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Colon choyé

Louis Even le mardi, 01 avril 1941. Dans La politique

Le colon aussi est choyé ? Sans l'ombre d'un doute. Comptez donc le nombre de plans qu'on a faits pour lui : Plan Gordon, plan Vautrin, plan Rogers-Auger. Et nous en passons. Nous aurons sans doute un plan Godbout-Bouchard avant longtemps, puisque le fédéral a mis fin à sa contribution dans le dernier plan Rogers-Auger.

Qu'est-ce que tous ces plans-là ? Le moyen pour le gouvernement de soulager sa conscience en envoyant dans le bois des gens dont la situation, en ville est une accusation visible contre le système.

Avant que le plan Rogers-Auger se perde définitivement dans les limbes avec ses devanciers, souli­gnons un peu ses points intéressants.

Nous l'avons sous les yeux. La première condition pour être admis à en participer est la suivante :

"Vivre d'assistance publique ou de charité privée, ou se voir dans la nécessité prochaine d'y recourir."

Cela veut dire que le brave citoyen qui s'en va dans le bois sous la protection du plan est un homme n'ayant plus rien pour vivre.

Cette condition éclaire la suite de l'investigation.

Le nouveau colon se place sous la tutelle absolue de la Commission du Retour à la Terre. Il doit suivre en tout les instructions d'un inspecteur ; ne peut "acheter d'animaux, d'outillage ou d'instruments indispensables qu'avec la permission de la Commission. Toute demande à cet effet devra d'abord être faite au chef de district."

Notre homme doit se convaincre que, lorsqu'on est pauvre, on ne peut aspirer à une graine de liberté.

Mais le colon reçoit des subventions du gouvernement en échange de sa liberté ? Ah ! oui, et voyons leur importance.

La famille (il faut être marié) arrive dans le bois, avec ses guenilles (il faut avoir été à l'assistance publique ou privée) et avec ses enfants si elle en a.

La subvention du gouvernement est versée par allocations.

Les dépenses de la première année ne peuvent dépasser $600, maison y comprise, quel que soit le nombre des bouches à nourrir.

Le maximum alloué pour la construction de l'habitation est de $250.

Pour la subsistance, en attendant que la terre produise, le gouvernement la verse par chèques mensuels : $15.00 pour le colon et son épouse, plus $1.50 par enfant (toujours pour un mois), jusqu'à concurrence de $22.50 par famille. Le maximum mensuel pour vivre est donc $22.50.

Sans aller plus loin, avez-vous jamais réussi, les plus économes d'entre vous, à nourrir décemment un enfant avec $1.50 par mois, 150 sous pour 90 repas si l'on a encore la coutume de manger trois fois par jour ? Moins de deux sous par repas. Les vitamines vont abonder !

On dira qu'il y a compensation dans la subvention initiale de $15.00 par mois. Soit, faisons le calcul pour une famille de sept personnes.

Sept personnes donnent droit au maximum allouable : $22.50 par mois — moins de 3 sous et demi par repas pour chaque personne.

S'il y a plus de sept personnes, il paraît que les autres ne mangent pas.

La deuxième année, l'allocation de subsistance est limitée à un maximum de $18.33 pour trois enfants ou davantage. La deuxième année, le quatrième enfant et ceux qui viennent après lui ne mangent pas !

À $18.33 par mois pour nos sept personnes, la deuxième année, cela fait moins de 3 sous par repas pour chacune. On compte sur l'entraînement de la première année pour les habituer à vivre d'air et d'eau.

Il ne faut pas oublier, en tout ceci, que nos colons ainsi subventionnés n'avaient plus rien, en partant : c'était une condition.

Or, le plan ajoute gravement : "Tout argent épargné sur la subvention des deux premières années pourra servir à l'achat d'animaux, d'outillage et d'instruments indispensables, avec la permission de la Commission."

Revenons à notre famille de sept. Si ces braves colons veulent, avec la permission des maîtres, s'acheter des animaux, l'outillage indispensable, etc., il faudra épargner sur leur menu de 3 sous et demi par repas ! Et puis, ne pas s'habiller, ni se chausser, ni se soigner quand ils sont malades.

C'est un prêtre qui attire notre attention sur ce magnifique plan de colonisation. Il termine ses remarques par cette exclamation : Ô Canada ! mon pays ! mes amours !

Peut-être nos législateurs pensent-ils que le chômeur devenu colon emporte avec lui une plume de banquier !

Louis EVEN

N. B. — Le Crédit Social offre un plan sans nom de politicien : un dividende mensuel à chaque personne de la famille, jusqu'au dernier né. Qu'en pensent les colons ?

Louis Even

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