EnglishEspañolPolskie

Programme Intérimaire albertain

Louis Even le vendredi, 01 mars 1940. Dans Le Crédit Social en application

L’argent de comptabilité au service du peuple

Le mécanisme financier établi en Alberta pour fournir au peuple le moyen d’obtenir des produits de leur province sans passer par la volonté des banques et sans augmenter ses dettes s’appelle Programme Intérimaire. C’est une étape vers le Crédit Social.

La province n’a pas le droit de frapper sa propre monnaie. Elle contourne la difficulté par un système de comptabilité qui remplace la monnaie et donne le même résultat.

Pour tenir cette comptabilité monétaire, et rendre le service accessible à tous les citoyens, il faut des bureaux dans les différentes localités. Ces bureaux, Succursales du Trésor, sont connus sous le nom de “maisons de crédit”.

Il y a actuellement 30 Succursales du Trésor, 7 sous-succursales et 326 agences, formant un total de 363 établissements.

Ces maisons de crédit reçoivent les dépôts de toutes sortes que veulent bien y faire les citoyens : numéraire, monnaie légale, monnaie fiduciaire, chèque sur les banques, certificats de transfert, etc. Tout ce que le client dépose dans la maison de crédit constitue son compte de crédit provincial, garanti par la production possible de la province.

Le titulaire d’un compte peut tirer sur ce compte, pour effectuer des paiements, tout comme sur un compte de banque, au moyen de formules semblables au chèque et au moyen de certificats de transfert.

Certificat de transfert non négociable

La pièce caractéristique du système est le certificat de transfert non négociable. C’est une formule qui donne à la maison de crédit l’ordre de transférer du crédit, de la monnaie de comptabilité provinciale, d’un compte dans un autre.

Nous donnons ici une photographie de certificat, appelé en anglais “non negotiable transfer voucher”. Les Albertains disent simplement “voucher”.

Fonctionnement

Pour transférer du crédit dans les livres, il faut en avoir. On en obtient en y déposant de l’argent ou du crédit qu’on a déjà ailleurs. Mais on en obtient aussi en y déposant des certificats qui viennent du gouvernement en paiement de travaux ou de services rendus.

Supposons que le gouvernement d’Alberta entreprenne la construction d’une route provinciale. Il m’offre d’y travailler : je suis libre et j’accepte moyennant salaire, peut-être à $3.00 ou $4.00 par jour. Vient le jour de paie et le gouvernement me doit $30. Il peut me payer en argent ordinaire, mais, pour mettre en circulation le crédit provincial, il préfère me payer un tiers en argent et deux tiers en transfert de crédit. C’est-à-dire qu’il va me donner $10 en argent de la Banque du Canada et $20 sous forme de certificat de transfert.

Avec les $10 de monnaie ordinaire, je puis aller chez le marchand et me faire servir. Avec le $20 de certificat, je dois d’abord déposer ce certificat dans la maison de crédit de la localité où je réside. Que va faire le comptable de la maison de crédit locale ? Exactement ce que prescrit le certificat :

Transférez au compte de Louis Even la somme de vingt dollars, $20.00, dans les livres du Département du Trésor provincial et chargez à mon compte.

(Signature de l’employeur).

Mon travail m’a donc valu $10 en argent de papier et $20 en crédit provincial. Je serai satisfait si je puis utiliser mon crédit provincial au même titre que l’argent de papier.

Je m’en vais chez Monsieur Georges Messier, marchand de chaussures :

— Combien cette paire de chaussures, Monsieur Messier ?

— Trois dollars, monsieur.

— Très bien. Accepteriez-vous un transfert de crédit au lieu d’argent ?

Si Monsieur Messier accepte, je prends mon livret et je remplis la formule à mon tour :

Transférez au compte de M. Georges Messier la somme de trois dollars, $3.00, dans les livres du Département du Trésor provincial, et chargez à mon compte.

Signé : Louis EVEN

Messier ne pourra ni endosser ni échanger ce papier, mais devra, lui aussi, le déposer à la succursale qui tient son compte de crédit. Que fera le comptable de sa succursale ? Exactement ce que prescrit la formule. M. Messier verra son compte de crédit augmenter de trois dollars. Le certificat sera envoyé de sa succursale à la mienne et mon compte diminuera de trois dollars, mais j’aurai une paire de chaussures pour cette valeur.

Une addition dans un compte, une soustraction équivalente dans un autre, et c’est tout.

Pas un sou, pas un billet de banque n’aura bougé, et cependant la marchandise sera entrée dans ma maison. M. Messier pourra à son tour remplir et signer des certificats de transfert en faveur d’un fournisseur et obtenir quelque chose en retour du crédit qu’il passera à un autre.

Quelle a été l’origine de mon crédit provincial de vingt dollars ? Mon travail qui a donné quelque chose à la province, dont bénéficient les citoyens de la province. Que me vaut ce crédit ? Des produits sortant des champs ou des usines, à la grande satisfaction des producteurs qui vont obtenir le crédit que j’ai fait naître et vont s’en servir à leur tour pour obtenir des biens. On peut ainsi construire des routes ou rendre d’autres services, tant que, quelque part, le pays peut produire et livrer quelque chose en échange de ces services. Pourquoi y mettre des restrictions ?

Le bonus de 3 pour cent

Plus de six mille magasins, c’est-à-dire les cinq sixièmes des établissements de commerce de la province, acceptent les certificats au même titre que de la monnaie fédérale légale. Les hésitations du début sont tombées.

