Que de braves gens, bien intentionnés, tout en se demandant comment pourrait fonctionner telle ou telle proposition du Crédit Social, gardent dans leur esprit l'idée des conditions créées par les règlements actuels !
Par exemple, M. X. pose la question : La Province pourra-t-elle continuer indéfiniment de payer un dividende à tout le monde ? M. Y. s'inquiète de la manière de solder la dette publique actuelle : Je comprends, dit-il, que le Crédit Social ne fera plus de dette publique, mais comment va-t-il pouvoir s'acquitter de la dette déjà existante ?
Il est évident que pas même un premier dividende ne pourrait être payé sous le système actuel, et qu'il est impossible, avec le mode actuel de mettre l'argent au monde, de solder la dette publique.
Mais transportez-vous sous un régime créditiste pour poser la question, et voyez à quoi elle ressemble.
Un dividende à tout le monde, c'est l'octroi à tout le monde d'un droit à la production utile que le pays peut fournir et livrer. La question devient donc :
La province pourra-t-elle continuer indéfiniment d'assurer à tout le monde le droit à une part de la production ? La province pourra-t-elle indéfiniment assurer à tout le monde une part de nourriture, de vêtements, de logement, de chauffage ?
La réponse est très simple et peut se transcrire par une contre-question : Croyez-vous que la province n'est pas capable de fournir ce qu'il faut pour nourrir tout le monde ? Croyez-vous qu'une partie de la population doive ne rien avoir sur sa table, parce que l'autre partie aura tout mangé ? Croyez-vous qu'une partie de la population sera condamnée à rester nu-pieds et en guenilles, parce que l'autre partie aura eu besoin de toute la production de vêtements et de chaussures de la province ?
Un dividende sera perpétuellement possible, tant que sera possible la production de biens utiles en abondance, pourvu que l'argent ou le crédit-argent soit constamment en rapport avec la capacité de production de biens utiles. Et c'est justement cela que commence par faire le Crédit Social : mettre l'argent en rapport avec les faits. Qu'on s'imagine donc d'abord les signes en rapport avec les choses, avant de se demander ce qu'on pourra faire avec les signes.
M. Y. trouvera dans ces mêmes considérations la réponse à sa question. Payer la dette publique, c'est en réalité donner aux créanciers des droits à la production du pays. Si la production du pays est là, abondante, il n'est pas trop difficile de leur passer périodiquement des droits à une partie de cette production jusqu'à ce qu'ils en aient eu pour leurs prêts.
Aujourd'hui, on ne peut leur passer facilement ces droits, parce que, même si la production existe, les droits n'existent pas. Qu'on mette les droits, l'argent, en rapport avec les faits, et le problème devient d'une solution relativement très simple.
Les objecteurs et ceux qui, de bonne foi, veulent s'instruire, feront bien de s'inspirer de ces notions : imaginer le signe expression de la chose, avant de suivre le signe dans ses applications possibles.