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On se présente

Louis Even le mercredi, 01 novembre 1939. Dans Crédit Social

VERS DEMAIN salue le public lecteur.

Que vient faire ce nouveau venu dans un aujourd'hui chargé de désarroi, de haines, de défiances, de désunion, de misères, de mécontentement, de chaos, de désordre ? Est-ce à demain qu'on peut penser au milieu de tant de problèmes qui réclament des solutions immédiates ?

VERS DEMAIN vient d'abord rappeler qu'aujourd'hui n'est que le lendemain d'hier et que, si nous nous débattons dans la confusion, c'est, qu'hier l'humanité n'a pas su s'orienter vers un demain qui est devenu l'aujourd'hui.

Mais constatation, regrets, lamentations ne mènent à rien si l'on continue dans la même passiveté. L'homme est un être raisonnable et libre, mais s'il abdique l'usage de sa raison et de sa liberté il souffre de conditions qui l'atrophient.

Modestement, mais avec ténacité, VERS DEMAIN visera à former au sein de la masse une élite de plus en plus nombreuse, nous l'espérons, qui, par la réflexion, l'étude et l'action, déterminera de nouveaux courants dans la marche de l'histoire.

Nous ne présentons pas VERS DEMAIN comme un journal périodique catholique. Ce n'est pas comme catholique, mais comme citoyen que nous écrivons. Nous n'avons donc aucunement la prétention d'engager l'Église dans nos exposés. Mais nous entendons bien nous inspirer à fortes doses des principes et des enseignements de l'Église catholique. Si nous n'écrivons pas comme catholique, nous écrivons tout de même en catholique.

Notre rôle consiste principalement en une orientation politique vers un ordre social temporel dans lequel l'homme puisse s'épanouir. C'est une mission purement laïque. Ce n'est pas à l'Église qu'il appartient de façonner l'ordre temporel, mais à nous, laïcs, sans perdre de vue évidemment que si la politique a une fin propre, cette fin doit être ordonnée en vue de la fin dernière de l'homme. Autrement c'est le désordre et l'Église vigilante sait le signaler.

VERS DEMAIN veut former une élite, avons-nous dit, une aristocratie pensante de citoyens ; mais il la cherchera dans la grande multitude, non seulement chez ceux qui ont bénéficié d'une culture livresque supérieure. Une expérience de trois ans nous convainc que le peuple est très éducable. S'il est resté dans l'ignorance quasi complète des grands problèmes politiques, économiques et sociaux, c'est parce qu'on ne lui a pas fourni l'occasion de les aborder ou qu'on les lui a présentés sous une forme inintelligible, à dessein parfois pour l'éblouir et lui infliger l'acceptation silencieuse des pires absurdités.

VERS DEMAIN est un journal d'opinion. Pas révolutionnaire, mais dégagé de certaines formules conventionnelles qu'on s'est accoutumé à considérer comme des dogmes en politique et en économie. Aussi ne se gênera-t-il point pour dénoncer les non-sens de la politique de partis, de la haine des classes, de la restriction de la production devant d'immenses besoins, de la rareté d'argent en face de montagnes de biens, du renversement de l'ordre plaçant la fin comme moyen et le moyen comme fin.

Ce n'est pas VERS DEMAIN qui prêchera la patience et la résignation. Nous faisons nôtre la remarque de Jacques Maritain que "le chrétien, à vrai dire, n'est jamais résigné. Sa conception de la cité vise de soi un aménagement de la vallée de larmes procurant un bonheur terrestre, relatif mais réel, de la multitude assemblée."

LOUIS EVEN

Louis Even

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