73. Où allez-vous prendre l'argent pour le Dividende Social?
Je réponds par une autre question: Où prit-on l'argent pour la première fois, partout où l'on décida d'introduire l'argent dans le commerce au lieu de continuer avec le lourd système du troc? On ne le prit certainement pas dans les taxes quand personne n'avait encore d'argent.
L'argent, ce sont simplement des chiffres légalisés sur du métal, sur du papier ou dans des livres de banque. Et ces chiffres confèrent des droits au libre choix des produits et services offerts dans le pays.
Si donc l'on décide de reconnaître le droit de chaque personne à un dividende, il n'y a qu'à émettre et distribuer à chaque personne ces chiffres légalisés. 1
74. On peut donc augmenter l’argent quand il y a augmentation de la production?
Certainement! L’argent fut inventé par les hommes pour faciliter l’écoulement de la production. Plus il y a de production, plus il faut d’argent pour l’écouler.
Et la capacité de produire augmente par le fait de l’augmentation de sa population. Si la population d’un territoire passe de 100 à 10 000 sans que la quantité d’argent augmente, il y aura certainement paralysie des échanges.
L’augmentation de la population crée déjà, par elle-même, la nécessité d’augmenter l’argent. Et l’augmentation de la production par le progrès appelle aussi une augmentation d’argent.
Qui osera soutenir que l’argent doive rester au même volume lorsque la capacité de production se développe? Même M. Beaudry-Léman a concédé que l’argent soit augmenté lorsque la production augmente. Il a même reproché aux doctrinaires du Crédit Social de se croire les premiers à le réclamer: «Tout le monde est d’accord là-dessus, dit-il, et cela se pratique, depuis longtemps.» 2a
(Qui était Beaudry-Léman? Il était président de la Banque Canadienne Nationale, le 14 décembre 1939, quand il a prononcé un discours contre le Crédit Social, au dîner-causerie de la Chambre de Commerce cadette de Montréal. Dans Vers Demain du 15 janvier 1940, Louis Even défaisait ses arguments l’un après l’autre. On comprend que le président d’une banque ait été intéressé à défendre les principes du système bancaire.)
75. Mais ça ne va pas faire trop d’argent?
Certains peuvent dire que l’argent va s’accumuler si le dividende vient tous les ans. Ce n’est pas vrai.
Le dividende vient, mais il est dépensé au comptoir du marchand et des autres producteurs. Et la série des producteurs va dépenser le dividende, de sorte que le dividende va retourner au néant par le mécanisme des prix, le mécanisme scientifique parfait du Crédit Social. Vers Demain explique tout cela depuis 80 ans. 3
76. Quand l’argent doit-il être augmenté?
Normalement, le volume d’argent doit augmenter chaque année. Mais pour que l’argent augmente, il faut bien en ajouter quelque part. 2b
77. En ajouter quelque part, mais où?
Il faut savoir que l’augmentation d’argent se fait pour permettre à la capacité de production d’entrer en œuvre. Et qu’est-ce qui la met en branle? Les commandes.
D’où viennent les commandes? Des consommateurs. Quand les consommateurs font-ils des commandes? Lorsqu’ils ont l’argent pour payer.
Donc l’augmentation d’argent pour augmenter les commandes doit se faire entre les mains des consommateurs du pays.
Si vous voulez immanquablement créer l’appel sur la production en attente, augmentez directement le pouvoir d’achat du consommateur.
Chaque émission d’argent nouveau apportera à chaque citoyen un dividende, sa part d’un bien commun. 2c
78. Et qui peut faire cette augmentation d’argent?
Cette augmentation d’argent par un Dividende Social à tous les membres de la société, c’est la société seule qui peut la faire, puisque c’est un bien commun à distribuer.
Mais quelle agence le fera pour la société? La banque? La banque n’existe pas pour faire des octrois aux consommateurs. La banque est une institution établie pour aider les opérations financières en recevant, plaçant, manipulant de l’argent déjà en circulation; et elle cherche, très justement un profit dans ses opérations.
Seul, le gouvernement, gérant de la société, ou un organisme nommé par lui, avec objectif déterminé, peut s’acquitter socialement de l’augmentation d’argent dans le pays. 2d
79. Quel sera le montant du dividende et quelle sera sa fréquence?
Tant qu’il y a capacité de production attendant des commandes effectives, une augmentation d’argent entre les mains des consommateurs est justifiée.
La dose, la fréquence doivent être réglées de façon à éviter les sautes subites, les inflations de prix, tout en obtenant la mise en rendement de la capacité de production.
L’organisme monétaire ayant un objectif et l’autorité voulue pour l’atteindre prend les moyens en se basant sur l’observation des résultats.
Les modalités de l’émission, la manière de distribuer les dividendes sont affaire de technique. Les dividendes peuvent très bien consister en simples entrées comptables, créant une monnaie de comptabilité qui sera distribuée au compte de chaque individu. 2e
S’il reste des entraves à la satisfaction des besoins essentiels de tous les hommes, elles ne tiennent qu’à des règlements financiers établis par les hommes eux-mêmes. Les hommes sont maîtres de ces règlements et peuvent les modifier et les adapter à leur gré. C’est à quoi visent précisément les propositions monétaires du Crédit Social avec son Dividende Social. 4
80. De nouveau je vous le demande, où allez-vous prendre l’argent?
Aux personnes qui demandent: «Où prendre cet argent?» Nous avons envie de leur répondre simplement: «Où prendre les produits?»
