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Un peu de lumière

Louis Even le jeudi, 15 octobre 1942. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Propos d'adversaires

Depuis que la doctrine créditiste a fait son apparition dans la province de Québec, elle a soulevé plus d'un préjugé. Bien accueillie, en général, par ceux qui se sont donné la peine de regarder de quoi il s'agit, elle s'est tout de même heurtée à l'opposition en plusieurs milieux, et un peu dans toutes les classes quelques voix se sont élevées pour condamner, ou dénigrer, ou abaisser, ou porter à la défiance.

Pour les uns, le Crédit Social sent le communisme ; c'est au moins du socialisme camouflé, on a même dit du nazisme.

Pour d'autres, c'est un parti politique nouveau, destiné à profiter du mécontentement général pour pousser la fortune politique de quelques nouveaux venus ou de quelques malchanceux des luttes passées.

Pour d'autres encore, c'est un mouvement révolutionnaire qui, une fois suffisamment ancré, chambarderait tout et ruinerait le fruit du travail et de l'épargne.

Aux yeux de plusieurs, le Crédit Social est une utopie, un feu-follet, et ce serait folie que d'y consacrer un seul sou, une seule minute de son temps, une once de ses énergies. L'agitation passagère disparaîtra vite, pour la plus grande paix du pays.

Enfin — et c'est un peu plus pénible pour les créditistes — un petit groupe de personnes fort respectables affirment, sans prouver, que le Crédit Social est faux, qu'il ne réglera rien. À quoi elles ajoutent que seule la doctrine sociale de l'Église peut apporter à tous nos maux un remède efficace. Comme si le Crédit Social allait à l'encontre de la doctrine de l'Église, comme s'il n'était pas beaucoup plus conforme aux principes chrétiens que le système qu'il tend à remplacer.

Ce que nous ne prétendons pas

Le Crédit Social n'a jamais prétendu qu'il allait régler tous les problèmes qui assaillent l'humanité. Pas plus qu'une transfusion de sang ne remplace une opération chirurgicale. Elle aide tout de même le malade à revenir à la santé.

Le. Crédit Social ne règle pas tous les problèmes économiques, politiques, sociaux, religieux. Les créditistes n'ont jamais aventuré pareille affirmation. Mais ils se sont plu à faire remarquer que le règlement du problème d'argent aiderait merveilleusement nos mouvements — religieux, sociaux, politiques, économiques, nationaux — à remplir leur rôle respectif. Conjointement, chacun dans son ordre, ces divers mouvements se trouveraient moins entravés pour édifier l'ordre chrétien tant réclamé par les Souverains Pontifes.

Notre champ d'action

Les créditistes de la province de Québec pratiquent leur religion, la religion catholique ; mais ils ne sont pas pour cela une confrérie, ni une section spécialisée de l'action catholique.

De même aussi, les créditistes remplissent — et intelligemment — leurs devoirs politiques ; mais ils ne sont pas pour cela un parti politique, et ne sont comme corps inféodés à aucun parti politique, ni ancien ni nouveau.

Les créditistes vont à la messe au moins le dimanche, comme tous les autres bons catholiques. Les créditistes vont aux bureaux de votation, déposer leurs bulletins, comme tous les autres bons citoyens. Mais leur champ d'action particulier, celui dans lequel ils agissent comme créditistes, c'est le domaine économique. Le but de leurs activités est de mettre de l'ordre là où il y a désordre, dans le domaine économique, où, d'après un de nos grands papes modernes, le salut des âmes est particulièrement en danger.

Et dans le domaine économique, les créditistes concentrent surtout leur attention autour de la question de l'argent, parce qu'ils se sont rendus compte que la production va bien, que le transport ne fait pas défaut, que les consommateurs connaissent leurs besoins, mais que le mécanisme d'échange grince.

Les créditistes, parce qu'ils croient leurs propres yeux, leur propre expérience, constatent que, si la production n'entre pas chez le consommateur, c'est parce que le consommateur n'a pas l'argent pour payer la production. Et, comme ils ne sont pas totalement dépourvus de jugement, les créditistes concluent que c'est ce déséquilibre qui demande attention.

Il n'y a ni religion ni politique là-dedans, il y a simplement sens des réalités. Et il y a courage aussi de la part des créditistes, parce que pour corriger le désordre dans ce coin-là, il faut affronter un ennemi puissant et mobiliser des gens habitués à la passivité. Mais la charité anime les créditistes ; et dans l'exercice de cette charité, il y a bien un peu de place pour la religion, Dieu merci.

La charité des créditistes, ce n'est pas le cadeau, fait de la main droite, d'un $5.00 perfidement enlevé au prochain de la main gauche. Cela, c'est la charité qu'on proclame et qui couvre le voleur d'un manteau d'hermine.

Les créditistes se dévouent, sans rechercher la gloire ni les honneurs pour eux-mêmes. Ils s'appliquent surtout à corriger les causes de la misère, plutôt que se borner à vouloir en atténuer les symptômes. Et le bon sens populaire leur rend justice. Si quelques récalcitrants s'obstinent à les montrer du doigt en disant : Ce sont des communistes — ceux qui les voient à l'œuvre disent : Ils font le bien, ils aiment leurs frères.

À quoi donc attribuer les insinuations — pour dire le moins — faites contre le Crédit Social par des gens qui devraient connaître mieux et prononcer mieux ? Ne serait-ce pas parce que, habitués de l'économie orthodoxe, férus de science livresque, ils se sont dès l'abord scandalisés des innovations monétaires prêchées par le Crédit Social et ont crié "hérésie". Et, bien que la lumière se soit faite depuis, ils ont trop d'orgueil pour revenir sur leur décision.

