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Savez-vous qui fabrique l'argent ? - Savez-vous qui annule l'argent ?

Louis Even le lundi, 01 mars 1993. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Ce sont les banques

Dictature bancaire universelle

par Louis Even

Nous reproduisons ici le chapitre 8 du magnifique livre de Louis Even, "Sous le signe de l'Abondance" :

Une naissance gardée mystérieuse

Où naissent les pommes de terre ? — Dans le champ du cultivateur.

Où naissent les petits veaux ? — Dans l'étable.

Où naissent les prunes ? — Sur le prunier. Tout le monde sait cela.

Mais posez maintenant la même question au sujet de l'argent :

Où naît l'argent ? Où est née la piastre de papier que j'ai dans ma poche ? Qui est-ce qui l'a mise au monde, pour quelle raison, et à quelles conditions ?

Où sont nées les millions et millions de piastres avec lesquelles le gouvernement a fi­nancé la guerre, lui qui constatait depuis dix années qu'il n'y avait pas assez de piastres dans le pays pour financer simplement des travaux ordinaires ?

Puis, où vont les piastres quand on ne les voit plus ? Où sont allées, pendant la crise de 1930 à 1940, les piastres qui finançaient si bien le pays de 1925 à 1929 ?

Où naissent et où meurent les piastres ?

Posez ces questions, et dites combien d'hommes peuvent vous répondre.

Ce n'est ni le bon Dieu ni la température qui font les piastres. Et les piastres ne se font pas toutes seules ? Qui est-ce qui les fait ? Qui est-ce qui a su en faire autant qu'il en a fallu pour tenir la guerre ? Et pourquoi ceux qui ont fait les piastres pour conduire la guer­re n'en faisaient-ils pas auparavant pour régler la crise ?

Deux sortes d'argent

Pour bien comprendre où cornmence et où finit l'argent, il faut distinguer entre deux sortes d'argent, deux sortes aussi bonnes l'une que l'autre : l'argent de métal ou de pa­pier et l'argent de comptabilité.

L'argent de métal ou de papier, c'est l'ar­gent de poche, dont les petites gens se ser­vent tous les jours.

Les gros industriels, les gros commerçants, eux, se servent bien davantage de l'argent de comptabilité. Pour se servir d'argent de comp­tabilité, il suffit d'avoir un compte à la banque.

Supposons que j'ai un compte de banque avec 2,000 $ à mon crédit. J'achète une laveu­se électrique chez Dupuis Frères. Elle coûte 600 $. Je la paie au moyen d'un chèque de 600 $ sur mon compte de banque. Que va-t-il arriver ?

Je recevrai la laveuse. La maison Dupuis déposera mon chèque à sa propre banque. Le banquier augmentera de 600 $ le crédit du compte de Dupuis. La banque de Dupuis en­verra ensuite le chèque à ma propre banque. Le banquier diminuera de 600 $ le crédit de mon compte. Et c'est tout. Pas une piastre n'aura quitté une poche ou un tiroir. Un comp­te aura augmenté, celui du marchand ; un au­tre aura diminué, le mien. J'ai payé avec de l'argent de comptabilité.

L'argent de comptabilité, ce sont les cré­dits dans des comptes de banque.

Cet argent-là solde les 90 pour cent des transactions commerciales. C'est le principal argent des pays civilisés, comme le nôtre.

Mieux que cela, c'est quand l'argent de comptabilité augmente que l'argent de poche augmente, et c'est quand l'argent de comptabi­lité diminue que l'argent de poche diminue. Lorsque dix piastres de comptabilité entrent en circulation, une piastre d'argent de poche (métal ou papier) entre en circulation. Lorsque dix piastres d'argent de comptabilité disparais­sent de la circulation, une piastre d'argent de poche disparaît de la circulation. C'est du moins la proportion courante.

C'est l'argent de comptabilité qui mène. C'est son niveau qui détermine le niveau de l'autre argent.

L'argent commence dans les banques

Chercher où commence et où finit l'argent, c'est donc chercher où commence et où finit l'argent de comptabilité.

L'argent de comptabilité, celui qui mène le tout, c'est un crédit dans un compte de banque.

Si des crédits dans les comptes de ban­que augmentent quand d'autres diminuent, c'est un simple déplacement d'argent de comptabilité. S'ils correspondent à des apports d'argent de métal ou de papier, c'est un chan­gement d'argent de poche en argent de comp­tabilité. Mais si les crédits dans des comptes de banque sont augmentés sans rien diminuer ailleurs, c'est de l'argent de comptabilité nou­veau, qui augmente le volume total de l'argent disponible.

Lorsque, comme épargnant, je dépose 100 $ à la banque, la banque m'inscrit un cré­dit de 100 $. Cela me fait 100 $ d'argent de comptabilité. Mais ce n'est pas de l'argent nouveau ; c'est simplement de l'argent passé de ma poche à la banque, ou bien du compte de celui qui m'a donné un chèque à mon pro­pre compte. Ce n'est pas une naissance d'ar­gent, c'est une simple épargne.

