayons tout de même de la lettre de M. Vadeboncœur quelques passages, pour démontrer que, s'il se trouve des esprits lumineux à Montréal pour donner des directives aux gens de la terre, il y a aussi sur les fermes, même dans les colonies du nord, des hommes qui possèdent à la fois connaissance et jugement.
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"Au sujet du troisième attendu, accusant les propagandistes du Crédit Social d'avoir tenté de détourner les cultivateurs de leurs associations syndicales et coopératives — ma réponse est que le bureau central de l'U. C. C. a dû être renseigné par des faiseurs de zèle déplacé ou par des gens à l'esprit borné, ce qui se confond souvent.
"Certains propagandistes ont pu, tout au plus, vouloir établir la supériorité d'efficacité du Crédit Social, en expliquant que, si l'U. C. C. organise les cultivateurs pour une production meilleure et plus abondante, le Crédit Social organise non seulement les cultivateurs, mais tous les consommateurs. Il est inutile, en effet, pour les cultivateurs de produire davantage si les consommateurs n'ont pas d'argent pour acheter toute la production.
"Depuis un an et demi, je m'occupe activement de Crédit Social, et je n'ai pas eu connaissance qu'un propagandiste ait essayé de détourner les cultivateurs de leurs associations syndicales. S'il s'en est trouvé incidemment quelque part, il s'agit sans doute de quelques irresponsables. Même dans les meilleurs mouvements, il peut sur le nombre se glisser des irresponsables, et l'U. C. C. elle-même n'en est probablement pas exempte. Comme c'est très rare d'un côté et de l'autre, c'est perdre son temps que de s'arrêter à s'occuper de ces cas-là ; les gens intelligents et sérieux le comprennent.
"Le quatrième attendu blâme les créditistes de chercher à se servir des cercles de l'U. C. C. pour propager leur doctrine.
"Prenant comme exemple notre propre cercle local, et ceux dont nous avons connaissance, cette affirmation est une fausseté. Pourtant le Crédit Social est très répandu ici et les membres de l'U. C. C. de Beaudry, pour un très grand nombre, sont aussi créditistes.
"S'il fut question de Crédit Social dans certaines de nos réunions, ce n'était aucunement pour y faire de la propagande. Les créditistes savent très bien faire leur propagande et la réussir indépendamment de toute autre organisation.
"Le Crédit Social est avant tout une doctrine économique. Les membres de l'U. C. C., à titre de producteurs, font partie d'une branche de l'économique ; et, dans la production, de la plus importante, l'agriculture. Or, si nous trouvons, nous, à Beaudry, comme ailleurs, que le Crédit Social résoudrait une bonne partie de nos problèmes économiques, surtout le problème de l'écoulement de nos produits, nous serions bougrement imbéciles, de ne pas nous en occuper. Si nous discutons, dans notre cercle, de la doctrine créditiste de la distribution, c'est justement parce que, dans notre cercle, nous discutons d'affaires qui nous regardent...
"Notre U. C. C. proclame travailler à l'assainissement de l'économique. Comment ? En faisant des accolades et de la publicité aux trustards ? Ne gagnerait-elle pas plutôt en s'alliant au Crédit Social comme redresseur de l'économique ?...
"La déclaration de l'U. C. C. rappelle la fidélité aux coopératives et à la coopération. Le Crédit Social est lui aussi pour la coopération. Mais les coopératives de production et de consommation ne sont pas nécessairement les seules formules possibles de coopération. La formule essentiellement coopérative du Crédit Social vaut aussi d'être considérée...
"L'U. C. C. fait une pression auprès du gouvernement pour des allocations familiales, et c'est très bien. Mais le Crédit Social a justement l'allocation familiale dans sa technique même, et sans en arracher le prix au portefeuille du voisin.
"Les dépenses du gouvernement, sous le régime actuel, sont basées sur ses revenus, ou sur ses emprunts hypothéquant des revenus à venir. S'il augmente ses dépenses, il doit donc augmenter ses revenus ou ses dettes. S'il paie une allocation familiale, il devra augmenter les taxes pour équilibrer le budget, ou augmenter la dette, et par suite les taxes pour payer l'intérêt accru sur une dette accrue.
"Les taxes évidemment frapperont davantage les riches. Mais les riches, qui commandent l'industrie et le commerce, passeront les augmentations de taxes aux pauvres. L'allocation aux familles nombreuses équivaudra en fin de compte à peu près à zéro. Sans compter que les riches sauront humilier les pauvres en leur faisant sentir qu'ils doivent leurs allocations aux revenus des riches.
"Comme la population augmente, et que l'argent doit augmenter en conséquence, mais ne le peut sans augmenter la dette du pays envers les banquiers, nous sommes en voie d'hypothéquer le pays tout entier aux banquiers. Ils en seront les propriétaires, et si nous sommes lassés d'être leurs locataires et de leur payer redevance, il ne nous restera plus qu'à aller nous établir dans le centre de l'Afrique ou dans les montagnes du Thibet."