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Philosophe et Créditiste

le samedi, 15 février 1941. Dans Crédit Social

La conversation porte sur le Crédit Social.

Le philosophe — J'approuve le système au point de vue philosophique. Mais il me semble que les créditistes attachent trop d'importance à la question monétaire. Ils semblent vouloir tout régler d'une façon mathématique et placer le Crédit Social au premier rang de toutes les réformes.

Créditiste — Mais où prenez-vous que les créditistes soient si exclusifs ? Leur sujet principal est l'argent, parce qu'ils ont précisément comme besogne de s'occuper d'une réforme monétaire. Mais nulle part dans leur enseignement, vous ne trouverez le moindre mot contre l'importance du corporatisme, même s'ils prétendent que l'instauration d'un corporatisme viable est entravée par un système monétaire vicié.

Le philosophe — Il reste que les créditistes ont eu tort de former un parti politique.

Créditiste — Aucun parti politique du Crédit Social n'a été formé dans la province de Québec. On vit bien deux créditistes parmi les candidats aux dernières élections fédérales. Mais ils se présentèrent comme indépendants de tout parti, profitant de la campagne, comme ils auraient profité de leur position s'ils eussent été élus, pour faire connaître et réclamer le Crédit Social.

Le philosophe — Il est vrai que ce n'était pas un parti politique proprement dit. Mais ne peut-on pas leur reprocher quand même de s'être lancés trop tôt dans la politique, ce qui a mis le clergé dans l'obligation de se détacher du mouvement ?

Créditiste — Le fait même de propager le Crédit Social fait connaître au peuple les torts des gouvernements. C'est pourquoi les propagandistes ne peuvent, à moins de se taire, éviter de mettre les pieds sur le terrain politique. De plus, le peuple ne peut obtenir le Crédit Social qu'en se servant de ses pouvoirs politiques pour exiger une loi dans ce sens. Ceci admis, que leur reprochez-vous au juste ?

Le philosophe — Ce serait d'avoir entrepris la propagande auprès du peuple avant que les philosophes aient suffisamment mûri le sujet. Ils auraient peut-être ainsi évité une foule d'expressions ambigues que les gens du peuple saisissent trop souvent par leur mauvais sens.

Créditiste — La propagande est nécessaire et l'éducation du peuple est urgente. N'a-t-on pas déjà trop attendu ? Et va-t-on attendre que l'exaspération ait conduit à l'émeute ? Rien d'ailleurs n'empêche les philosophes de mûrir le sujet à leur goût et de faire profiter le mouvement de leurs lumières.

* * *

Nous ajouterons qu'il y a déjà des philosophes — diplômés ou non — dans le mouvement du Crédit Social et qu'ils ne perdent aucune occasion de faire les créditistes profiter de leurs lumières. Ils continueront.

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