Mais, si au lieu d'apporter de l'épargne à la banque, je viens à la banque pour emprun­ter une grosse somme d'argent, disons 100 000 $, pour agrandir mon usine, qu'arrive-t-il ?

Le gérant de la banque me fait signer des billets et des garanties, puis il me donne un chèque d'escompte que je vais déposer au guichet du caissier. Le caissier prend son grand-livre (ledger) et inscrit simplement 100 000 $ à mon crédit. Il inscrit le même cré­dit dans mon carnet de banque (pass-book).

Je sors de la banque sans emporter d'ar­gent sur moi, mais j'ai à mon crédit 100 000 $ d'argent de comptabilité que je n'avais pas en entrant. Cela me permet de payer, au moyen de chèques, des machines, du matériel, des ouvriers, jusqu'à un montant de 100 000 $.

D'autre part, aucun autre compte n'a été diminué dans la banque pour cela. Pas un sou n'a été déplacé, soit d'un tiroir, soit d'une poche, soit d'un compte. J'ai 100 000 $ de plus, mais personne n'a un sou de moins.

Ces 100 000 n'étaient nulle part il y a une heure, et les voici maintenant à mon crédit, dans mon compte de banque.

D'où vient donc cet argent ? C'est de l'ar­gent nouveau, qui n'existait pas quand je suis entré dans la banque, qui n'était dans la po­che ni dans le compte de personne, mais qui existe maintenant dans mon compte.

Le banquier a bel et bien créé 100 000 $ d'argent nouveau, sous forme de crédit, sous forme d'argent de comptabilité : argent scrip­tural, aussi bon que l'autre.

Le banquier n'est pas effrayé de cela. Mes chèques vont donner à ceux pour qui je les fais le droit de tirer de l'argent de la ban­que. Mais le banquier sait bien que les neuf-dixièmes de ces chèques auront simplement pour effet de faire diminuer mon compte et augmenter le compte d'autres personnes. Il sait bien qu'il lui suffit d'une piastre sur dix pour répondre aux demandes de ceux qui veulent de l'argent en poche. Il sait bien que s'il a 10 000 $ en réserves liquides, il peut prê­ter 100 000 $ (dix fois autant) en argent de comptabilité.

(*Voir la note à la fin de cet article.)

L'augmentation du niveau d'argent

Lorsque c'est le gouvernement qui em­prunte des banques, l'opération se passe de la même manière. Les montants sont beau­coup plus forts parce que c'est toute la ri­chesse du pays, tout le pouvoir de taxer qui est alors signé en gages au banquier, sous forme d'obligations (débentures).

Lorsque la guerre a éclaté en 1939, le gouvernement, qui manquait toujours d'argent depuis dix années, est allé aux banques, effec­tuer un premier emprunt de 200 millions. Les banques n'avaient pas plus d'argent que la veille. Depuis dix ans, le monde manquait d'argent. Quand on manque d'argent, on n'a guère de surplus pour en apporter aux ban­ques.

Pourtant, les banques ont prêté 200 mil­lions au gouvernement. Elles ont inscrit à son crédit 200 millions d'argent de comptabilité. Et les jeunes gens, qui battaient le pavé de­puis des années parce qu'il n'y avait pas d'ar­gent, ont pu immédiatement être appelés par le gouvernement, habillés des pieds à la tête, logés, nourris, équipés et transportés en Eu­rope pour prendre part à la tuerie.

Et l'on a vu cela dans tous les pays du monde. Le monde chômait depuis dix ans, faute d'argent. Ce même monde a pu se bat­tre, dans une guerre fort dispendieuse, parce que les banques ont créé tout l'argent de comptabilité qu'il a fallu pour financer la guer­re.

Les banques du Canada ont ainsi fait pen­dant la guerre au moins 3 000 millions de dol­lars d'argent nouveau, pour financer la part canadienne de la boucherie universelle.

L'argent est facile à faire, puisqu'il suffit d'une plume de banquier. Et pourtant, avant la guerre, le monde fut mis en pénitence pendant dix années, faute d'argent, et aucun gouverne­ment ne commandait à la plume de fonction­ner.

La mort de l'argent

Mais cet argent de comptabilité, fait par les banques, est fait sous conditions. Il devra être rapporté dans un temps déterminé, et d'autre argent avec lui, sous forme d'intérêt.

Ainsi, un million prêté à 10 pour cent pour vingt ans, oblige le gouvernement qui l'emprunte à rapporter 3 millions d'ici vingt ans, un million pour le capital et deux millions pour l'intérêt.

