EnglishEspañolPolskie

Mort aux taxes!

Louis Even le vendredi, 01 mars 1968. Dans Taxes

Tuer les taxes, les supprimer! (première partie)

Pour administrer? De l’argent, oui! Des taxes, non!

Fonder une banque du Québec, appartenant au peuple du Québec
Pour financer les travaux publics et privés, sans intérêt

Mort à la dette publique, résultat d'une grande escroquerie !

Mort aux taxes! Est-ce possible?

Louis EvenGeorges Dubois demeure dans un coin du pays qui n’a pas été visité aussi souvent que d’autres par nos pèlerins de saint Michel. Il n’a jamais été abonné à Vers Demain. Le peu qu’il a entendu dire du Crédit Social lui est venu de politiciens; il en est resté sous l’impression qu’il s’agit d’un nouveau parti politique en quête du pouvoir. Comme il n’a pas grande confiance dans des élections pour améliorer les conditions dont tout le monde se plaint, ni vieux ni nouveau parti ne l’intéresse. En quoi il a parfaitement raison.

Au cours d’un voyage, il a remarqué en stationnement une automobile portant un drapeau blanc, sur lequel est dessiné un livre ouvert, couleur or, avec une flamme rouge au-dessus du livre. Sur la face intérieure d’une vitre latérale, un écriteau avec ces mots en noir sur blanc: «Mort aux taxes». Cette inscription surprenante ne lui déplaît pas, car Georges Dubois, comme tous ses voisins, trouve les taxes vraiment trop nombreuses et trop élevées pour ses moyens. Tout de même, «mort aux taxes» lui semble un peu radical, surtout plus désirable que possible.

La voiture est vide. Georges Dubois, que cette rencontre a intrigué, doit donc rester sur sa curiosité. Tout au plus a-t-il entendu un passant dire à sa compagne: «Tiens, regarde, le drapeau du Crédit Social!»

Mais, plus tard, ayant appris qu’un homme de son patelin est au courant du Crédit Social, il ne manque pas de l’interroger, car Georges Dubois aime à se renseigner. Il questionne donc et écoute avec un visible intérêt:

Argent, oui; taxes, non!

Que signifie, au juste, cette déclaration de guerre que j’ai vue sur la vitre de la voiture au drapeau blanc: «Mort aux taxes». Cela veut-il dire de diminuer les taxes, parce qu’il y en a trop?

Plus que cela, monsieur. Cela veut dire ce que les mots mêmes expriment: Tuer les taxes, les supprimer.

Ce serait sûrement bien beau. Mais ne faut-il pas que le gouvernement ait de l’argent pour administrer et pour les travaux publics?

De l’argent, oui. Mais des taxes, non!

Comment accorder cela? Il me semble que pour avoir de l’argent, le gouvernement est bien obligé de taxer.

Ne dites pas cela, monsieur, car on a eu des preuves du contraire. Vous n’êtes pas encore vieux, mais vous devez quand même bien savoir que, pendant les dix années d’avant la deuxième grande guerre mondiale — les années de la grande crise — il y avait partout des chômeurs et des indigents. Le gouvernement aurait dû venir à leur secours. Il le désirait certainement, mais il ne comptait que sur des taxes pour le faire. Or, il lui était impossible de taxer des citoyens qui manquaient déjà d’argent pour leurs propres besoins. Personne n’aimait cette situation, mais à peu près tout le monde la croyait insoluble: pas d’argent, il fallait bien endurer! Cela, au Canada et dans tous les pays évolués.

Mais voici que, le 3 septembre 1939, l’Angleterre et la France déclarent l’existence d’un état de guerre contre l’Allemagne qui a envahi la Pologne. Aussitôt, le Canada entre, lui aussi, en guerre à la suite de l’Angleterre; et le gouvernement de Mackenzie King, si pauvre la veille, trouve subito tout l’argent nécessaire pour financer une guerre qui demande des millions, puis des milliards. Croyez-vous vraiment que le gouvernement trouva son argent en taxant des contribuables qui n’étaient pas taxables, faute d’argent?

Non, mais alors, où le gouvernement prit-il son argent?

Il le prit à la source, à la place où l’argent commence. Car il faut bien que l’argent commence quelque part; donc, qu’il y ait une source d’argent. Cette source, c’est la banque. Pas l’argent des déposants: à peu près personne ne pouvait plus déposer d’argent aux banques depuis des années. Mais les banques créent l’argent, quand elles consentent à créditer des montants dans le compte des gouvernements ou d’industriels qui n’en déposent pas. Des crédits nouvellement nés, faits d’un trait de plume, sur lesquels les gouvernements et les industriels peuvent tirer des chèques pour faire tous les paiements nécessaires. Vous comprendrez cela de mieux en mieux en lisant Vers Demain, ou des brochures éditées par Vers Demain sur ce sujet.

Cela m’éclaire, en effet. Je vois bien que le gouvernement a financé la guerre sans attendre des taxes. Mais, est-ce qu’il n’a pas taxé après cela pour tout ce que la guerre coûtait, pendant la guerre même ou depuis?

