Si de l'argent vient au monde, c'est parce que des produits sont venus au monde. Des produits réels répondent à des besoins réels. Autrement, l'argent n'aurait pas sa raison d'être, puisque l'argent est fait pour acheter des produits.
Si l'argent vient au monde lorsque les produits ne sont pas là qui attendent, ou que personne ne veut ces produits, c'est du mauvais argent, qui ne sert pas pour acheter, puisqu'il n'y a rien à acheter.
L'argent sain est basé sur des produits offerts et désirés.
Les produits sont l'œuvre des producteurs, et c'est la convenance de ces produits aux besoins des consommateurs qui leur donne une valeur d'écoulement.
Tout l'argent nouveau qui est mis au monde l'est à cause de l'existence des producteurs qui produisent et de consommateurs qui cherchent ces produits.
Si ce n'est pas le cas aujourd'hui, c'est parce que le système est désordonné. Mais nous parlons de ce qui serait si l'argent était réellement fait pour sa fonction.
Voyons en imagination tout un peuple qui travaille et produit des choses, et tout un peuple qui veut ces choses. En face, une machine qui produit de l'argent pour que les choses faites aillent aux besoins pour lesquels elles sont faites.
À qui appartient l'argent qui sort de cette machine ?
L'argent, n'appartient certainement pas à celui qui fait fonctionner la machine. Dans notre monde moderne, la machine pour faire de l'argent est d'ailleurs peu de chose : une plume avec de l'encre, simplement.
Puis l'argent qui sort de cette machine n'est pas une richesse en soi. Cet argent n'est qu'un signe des biens qui doivent circuler. Et la circulation, encore une fois, est le fait de producteurs et de consommateurs vivant dans une société organisée.
L'argent ne peut appartenir qu'à ceux qui sont les auteurs de la circulation des produits, à la société elle-même, tout entière.
Une fois en circulation, l'argent appartient à ceux entre les mains desquels il se trouve. Les uns en ont plus, d'autres moins.
Mais l'argent nouveau, l'argent qui sort de la machine à faire de l'argent neuf, cet argent-là, pas une personne en particulier, pas un groupe en particulier ne peut s'en dire propriétaire.
Cet argent-là appartient à toute la société, sans que personne puisse y prétendre à un titre plus spécial que les autres. Donc il doit aller à tous les membres de la société.
Les plus gros producteurs en tireront davantage à eux, lorsqu'il sera en circulation parmi les consommateurs. Mais il faut d'abord qu'il soit distribué, et il ne peut être distribué, sans causer d'injustice, qu'en allant également à tous les citoyens.
Or, il se trouve aujourd'hui, qu'un groupe d'individus a le privilège de faire fonctionner la machine qui fait l'argent nouveau. Et ces individus, voyant sortir du bel argent neuf de la machine qu'ils manœuvrent, s'empressent de dire que cet argent leur appartient. Tout comme le simple chauffeur d'un auto, admirant sa propre compétence à franchir les distances, se mettrait en tête que l'auto lui appartient parce qu'il est au volant. Exactement aussi comme un bedeau qui sonne les cloches et qui, à cause de cela, se croirait le propriétaire de l'église.
Aujourd'hui, ce sont les banquiers qui tournent la manivelle de la machine à faire de l'argent. Et les banquiers disent et croient que cet argent est à eux.
La preuve que les banquiers croient que l'argent nouveau est à eux, c'est qu'ils le prêtent à leur profit, et même ils le font mourir quand ils veulent, lorsqu'ils rappellent les prêts qu'ils ont faits et détruisent l'argent rappelé.
La machine pour faire l'argent actuel réside dans la banque, c'est la plume du banquier. Et l'opération de cette machine, c'est le banquier lui-même.
Et tout l'argent qui sort de la machine est prêté par le banquier aux conditions décidées par le banquier. L'intérêt est fait propriété du banquiers et l'argent qui y a donné lieu finit par n'être la propriété de personne, puisqu'il doit venir mourir un jour, selon les ordres du banquier, au pied de la machine d'où il est né.