Le scandale de l'argent gratuit

La marque distinctive du Crédit Social, c'est la finance directe du consommateur, dans la mesure où il manque de finance pour utiliser la prochiction faite pour lui. C'est le dividende, direct ou indirect, ce dernier sous forme d'escompte compensé.

La marque distinctive des adversaires du Crédit Social, c'est justement l'opposition à l'argent ainsi distribué gratuitement en venant au monde. Ils lui préfèrent l'argent endetteur, l'argent qui force à peiner et à dépouiller son prochain pour satisfaire la dette placée sur l'argent à sa source.

Il y a bien l'exemple d'un Dieu qui a tout créé gratuitement, d'un Dieu qui ne charge point pour l'air que l'homme respire, ni pour l'eau qui coule des montagnes à la mer et remonte, distillée et pompée par le soleil, de la mer aux montagnes. Tout cela, c'est très bien. Mais que l'homme imite Dieu, ce n'est pas permis. Plutôt que de laisser du pain entrer gratuitement dans une maison, on préférera faire les gens de la maison payer pour empêcher la production de blé. On imposera et on financera même des restrictions à la production plutôt que de laisser la production atteindre gratuitement le consommateur.

Le scandale est-il réellement dans l'argent gratuit ? Ou n'est-il pas plutôt dans ces règlements barbares et idiots ? Est-ce pour protéger pareils affronts à la générosité divine et à la souffrance humaine que des gens bien placés pour éclairer la multitude essaient de barricader le mouvement créditiste ?

Serait-ce qu'on veuille faire l'éducation par le ventre plutôt que par l'esprit ? Serait-ce qu'on veuille déclarer la faillite des commandements de Dieu et de l'Église et les remplacer par le code du banquier et de ceux que le banquier inspire ?

Point des révoltés

Les créditistes obéissent à l'Église. Ils se soumettent à toutes les directives de la hiérarchie dans l'exercice de leur religion. Mais ils ont une mission à remplir dans le monde temporel, et ils s'en chargent avec d'autant plus d'ardeur que les autres croisent davantage les bras. Cette mission, c'est, comme simples membres de la société mais aussi comme catholiques, de travailler à organiser un système économique qui rende le salut moins difficile à un nombre considérable d'hommes. C'est d'établir un système de distribution des richesses "qui procurera à tous et à chacun des membres de la société tous les biens que les ressources de la nature et de l'industrie, ainsi que l'organisation vraiment sociale de la vie économique, ont le moyen de procurer. Ces biens doivent être assez abondants pour satisfaire les besoins d'une honnête subsistance et pour élever les hommes à ce degré d'aisance et de culture qui, pourvu qu'on en use sagement, ne mettent pas obstacle à la vertu, mais en facilite l'exercice." (Quadra. Anno.)

Les créditistes croient que, dans leur action, ils obéissent à l'Église, non pas seulement en paroles, mais en actes. Ils n'admirent pas seulement la doctrine sociale de l'Église ; ils veulent la voir mettre en pratique, et c'est pour cela qu'ils foncent de toutes leurs forces sur l'ennemi qui place des entraves à tous les pas.

Pourquoi donc certains s'acharnent-ils à vouloir faire passer les créditistes pour des catholiques dissidents ? Est-ce que les coups portés contre ceux qui contrôlent l'argent et le crédit seraient des coups portés contre la religion ? Les encycliques nous apprennent le contraire.

D'ailleurs, quand bien même les créditistes concentrent leurs efforts sur la réforme monétaire, ils ne sont pas pour cela des bornés. Ils appartiennent en grand nombre à des caisses populaires, à diverses formes de coopératives, et aussi à des mouvements d'action catholique comme les Cercles Lacordaire et Jeanne d'Arc, les J.O.C., J.I.C., J.A.C., L.O.C., U.C.C., les syndicats catholiques, la société Saint-Jean-Baptiste et autres organisations religieuses, sociales et nationales.

Si les créditistes étaient aussi sévères envers les organisateurs de ces associations que quelques organisateurs de ces associations le sont envers les créditistes, il y a belle lurette que certaines d'entre elles marcheraient au ralenti et quelques-unes seraient même disparues dans plus d'une paroisse.

Mais Dieu nous en garde ! Les créditistes aiment leur prochain. Ils réservent leur colère pour les exploiteurs du peuple. C'est sur la finance tyrannique qu'ils frappent ; et ils regrettent sincèrement si des personnes respectables, par ignorance, maladresse ou orgueil blessé, se placent entre eux et l'adversaire et attrapent parfois des coups.

Les créditistes essaient de ne point dévier, même s'il faut parfois endurer des choses amères, en attendant qu'on comprenne mieux l'œuvre sublime de libération de la Nouvelle-France à laquelle ils consacrent tant d'ardentes énergies.

Les créditistes aiment à s'encourager par des pensées surnaturelles. Mais ils ne se servent point de la religion pour faire avancer le Crédit Social ; ils veulent plutôt se servir du Crédit Social pour mieux pratiquer leur religion.

Ancien chef jociste nous-même, nous avons appris à travailler sans trop nous occuper de la reconnaissance ou de l'ingratitude en retour de nos efforts. Nous nous réjouissons d'avoir trouvé dans le mouvement créditiste un magnifique champ pour développer notre sens de l'action et déployer le meilleur de nos énergies au service du prochain. Deo gratias !

René de Blois

Commissaire du Crédit Social

Louis Even

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