Il l’a fait, oui, mais pourquoi? Tout a bien commencé sans taxes, et ça marchait. La guerre se faisait. On la gagnait même. Pas avec des taxes, mais avec des soldats et des munitions. Quand même le gouvernement n’aurait jamais taxé par la suite, les hommes et les munitions avaient fait l’ouvrage.

Je ne comprends pas cela aussi bien. Peut-être était-ce une exception bonne rien que pour la guerre?

Allons donc, cela se fait régulièrement à cœur d’année. Croyez-vous que le gouvernement attend la rentrée des taxes pour bouger? Tous les jeudis, par exemple, le gouvernement d’Ottawa met en vente, aux enchères (à l’encan) des morceaux de papier appelés obligations, pour le montant de plus de 100 millions par semaine. Les banques achètent ces papiers en dessous du prix marqué afin de faire des profits en les revendant à l’échéance, généralement dans les trois mois. Pour payer ces obligations, les banques inscrivent des crédits, toujours d’un trait de plume, au compte du gouvernement. C’est avec ces crédits-là que le gouvernement administre et paie ses travaux — pas avec les taxes.

Mais les taxes qui rentrent doivent servir à racheter les obligations acquises par les banquiers!

Oui, mais l’administration et les travaux n’attendent pas ces rentrées de taxes. Ils sont payés par l’argent créé par les banques. Si les taxes étaient supprimées, les travaux se feraient d’ailleurs exactement de la même manière: avec des hommes, des machines, des choses; le tout étant financé à mesure par de l’argent nouveau, argent créé dans le système bancaire.

Vice capital du système

Mais les banques continueraient-elles à inscrire ces crédits nouveaux si elles n’étaient pas sûres de pouvoir revendre les obligations au gouvernement, contre de l’argent que le gouvernement obtient en taxant les citoyens?

C’est cela aujourd’hui, parce que les banques se considèrent comme propriétaires de l’argent qu’elles créent d’un trait de plume. Et elles considèrent le gouvernement, donc tout le peuple, endetté envers elles pour cet argent nouveau qui ne leur coûte rien et qu’elles consentent à mettre à la disposition du gouvernement, en se faisant récompenser par lui.

Mais c’est cela qui est un vice fondamental de notre système financier actuel.

Cet argent de chiffres est aussi bon que de l’argent de métal ou de papier pour payer les travailleurs, les machines et les matériaux. Également bon aussi, quand on en a, de ces chiffres légalisés, pour acheter n’importe quels produits offerts dans le pays. C’est donc un titre sur tout ce qui se fait ou peut se faire dans le pays.

Or, de quel droit les banques, institutions privées à profit, peuvent-elles ainsi s’attribuer un droit sur ce qui ne leur appartient pas, car elles ne sont nullement propriétaires des hommes, ni des choses que l’argent peut mettre en mouvement.

En accaparant, ou en s’étant fait concéder le droit de créer l’argent, les banques détiennent un pouvoir plus grand que celui du gouvernement souverain lui-même. Les banques tiennent une plume qui peut accorder ou refuser, diminuer ou conditionner, le droit de produire ou d’obtenir les produits. Le gouvernement, lui, tient une plume qui, pour pouvoir gouverner, doit signer des dettes, et ensuite taxer autant qu’il peut pour rembourser ses dettes, sans jamais réussir à le faire complètement. C’est pourquoi, plus le pays se développe, plus il est endetté envers des gens qui ne le développent pas.

Et comme l’argent ne vient ainsi qu’à l’état de dettes envers les créateurs et contrôleurs de l’argent et du crédit financier, ils tiennent entre leurs mains, comme l’a écrit Pie XI (Quadragesimo Anno), le contrôle du sang même de la vie économique, si bien que sans leur permission nul ne peut respirer. Personnes, familles, institutions, comme gouvernements, sont sous la coupe des créateurs de l’argent.

Ce que vous me dites là est frappant, renversant. Et si vous n’avez rien exagéré, je trouve que c’est là un grand désordre.

A mon sens, c’est le plus grand désordre de nos structures économiques: une source de maux sociaux injustifiés, pervertissant l’ordre politique en faisant des gouvernements des valets, d’intérêts privés (Pie XI). Je n’ai rien exagéré, et je dirai même que c’est un désordre criminel, dont ne peuvent être innocentés ceux qui le maintiennent, ou qui le soutiennent, ou qui le protègent contre les dénonciations, ou qui l’approuvent implicitement par leur silence conscient.

Ce système n’est pas seulement une cause d’injustices, il empoisonne, il affame, il tue. C’est lui qui a fait souffrir sans justification des centaines de millions d’individus, comme l’a visiblement attesté la grande crise d’avant-guerre, alors que des personnes et des familles durent, par simple manque d’argent, manquer du nécessaire devant une capacité de production qui n’avait souffert d’aucune cause naturelle.