Quelle absurdité que l'argent doive mourir, si les produits continuent à venir !
Et quel vol que cette main-mise sur l'argent nouveau, propriété de la société tout entière !
Le voleur de l'argent nouveau est donc, aujourd'hui, le système bancaire. Si respectable soit-il par la protection qu'il reçoit de la loi, c'est un voleur, voleur en redingote, mais voleur quand même ! Et c'est nous qui sommes les volés, citoyens de Nouvelle-France !
La première réforme à faire dans l'argent est bien de mettre le voleur dehors. Commander au gouvernement d'empêcher le banquier de continuer à voler la société.
Voilà la première chose à faire. Ensuite ?
Ensuite, voir à ce que le gouvernement ne prenne pas la place du banquier, comme l'accepteraient trop de gens qui se croient pourtant des réformistes.
L'argent nouveau n'appartient pas au gouvernement, mais au peuple. Et je ne sache pas que le gouvernement et le peuple soient exactement la même chose. La preuve, c'est que celui qui paie les taxes n'est pas exactement le même que celui qui les fait payer.
Le gouvernement ne doit pas s'approprier l'argent nouveau qui sort de la machine. S'il le fait, le gouvernement est un voleur, tout comme le banquier. Voleur
pour voleur, nous ne gagnerions rien au change.
Ce qu'il faut, c'est que l'argent nouveau soit distribué, donné tout de suite en sortant de la machine, à ses propriétaires, qui sont le peuple lui-même.
Mais la manière de donner l'argent ? Comment faire pour prendre cet argent neuf qui appartient à tous, et le remettre à tous ?
Voici un $5.00 tout neuf qui vient de sortir de la machine. Il est dans ma main, mais il vous appartient, et je me demande comment faire pour vous le remettre, puisqu'il vous appartient.
Vous vous moquez bien de mon embarras, n'est-ce pas. "Imbécile, direz-vous, mais pour me le faire avoir, ce $5.00 qui m'appartient, donnez-le moi, tout simplement."
Pour donner $5.00 à quelqu'un, il y a, en effet, une manière très facile, et c'est de le donner.
L'argent qui sort de la machine appartient à tout le monde. Comment le faire avoir à tout le monde ? Mais en donnant à chacun sa part.
Il y a de grands penseurs qui trouvent que ce n'est pas assez compliqué, donner de l'argent à son propriétaire. Ils sont habitués aux choses difficiles, étudiées dans des gros livres. Et comme la question est d'ordre économique, ils fouillent leurs gros livres d'économie. Mais ils n'y trouvent point que l'argent nouveau, appartenant à la société, doive être donné à la société. Ils trouvent bien toutes sortes d'autres choses qu'ils ne comprennent pas. Mais c'est justement cela peut-être qu'il leur faut pour les satisfaire : des choses qu'ils ne comprennent pas.
Voilà pour les économistes que nous appelons orthodoxes, et qui ont horreur de l'argent nouveau donné. Le vieil argent, l'argent déjà en circulation, donné par les héritages, par des legs, par la charité, c'est très bien, même si l'argent est ainsi donné à des gens à qui il n'appartenait pas avant la donation. Mais, de l'argent neuf donné à son propriétaire même ? Non, ça ne peut pas être, soutiennent nos savants.
Mais nous, créditistes, y allons plus carrément, plus simplement.
Que l'argent nouveau soit distribué en dividendes gratuits à la société, c'est-à-dire divisé également entre tous les citoyens et toutes les citoyennes du pays. Et que cela se fasse par un Office du Crédit National, décidant d'après les faits, en face de l'objectif, et aussi indépendant dans ses calculs que les juges doivent l'être dans l'administration de la justice, d'après les faits, en face de la loi.
Un dividende national, gratuit, prenant sa source dans l'argent nouveau, basé sur le progrès, c'est donc une affaire de simple justice. Et voilà l'une des grandes raisons pour lesquelles le Crédit Social réclame le dividende gratuit. Raison de justice. Ce qui n'exclut pas beaucoup d'autres raisons pour justifier et nécessiter le dividende national.