Les produits sont faits pour être distribués.
Personne ne produit de la nourriture, des vêtements, des chaussures, des meubles, des instruments aratoires, des outils, des instruments de toutes sortes, pour le simple plaisir de les accumuler et de les laisser pourrir, moisir, rouiller ou encombrer les entrepôts.
Les produits sont faits pour aller à ceux qui en ont besoin. Lorsqu'ils ne vont pas à ceux qui en ont besoin, ils ne vont pas non plus à ceux qui n'en ont pas besoin : ils restent là, et le producteur arrête d'en faire, ou bien il en fait moins ; ou bien il se met à produire des articles de luxe, alors que les simples besoins ordinaires demeurent criants.
Quand est-ce que les produits vont aux besoins ? Les produits vont aux besoins quand ceux qui ont des besoins sont capables de payer les produits.
Être capable de payer les produits, c'est avoir assez d'argent pour rencontrer le prix.
Le pouvoir d'achat dépend donc de deux choses : de l'argent et du prix.
Celui qui n'a pas du tout d'argent ne peut rien acheter.
Celui qui a un peu d'argent, mais en face de gros prix, est obligé, lui aussi, de se passer de produits qui le guettent et dont il aurait grand besoin.
Le manque de pouvoir d'achat fait au moins deux malheureux : celui qui ne peut pas acheter et celui qui ne peut pas vendre.
Si celui qui veut vendre est obligé de baisser trop son prix pour pouvoir vendre, il ne pourra pas rentrer dans ses frais. La production arrête quand elle ne peut pas rentrer dans ses frais. Et quand la production arrête, il n'y a pas de produits devant celui qui en aurait besoin.
Pas de produits devant les acheteurs ; ou bien des produits que l'acheteur ne peut pas payer — dans les deux cas, les besoins restent, les individus et les familles souffrent.
Dans un pays qui peut produire facilement tout ce qu'il faut, ou qui peut échanger ses surplus pour des produits étrangers qui ne se font pas bien au pays, il ne devrait sûrement pas y avoir de personnes privées des choses nécessaires à la vie.
Que ferait le Crédit Social pour permettre aux produits d'aller aux besoins ? — Le Crédit Social verrait à ce qu'il y ait dans le pays tout le pouvoir d'achat nécessaire pour payer toute la production offerte et répondant aux besoins.
Pour cela, il abaisserait tous les prix, pour que l'argent entre les mains des acheteurs puisse payer les produits. Si, par exemple, les prix sont deux fois plus gros que le moyen de les payer, il couperait tous les prix en deux, par un escompte de 50 pour cent sur le prix de vente de tous les produits.
Mais, pour que le vendeur et le producteur rencontrent leurs frais, et pour que la production puisse continuer, le Crédit Social compenserait le vendeur : l'Office de Crédit rembourserait au vendeur le 50 pour cent d'escompte que l'acheteur ne paierait pas.
Cela s'appelle un système de prix ajusté et compensé.
Que fait-on aujourd'hui lorsque les prix sont trop élevés et que les acheteurs ne peuvent les payer ? On ne fait rien. Résultat : on se chicane, des gens se privent, d'autres diminuent leur production. Tout le monde y perd, personne n'y gagne.
Mais où l'Office de Crédit prendrait-il l'argent pour compenser le vendeur ? Il prendrait l'argent à la même place où on l'a pris, dans un monde sans argent, pour payer une guerre qui coûtait des milliards.
L'argent n'est qu'un chiffre, et la source des chiffres est inépuisable.
Ce n'est donc pas du côté des chiffres qu'il peut y avoir une limite, mais du côté des produits. Il faut mettre les chiffres au pas des produits.
Pour cela, il faut un organisme, responsable à la société, agissant en son nom, pour faire de l'argent la représentation exacte des réalités. Le Crédit Social établirait cet organisme : un organisme social de crédit, tout comme on a un organisme judiciaire social.
Pourquoi est-ce que le Crédit Social pourrait faire cela ? — Parce que le Crédit Social n'admet pas l'absence de chiffres en face de produits. Il n'admet pas que l'homme soit sacrifié à l'argent ; mais il fait de l'argent un simple instrument pour servir les hommes.
Pourquoi est-ce que cela ne se fait pas dans le système actuel ? — Parce que, dans le système actuel, on considère l'argent comme suprême et sacré. Et tout ce que les contrôleurs de l'argent décident, il faut que l'humanité l'accepte : même des crises universelles ; même des guerres mondiales ; même des peuples qui souffrent de la faim, pendant qu'on détruit les produits alimentaires ou qu'on limite les cultures par décrets de gouvernements.
Abaisser les prix, c'est bien. Mais, pour celui qui n'a pas du tout d'argent, qu'est-ce que ça lui donnera ?
On ne peut admettre qu'un individu soit complètement privé d'argent dans le monde moderne.
L'industrie moderne place les moyens de production entre quelques mains. Ceux qui n'ont pas de moyens de production ne peuvent pas produire, à moins d'être les instruments au service des quelques-uns qui les ont. Or, bien des gens ne peuvent pas être ainsi embauchés.
Si l'organisme économique moderne ne peut pas mettre des moyens de production entre les mains de tout le monde, il doit au moins mettre entre les mains de tout le monde des droits aux produits.
N'avoir ni moyens de production, ni droit aux produits faits par ceux qui ont les moyens de production, c'est être condamné, soit à voler, soit à mendier, soit à se laisser mourir.
Le système actuel ne se tracasse pas de la vie des hommes ; il ne se tracasse que des prérogatives de l'argent et des maîtres de l'argent.
Le Crédit Social, lui, mettrait de l'argent entre les mains de tout le monde. Il donnerait à tous et à chacun le droit à au moins une suffisance de produits pour vivre. Il ferait cela en distribuant à tous, à seul titre de membres de la société, un dividende périodique, du berceau à la tombe.
Il y a bien des arguments pour justifier un dividende périodique à chaque personne. Mais au moins le seul fait du droit à la vie doit comporter un minimum de pouvoir d'achat.
Tout ceci est dit bien sommairement et peut provoquer bien des questions. Mais que le nouveau lecteur ne se décourage pas. Plus il connaîtra le Crédit Social, plus il le trouvera à la fois lumineux, logique, conforme au bon sens, respectueux de la liberté et de la propriété de chacun, et serviteur de la personne, serviteur de tous les hommes, de tous et de chacun.