L’inscription d’un montant dans un compte de banque, c’est facile à faire. Bien plus facile que de produire les choses à mettre sur le marché. Un dividende est donc bien plus facile à faire que la production qui va lui répondre.
L’argent pour le Dividende Social ce n’est pas une taxe mais de l’argent nouveau. De l’argent nouveau ajouté au compte en banque de chaque citoyen. 5a
81. Avez-vous bien dit «De l’argent nouveau»?
Oui, de l’argent nouveau, ce n’est pas une nouveauté: il en naît tous les jours; et cette naissance a lieu justement dans la banque. 5b
82. L’argent naît dans la banque?
Oui! Lorsqu’un individu porte à une banque de l’argent épargné, le banquier met cet argent dans le coffre de la banque. Et pour l’épargnant, il le remplace par l’inscription d’un crédit au compte de cet épargnant.
Ça, ce n’est pas de l’argent nouveau mais simplement un changement d’argent de porte-monnaie par de l’argent de compte en banque.
Mais quand un individu vient à la banque pour emprunter de l’argent, si la banque consent le prêt, le banquier inscrit le montant de la même manière, au crédit du compte de l’emprunteur.
Là, ce n’est plus de l’argent épargné, c’est de l’argent tout nouveau que l’emprunteur obtient. Tout nouveau parce que le banquier n’a pas sorti un sou de son tiroir ni diminué le compte d’aucun des clients de la banque.
C’est pourquoi nous disons que l’argent nouveau est facile à faire quand on a reçu, comme la banque, le droit de le faire. 5c
83. L’argent n’est pas fait par le gouvernement?
Non, il n’est pas fait par le gouvernement, comme le pense généralement la population, ni par aucun organisme représentant le peuple.
L’argent dont se sert le peuple est fait par les ban banques. Ce sont les banques qui mettent l’argent au monde par leurs prêts. Et les banques mettent l’argent dans le cercueil lors des remboursements, moins ce qu’elles en gardent pour se payer à titre d’intérêts.
C’est de l’argent temporaire né d’une entrée comptable sous la plume du banquier. Argent qui sera détruit par une opération comptable en sens inverse quand l’emprunteur remboursera.
Seul le banquier jouit de ce privilège: la création d’argent temporaire et en y mettant ses conditions pour la naissance et la durée.
L’abondance ou la rareté de l’argent dépend donc de l’action des banques. 5d
84. Ce sont donc les banques qui créent la richesse?
Non! Les Banques créent l’argent, le crédit financier, mais ne créent pas la base de l’argent. La base de l’argent c’est la capacité de production et sans elle l’argent ne vaudrait rien.
C’est ce crédit financier, l’argent, qui permet de mobiliser la capacité de production et de créer ainsi de la richesse.
L’argent ne crée pas la richesse, mais nous donne la permission de le faire. 5e
85. La création de l’argent par le système bancaire est donc une mauvaise chose?
Ce qu’il faut reprocher à ce système, ce n’est pas tant que le banquier soit la personne autorisée à créer l’argent du pays, il faut bien que quelqu’un le fasse car l’argent ne se crée pas tout seul.
Ce qui est mauvais c’est qu’on laisse au banquier le contrôle absolu du crédit financier; qu’on le laisse y mettre ses conditions pour l’émission et la durée.
Ce qui est mauvais c’est que toute l’économie du pays soit ainsi dépendante des décisions des banquiers. Ce n’est pas tant le profit du banquier que son pouvoir qui est funeste.
Il y a là certainement un désordre à corriger. Et le Crédit Social le corrigerait. 5f
Conclusion
86. Comment y arriverez-vous à cette économie nouvelle et à son Dividende Social?
Nous croyons fermement que la logique du Crédit Social et la charité des personnes qui l’enseignent finiront par prévaloir.
Si l’abondance ne règne pas dans les maisons, c’est qu’on la détruit volontairement, c’est qu’on l’enchaîne, c’est qu’on tient des multitudes dans le chômage, c’est qu’on entrave le cours de la production, qu’on la torpille en temps de paix comme en temps de guerre.
Ceux qui se considèrent des lumières pour guider la foule ont crié à la foule d’épargner. Épargner quoi? Le pain? Mais il y a trop de blé! Les vêtements, les chaussures? Mais les fabricants de ces choses chôment parce qu’on ne prend pas leur produit!
Non. Épargner le signe, l’argent. Et notre élite est coupable de cette ignorance ou de cette lâcheté-là. Les problèmes de production et de transport sont devenus secondaires en face du problème de la distribution.
On continue de raisonner comme si la terre était encore couverte de ronces et d’épines. Voici pourtant bientôt vingt siècles que le Verbe fait homme et toute son Église après lui, demandent au Père céleste le pain quotidien. Le Père céleste donne l’abondance, et on l’insulte en enfermant l’abondance derrière des grilles cadenassées.
C’est une économie sociale que nous réclamons, une économie qui assure une part des biens de la terre à tous et à chacun des membres de la société. C’est la réalisation d’une économie nouvelle.
1). Vers Demain, juin 1966, Le droit de tous à un dividende
2a, 2b, 2c, 2d, 2e). Vers Demain, 1er janvier 1940, Pourquoi un dividende
3). Vers Demain, juin 1969, Dividende sans taxes
4). Vers Demain, 1er mai 1947, Des biens pour tous les besoins
5a, 5b, 5c, 5d, 5e, 5f). Vers Demain, 15 juin 1947, Où prendre l’argent?