Comme le gouvernement, lui, ne crée pas d'argent, et comme il ne peut pomper du pu­blic plus d'argent qu'il n'y a été mis, il n'est jamais capable de rapporter au banquier plus d'argent que le banquier n'en a fait. Plus le gouvernement essaie de satisfaire à ses obli­gations, plus il crée de disette d'argent dans le pays. Il faut même qu'il emprunte d'autres sommes pour pouvoir rapporter indéfiniment des intérêts sur les capitaux ainsi créés par les banques.

C'est pour cela que les dettes publiques montent toujours, que les intérêts sur ces det­tes sont de plus en plus gros et les taxes pour les payer de plus en plus lourdes.

Quant aux particuliers qui empruntent ainsi des banques, ils doivent ou rembourser avec intérêts ou faire banqueroute. Si les uns réussissent, c'est en extrayant autour d'eux, par la vente de leurs produits à prix élevés, plus d'argent qu'ils y ont mis. Le succès des uns fait nécessairement la faillite des autres, dans un système où l'argent commence sous forme de dette chargée d'intérêt.

Lorsque l'argent rentre à la banque, les neuf-dixièmes y rentrent sous forme de crédit et sont simplement cancellés ; cet argent cesse d'exister. La banque est à la fois le berceau et le cercueil de l'argent. C'est une fabrique d'ar­gent et c'est un abattoir de l'argent.

Quand les remboursements sont exigés plus vite que les nouveaux prêts, l'abattoir fonctionne plus vite que la fabrique, et cela fait une crise. Ce fut l'origine de la crise de 1930 à 1940.

Quand les prêts sont plus généreux et plus fréquents que les remboursements, la fabrique marche plus vite que l'abattoir, et cela fait une abondance d'argent. C'est ce qu'on a eu pendant la guerre : l'argent était plus abon­dant que les produits.

On voit que le niveau de l'argent dépend de l'action des banques. Et l'action des ban­ques ne dépend pas du tout de la production ni des besoins.

Une dictature néfaste

Dans un monde où l'on ne peut vivre sans argent, on comprend que le système qui donne ainsi à des intérêts privés — les ban­ques — le pouvoir de régler à leur guise, le niveau de l'argent, ce système-là met le monde à la merci des faiseurs et destructeurs d'argent.

Ceux qui contrôlent l'argent et le crédit sont devenus les maîtres de nos vies, et sans leur permission nul ne peut respirer. C'est, la remarque du Pape Pie Xl.

Soulignons aussi un point frappant :

C'est la production qui donne de la valeur à l'argent. Une pile d'argent, sans produits pour y répondre, ne fait pas vivre. Or, ce sont les cultivateurs, les industriels, les ouvriers, les professionnels, le pays organisé, qui font les produits, marchandises ou services. Mais ce sont les banquiers qui font l'argent basé sur ces produits. Et cet argent, qui tire sa valeur des produits, les banquiers se l'appro­prient et le prêtent à ceux qui font les pro­duits. C'est un vol légalisé.

Louis Even

* Note : Cet article de Louis Even a été écrit en 1946, et il y est dit que si le banquier avait 10 000 $ en réserves liqui­des, il pouvait prêter 100 000 $ (dix fois autant) en argent de comptabilité. La pro­portion d'une piastre sur dix a augmenté depuis. En 1967, la Loi canadienne des Banques permettait aux banques à charte de créer seize fois le montant de leurs ré­serves en numéraire (billets de banque et pièces de monnaie). Depuis 1980, les ban­ques avaient le droit de créer vingt fois ce montant.

Et en 1993, le minimum requis en réserves liquides (billets de banque) est de 4 pour cent. Ce qui veut dire qu'en 1993, il suffit d'une piastre sur vingt-cinq pour répondre aux demandes de ceux qui veu­lent de l'argent de poche. Le banquier sait bien que s'il a 10 000 $ en réserves liqui­des, il peut prêter 250 000 $ (vingt-cinq fois autant) en argent de comptabilité.

En pratique, les banques peuvent prê­ter même plus que vingt-cinq fois leurs réserves, car elles peuvent augmenter leurs réserves en numéraire (billets de banque) à volonté en achetant ces réserves de la banque centrale (Banque du Canada) avec l'argent de comptabilité qu'elles ont créé. Ainsi, il a été établi en 1982, devant un Comité d'enquête de la Chambre des Communes sur les profits des banques, qu'en 1981, les banques à charte cana­diennes dans leur ensemble avaient prêté 32 fois leur capital. Quelques banques ont même prêté des montants équivalant à 40 fois leur capital. Par ailleurs, en 1990 aux États-Unis, le total des dépôts dans les banques commerciales s'élevait à environ 3000 milliards $, et leurs réserves s'éle­vaient à 60 milliards $, ce qui signifie que les banques commerciales américaines avaient prêté environ 50 fois leurs réser­ves en argent liquide.

Alain Pilote

Louis Even

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