Ce qui suit est extrait d'un discours de M. William Aberhart, le, septième de la série hebdomadaire qu'il donne actuellement à la radio en Alberta :
"Vous savez tous quelque chose de la Grèce antique. Elle écrivit l'un des plus glorieux chapitres de l'histoire de l'humanité. Dans les arts, en éducation, en hygiène, et de beaucoup d'autres manières, la contribution de l'ancienne Grèce au progrès de la civilisation fut unique. Sous certains rapports, elle n'a jamais été dépassée.
"Ces accomplissements merveilleux furent le résultat combiné de son système démocratique de gouvernement et des loisirs dont jouissaient ses citoyens. Ses progrès scientifiques et artistiques, les jeux qui l'ont rendue fameuse, les richesses de connaissances qu'elle a données au monde, n'auraient jamais été possibles si son peuple avait dû être occupé continuellement à la production de nourriture, à la construction de maisons et à la poursuite des nécessités matérielles de la vie.
"Le progrès culturel des anciens Grecs ne fut possible que parce qu'ils avaient des loisirs et, sous leur système démocratique de gouvernement, ils possédaient toute la liberté voulue pour l'expression de leur personnalité et le développement de leur initiative dans la vie courante.
"Cela mérite d'être noté. Mais il y avait un trait tout à fait vilain dans la civilisation de l'ancienne Grèce. Cette civilisation était fondée sur le travail des esclaves. Les loisirs et la liberté dont jouissaient les citoyens de la Grèce n'étaient possibles que grâce aux esclaves qui accomplissaient la plus grande partie des durs travaux manuels. La culture et la civilisation de l'ancienne Grèce dépendaient de la fidélité et du caractère des esclaves humains sur lesquels elle reposait. C'est en cela que consistait sa faiblesse.
"Nous avons une leçon profonde à tirer de l'histoire de la Grèce antique. Si grandes fussent les œuvres de cette époque merveilleuse, elles sont peu de choses comparées aux possibilités étalées devant nous aujourd'hui.
"Les Grecs avaient peut-être, en moyenne, quatre ou cinq esclaves au service de chaque famille. Sur notre continent nord-américain, nous avons à notre disposition l'équivalent de plus de cinquante esclaves pour faire les volontés de chaque homme, chaque femme et chaque enfant ; et, ce qui est mieux encore, ce sont des esclaves mécaniques. Des esclaves qui ne se fatiguent et ne se révoltent jamais.
"Ces machines motorisées qui, depuis des années, ont été inventées, améliorées et appliquées à des usages de plus en plus nombreux, doivent être placées à la disposition de notre peuple. Ce développement mécanique est en progrès depuis près de deux siècles : depuis que l'homme, dans sa lutte contre la rareté, a découvert le moyen de harnacher l'énergie solaire entreposée dans le charbon, dans l'huile, dans la chute d'eau et d'employer ces forces à mettre en mouvement des machines qui font l'ouvrage pour lui. Dans ce court espace de temps, il a réussi à tel point qu'un homme surveillant une machine, peut actuellement accomplir le travail qui réclamait autrefois cent hommes ou davantage.
"Ainsi, la production moderne a continuellement tendu à éliminer graduellement le labeur humain dans l'industrie et à remplacer ce labeur par le travail des machines.
"Est-il surprenant, alors, que nous ayons eu un problème de chômage avant la guerre ? Tout le but de la machinerie motorisée est justement de mettre l'homme hors d'emploi. N'appelle-t-on pas ces machines et appareils des économiseurs de travail ? Il est évident que chaque amélioration de nos moyens mécaniques ou de nos méthodes de production augmente notre aptitude à fournir des produits, mais en même temps réduit la capacité de l'industrie à employer des hommes.
"Logiquement, à mesure que ces puissantes machines permettent de produire de plus en plus, avec de moins en moins de labeur humain, chacun devrait s'en trouver mieux. La masse du peuple devrait en retirer du bénéfice. Nous devrions avoir de plus en plus de provisions, avec de moins en moins de travail à faire. En d'autres termes, nous devrions tous nous sentir en sécurité et avoir plus de loisirs — infiniment plus que tout ce qui fut possible dans la Grèce d'autrefois.
"C'est ici, hélas ! qu'il faut faire face à une barrière étonnante et d'une stupidité fantastique que les hommes ont eux-mêmes érigée contre tout ce progrès.
"Nous avons décrété que la seule manière dont un homme pourrait obtenir quelque chose de la production de cette vaste armée d'esclaves mécaniques, ce serait en présentant un billet appelé monnaie. Puis, ce système de monnaie a été tellement manipulé, que, pour la plupart des gens, le billet nécessaire ne peut être obtenu qu'en retour de travail pour la production de biens.
"Vous voyez ainsi ce que nous faisons. D'une part, nous décidons qu'à moins de travailler dans le système économique, un homme ne peut avoir d'argent. Puis, nous procédons à chercher des moyens de remplacer le labeur humain par des machines améliorées, de sorte qu'un homme ne peut plus avoir de travail dans le système producteur. Après quoi nous disons à cet homme qu'il ne peut avoir de part aux biens que la machine a produits sans son aide, parce qu'il n'a pas d'argent.
"Qu'est-ce que le pauvre diable va faire sous un tel système ? Pouvait-on inventer quelque chose de plus injuste et de plus insensé ?
"Selon moi, ce qui est nécessaire d'abord, et à la base, c'est de reconnaître que le véritable but de l'emploi n'est pas de fournir un revenu à des personnes, mais de produire des biens et des services pour l'usage des hommes.
"Notre objectif ne doit donc pas être d'employer à plein, mais de produire à plein.
"Puisque les machines motorisées déplacent progressivement les bras humains de l'industrie, et puisque, dans ces conditions, les hommes ne peuvent plus se reposer sur l'emploi pour obtenir des revenus, le salaire du travail ne doit plus être l'unique moyen de distribuer du pouvoir d'achat. Il faut trouver d'autres méthodes de passer des droits à la production.
"Une plus grande sécurité économique et des loisirs accrus devront être distribués à la masse du peuple de quelque manière équitable.
"Mais comment cela peut-il se faire ?
"En premier lieu, il faut établir les salaires sur une base adéquate, qui procure le maximum d'encouragement à faire le travail, même diminué, qui reste nécessaire. Les travailleurs doivent être bien payés.
"Puis, nous devons veiller à ce que, lorsqu'un homme est déplacé par une machine, ou qu'il tombe malade et ne peut plus travailler, ni lui ni sa famille ne soient pour cela dans le dénuement. De même, chaque citoyen doit avoir l'assurance de moyens adéquats pour ses dernières années, lorsqu'il sera passé l'âge de travailler.
"Pour cela, nous devrions garantir à chaque citoyen, en plus des revenus de son travail, le bénéfice d'un revenu basique suffisant pour sa sécurité économique et celle de sa famille, sans enfreindre sur sa liberté. Et ce bénéfice devrait augmenter avec l'augmentation de production, à mesure que les machines déplacent le travail des bras."
Wm. ABERHART