Les Voltigeurs de Québec se rappelleront longtemps la circulaire préparée pour annoncer la fournée de 78 assemblées dans la capitale en deux jours. C'est la Gendarmerie Royale qui s'est chargée de passer cette circulaire à l'histoire.
Pour l'intérêt et l'édification de tous les lecteurs de Vers Demain, résumons les faits. La circulaire dont il s'agit est reproduite ci-dessous, en proportion un peu réduite. L'original était sur papier de 9 x 12 pouces.
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À l'assemblée des Voltigeurs, convoquée dans le dernier numéro du journal pour le 18 novembre, on remettait à chaque Voltigeur présent une couple de cent circulaires, avec secteur déterminé pour la distribution. De cette façon, dans les trois jours suivants, 20,000 circulaires devaient être placées dans 20,000 foyers différents de la ville.
La distribution commençait le jeudi soir. Or dès 9 heures œ soir-là, nous apprenions que deux Voltigeurs de la haute-ville étaient arrêtés par la police et écroués à la prison du Parlement.
Malgré des démarches, impossible de rien faire pour eux avant le matin. La prison est provinciale ; l'enquête a été fédérale ; la demande d'arrestation, fédérale ; l'arrestation elle-même, provinciale ; le cas relève du fédéral ; ceux qui vous répondent ne sont que des employés qui se déclarent étrangers à l'affaire ; le responsable de l'arrestation est, paraît-il, allé à la campagne pour la nuit.
Le lendemain matin, M. J.-Ernest Grégoire, agissant comme avocat, prenait la défense en main. L'accusation portait sur la distribution de circulaires sans signature de la part de l'imprimeur. C'est une mesure de guerre : "tout écrit de caractère social ou politique, destiné à la distribution, doit porter, bien visible, le nom de l'homme ou de la maison qui l'a imprimé." La loi ne paraissait pas dans l'édition 1941. L'édition 1942 n'est pas encore parue en français ; l'édition anglaise elle-même est encore peu répandue. Bien des citoyens sont excusables de ne pas connaître ces mesures de guerre, surtout lorsqu'elles sortent au régime de centaines par semaine.
Tout de même, MM. Arthur Giroux et Raymond Bourgault durent passer une nuit en prison pour avoir été pris à distribuer des circulaires sans signature d'imprimeur. Ils ne purent reprendre leur liberté que moyennant caution de $200 chacun en attendant le jugement.
Pourquoi mettre la main sur d'humbles citoyens, au lieu de s'en prendre aux auteurs ou à l'imprimeur ? Ce dernier ignorait lui-même la loi ; comment des ouvriers étrangers à tout travail d'édition ou d'impression peuvent-ils être plus responsables ? Qu'on le demande à la police. Elle a sans doute ses propres idées dans l'arrière de sa tête lorsqu'elle commence par les petits morceaux.
Nous fîmes immédiatement cueillir toutes les circulaires non distribuées, afin de les mettre en règle. Nous en étions là lorsque M. Victor Dubé, de la gendarmerie royale, flanqué de deux confrères, vint perquisitionner au bureau de la rue de la Couronne. Il prit note de notre explication, mais emporta les circulaires, avec instruction d'aller les chercher plus tard au bureau de la gendarmerie.
Vers le soir, le bureau de la gendarmerie refusa de nous les remettre, les déclarant saisies pour caractère subversif. Perquisition aussi chez l'imprimeur, d'où furent emportées les circulaires et la forme qui avait servi à l'impression.
Il fallut recomposer et ré-imprimer un texte raccourci pour la distribution du samedi.
La circulaire était-elle subversive, qu'on en juge avec le texte sous les yeux.
Qui l'a trouvé subversive ?
Sûrement pas le substitut du procureur-général, M. Maurice Boisvert, puisqu'il déclarait le matin que la circulaire n'entrait en contravention avec la loi que par l'absence de la signature de l'imprimeur. C'était aussi, au moins le matin, l'opinion de M. Courtois, chef de la Gendarmerie Royale à Québec.
Sûrement pas le journal Le Soleil qui, rapportant l'incident dans son édition du vendredi, disait :
"Le papier en lui-même n'avait rien de subversif. On y posait certaines questions concernant la situation économique et on donnait une liste des endroits visités par les propagandistes du crédit social."
Sûrement pas, non plus, L'Action Catholique, qui écrivait :
"La circulaire annonçait une série de 75 assemblées pour le crédit social en l'espace de deux jours. Il y avait au début quelques attaques vagues et vigoureuses contre les politiciens, les Juifs et les francs-maçons. La circulaire en elle-même ne contenait rien de contraire aux règlements de la défense du Canada."