Les marchands qui consentent à accepter les certificats de transfert signent avec le gouvernement la formule de contrat No. C-4 et reçoivent un écusson d’identification.

Lorsqu’un acheteur paie le marchand en certificat, le marchand remplit le blanc de l’angle de gauche, en bas, indiquant le montant total de la vente et quelle partie de la vente comprend des produits fabriqués dans la province.

Dans les maisons de crédit, on fait le relevé, on tient la comptabilité, comme le font les coopératives. Au bout du mois, le gouvernement octroie à chaque acheteur un bonus de trois pour cent sur le montant de ses achats, pourvu qu’au moins un tiers des achats se rapporte à des produits fabriqués dans la province.

Ainsi, j’achète en un mois pour $300.00 de marchandises ou de services avec des certificats de transfert. Si au moins $100.00 sont des produits ou services originés dans la province, le gouvernement me donne gratis un crédit nouveau de $9.00. C’est en réalité un dividende, ma part de la production nouvelle que je déclenche en consommant des produits de la province.

Si mes $300.00 d’achats ne comprennent que $60.00 de produits albertains, mon bonus porte sur trois fois ces $60.00, sur $180.00 ; il est donc dans ce cas, de $5.40 au lieu de $9.00. On voit le stimulant que le bonus donne à la production domestique.

Un client qui paie avec de l’argent ordinaire ou des chèques sur la banque n’a droit à aucun bonus. Aussi les Albertains qui ont de l’argent ordinaire préfèrent-ils l’apporter à la maison de crédit provincial, pour le changer en argent de comptabilité de la province. C’est ainsi que les succursales du Trésor accumulent une réserve d’argent ordinaire dont elles se servent pour les transactions en dehors de la province ou pour payer une partie de la dette provinciale.

La préférence ainsi accordée aux transferts dirige les acheteurs vers les magasins qui acceptent les transferts : c’est ce qui explique la généralisation de l’acceptation des transferts par les commerçants.

À la théorie, l’expérience albertaine a donc ajouté la pratique pour démontrer quel est le vrai rôle de la monnaie, comment la valeur de l’argent dépend des produits et non de l’or, comment l’argent dont la naissance est contrôlée par le gouvernement représentatif du peuple sert le public au lieu de l’endetter, crée l’activité au lieu de perpétuer le chômage.

Le commerce extérieur

  1. Lefebvre réside en Alberta et, par ses dépôts de crédit et d’argent dans les maisons de crédit du Trésor, s’est fait un montant de $1,000 de crédit albertain dans les livres de la province. Voici qu’il désire acheter des meubles de la maison Valiquette, à Montréal, pour une valeur de $300. Comment va-t-il faire ? Son crédit albertain peut-il lui servir pour cela ?
  2. Lefebvre va simplement faire un chèque en bonne et due forme sur la maison de crédit qui tient son compte :

Cold Lake, Alta., 1er mars 1940.

AU GOUVERNEMENT DE LA PROVINCE D’ALBERTA

Succursale du Trésor No. 12

Payez à l’ordre de la Maison Valiquette, Montréal,

la somme de : Trois Cents Dollars - - $300.00

Signé : Z. LEFEBVRE.

Les meubles viendront de Montréal. La succursale du Trésor No 12 enverra $300.00 d’argent ordinaire ou en chèque bancaire à la Maison Valiquette et diminuera de $300 le compte de crédit provincial de M. Lefebvre ; celui-ci n’aura plus que $700.00 de crédit provincial à son compte.

Cet achat ne développe pas la production de la province. Il fait en même temps disparaître $300 de crédit de la province, remplacé par la remise en circulation de l’argent- dette des banquiers.

C’est ainsi que le crédit provincial monétisé se tient en rapport avec les possibilités productrices utilisées de la province, augmentant ou diminuant parallèlement avec la production provinciale. C’est sain et c’est juste.

Le Programme Intérimaire de l’Alberta incorpore les principes du Crédit Social : monnaie (ou substitut à la monnaie) émise par le gouvernement ; argent basé sur la production ; argent gratis au consommateur (bonus). L’application est limitée par les restrictions imposées à une province qui n’a pas droit de légiférer souverainement en matière bancaire et monétaire.

Au lieu d’assujettir les banquiers — ce que le fédéral ne veut pas laisser faire — l’Alberta fait la lutte aux banquiers par un système concurrent. Et les Albertains, avec leur gouvernement véritablement démocratique, gagnent la partie pied à pied. Pendant que les banques diminuent leurs succursales de 180 à 123, le Trésor augmente les siennes de 0 à 363. C’est la clientèle qui fait le succès ou l’échec. Cela veut dire que les Albertains préfèrent le mécanisme gouvernemental établi pour les servir au mécanisme bancaire qui les exploite.

La prochaine étape sera la création d’une banque à charte fédérale possédée par la province. Les transactions extérieures n’auront plus besoin de recourir aux concurrents. Tout le système monétaire aura été conquis par un peuple qui s’est instruit et a lutté. Exemple qui sera suivi et peut-être dépassé ailleurs.

VERS DEMAIN 1 mars 1940 p8 1940_03_No9_P_008.doc

Louis Even

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.

Panier

Dernière parution

Infolettre & Magazine

Sujets

Faire un don

Faire un don

Aller au haut
JSN Boot template designed by JoomlaShine.com