Refuser ou restreindre le crédit pour la production de vie, et le libérer en abondance pour les œuvres de guerre, est un crime qui dépasse tous les crimes, mis ensemble, des voleurs, des incendiaires, des assassins, jetés en prison ou condamnés à mort par nos cours de justice. Comptez, en effet, si vous le pouvez, le nombre de personnes que ce système a livrées à la faim, aux maladies, à des morts précoces, jusqu’à ce qu’il jette des millions d’hommes les uns contre les autres, dans des tueries grassement financées par ces mêmes contrôleurs du crédit. Est-ce que le nombre de ces victimes n’égale pas des centaines de fois le nombre des victimes de crimes qui ont valu la prison ou l’échafaud à leurs auteurs? Et pourtant, quel contrôleur du crédit n’a jamais été arrêté? C’est, au contraire, devant ces maîtres, que les ministres qui nous gouvernent se présentent chapeau bas pour quêter la permission de répondre au moins partiellement aux besoins de la population, moyennant endettement à perpétuité.

Ainsi présentée, la situation est certainement monstrueuse. ... On a commencé par parler de taxes, mais ce que vous venez de dire mène beaucoup plus loin.

Tout cela se tient. Fruits mauvais d’un système perverti. Mais, système qu’il serait relativement aisé d’assainir sans bouleverser les mécanismes financiers existants.

On l’a dit, le crédit financier, comme n’importe quelle forme d’argent, consiste essentiellement en permis pour mettre en œuvre la production et pour distribuer les produits. Permis qui peuvent très bien, et très commodément être exprimés en simples chiffres légalisés transférables.

Mais ces permis n’ont de valeur que s’ils correspondent à une capacité de production existante. Sans cela, tout l’argent, tous les permis ne feraient rien produire et n’obtiendraient rien.

Et si la capacité de production existe, à qui revient la fonction de délivrer les permis pour la mettre en mouvement? Légitimement, seule la société peut le faire, pour plus d’une raison. D’abord, parce que c’est la vie en société qui est le grand facteur de l’abondante production de nos pays évolués. Si les hommes devaient vivre isolés les uns des autres, la somme de leurs efforts séparés ne fournirait qu’un mince filet de production. Sans la vie en société, il n’y aurait eu ni communication ni transmission des progrès réalisés par n’importe quel isolé dans ses moyens de production; pas d’outils perfectionnés, encore moins de machines; pas de division du travail. D’ailleurs, il ne saurait être question de permis, puisque chacun n’aurait accès qu’à ce qu’il ferait lui-même.

La vie en société existe. Le progrès est transmis, grossi d’une génération à l’autre. Mais quel individu, ou quelle institution privée, peut s’arroger le droit d’émettre des titres au travail ou aux produits de n’importe qui? Disposer de permis qu’on possède est tout à fait légitime; mais en créer, les émettre et conditionner leur émission ne peut bien être que fonction de la société elle-même, par un organisme attitré à cette fin et soumis à l’objectif social pour lequel il est établi. Analogue à ce qu’il en est dans l’exercice de la justice: qui songerait à en faire une fonction privée?

Tout pays civilisé possède un organisme judiciaire. Les juges sont nommés par les gouvernements, mais ils jugent indépendamment des gouvernements, d’après les lois du pays, lois qui ne sont pas faites par les juges eux-mêmes, et d’après des faits que les juges n’ont eux-mêmes ni posés, ni inventés.

Ainsi devrait être le système monétaire. Au lieu de juges, des comptables, puisqu’il s’agit d’opérations comptables. Au lieu d’infractions ou de crimes, les faits économiques de la production et de la consommation, qui sont l’œuvre, non pas de ces comptables, mais de producteurs et de consommateurs libres. Au lieu de témoignages pour déterminer la sentence du magistrat, des additions, des soustractions, des règles de trois, pour régulariser sainement la circulation du crédit financier, son entrée dans le circuit économique au rythme de la production, et son retour vers sa source au rythme de la consommation.

C’est un tel système que signifierait la mise en application des propositions financières du Crédit Social, énoncées par l’ingénieur écossais, C. H. Douglas, il y a déjà presque un siècle. Crédit «social», parce qu’il mettrait le crédit réel de la société au service de la société et de tous ses membres; au lieu du crédit bancaire, mainmise sur le crédit de la société pour dominer et conditionner la vie économique des personnes, des familles et des corps publics.

Mort à la dette publique

La libre circulation du crédit pour la production, tant publique que privée, supprimerait tout problème purement financier. Et le retour du crédit réglé d’après la consommation totale, publique et privée, permettrait de supprimer le vaste système actuel de taxation, fustigé par l’écriteau «Mort aux taxes» qui a suscité cet entretien. A remarquer, en passant, que ce serait aussi la mort à la dette publique, puisque la consommation totale ne peut pas normalement dépasser la production totale.

Vous êtes bien intéressé, je le vois. Mais vous comprendrez mieux par la lecture, à tête reposée, du résumé d’une conférence récemment donnée sur ce sujet à Sherbrooke et à Montréal. Je vais vous faire envoyer ce résumé.

Georges Dubois est rentré chez lui enchanté. Il a reçu depuis, le résumé en question.

Louis Even

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.

Panier

Dernière parution

Infolettre & Magazine

Sujets

Faire un don

Faire un don

Aller au haut
JSN Boot template designed by JoomlaShine.com