Mais voilà : nous sommes en guerre. c'est la force de l'arme et du muscle qui prend de la valeur. Ce n'est plus le temps d'élever la matière à l'esprit, mais celui d'abaisser l'esprit à la matière. Le penseur a peu de poids. Le jugement suprême est celui du gendarme. Il met en prison, il saisit ; le procès vient après. Et si ses jugements sommaires ne sont pas ratifiés, nul dédommagement n'est fait à ceux qui ont souffert dans leur corps ou dans leur travail.
L'Action Catholique remarque que c'est la première plainte du genre dans le district judiciaire de Québec - la première plainte pour absence du nom d'imprimeur au bas d'un écrit livré à la circulation. Est-ce à dire qu'aucune autre circulaire n'a été dans le même cas ? Personne ne soutiendra cela. Nous avons en main des preuves du contraire. Mais il fallait que le crédit social fût importuné, il l'a été.
C'est d'ailleurs la deuxième fois en un mois que M. Victor Dubé intervient dans les activités du mouvement créditiste à Québec. On est bien tenté d'y voir une marque de prédilection.
Nous publions ailleurs la photographie des deux Voltigeurs qui ont eu l'honneur de voir leur zèle pour la cause couronné d'un séjour en prison. Quelle que soit la formalité légale violée (qu'ils ignoraient d'ailleurs totalement), il reste que, s'ils étaient paresseusement demeurés au coin du feu, ils auraient couché chez eux ce soir-là. C'est l'exercice de leur travail de Voltigeur, au service d'une grande cause, qui leur a valu quatorze heures de séquestration.
Quant aux démarches de M. Victor Dubé et de ses confrères de la Gendarmerie Royale, nous serions heureux de savoir en quoi elles poursuivaient la gloire de Dieu, le salut de leur âme et le service du prochain.
Les créditistes marchent toujours de l'avant, et toujours en conformité avec les lois, tant qu'ils les connaissent. De toute façon, la meilleure réponse de Québec aux interventions dans leur mouvement, sera de remplir la grande salle du Palais Montcalm, le 13 décembre. Qu'on vienne, même de loin.
Maîtres chez nous — Façonneurs de nos propres destinées
Qui préparera notre après-guerre ? Les francs-maçons ? Les politiciens à l'échine courbée ? Les communistes ? Les financiers... ou nous-mêmes ?
Qui rendra aux fils des fondateurs du pays un héritage saboté, pillé par des étrangers, à la faveur de nos chicanes politiques, de notre ignorance et de notre apathie ? Qui ? Les exploiteurs ? Leurs valets ?... ou nous-mêmes ?
Notre patrie, notre Nouvelle-France, est assez grande et assez riche pour nourrir, habiller et loger convenablement chacune des familles qui l'habitent. Permettrons-nous à des criminels ou à des fous de continuer à tenir les Canadiens dans la privation en face d'une abondance débordante ?
Des patriotes renseignés et déterminés ont décidé de casser la dictature d'argent et de reprendre leur Nouvelle-France. Ils renoncent à attendre leur libération de politiciens de carrière qui ont depuis longtemps gagné un diplôme d'égoïsme et de nullité. Joindrez- vous les rangs de ces patriotes ?
N'attendons pas qu'il soit trop tard. D'autres forces s'agitent. Demain doit se préparer aujourd'hui. Nos adversaires le savent. Et nous ?
78 Assemblées en deux jours
Sous les auspices de l'Institut d'Action Politique
LUMIÈRE — ORGANISATION — ACTION
Dimanche et lundi prochain, 22 et 23 novembre, 78 réunions d'étude et d'organisation seront tenues dans la ville de Québec, aux heures et adresses indiquées ci-dessous. Ne manquez pas d'assister au moins à l'une d'entre elles, à votre convenance. Notre propre avenir et celui de nos enfants exigent que nous nous occupions nous-mêmes de préparer le monde que nous voulons pour eux et pour nous. Dames et hommes sont également invités. Entrées libres.
Dimanche, 22 novembre
2.30 après-midi
Suit une liste d'environ 25 adresses des dites réunions
Dimanche, 22 novembre
8.00 soir
Suit une liste d'environ 25 adresses des dites réunions
Lundi, 23 novembre
8.00 soir
Suit une liste d'environ 25 adresses des dites réunions