Pour des esprits hypnotisés, la monnaie saine fut trop longtemps la monnaie basée sur l’or. Le fétiche s’en va, sans autre oraison funèbre que le vrombissement des avions qui sèment la mort.
Pour des esprits réalistes, la monnaie saine est celle qui accomplit sa fonction de monnaie, qui échange les produits, qui paie le travail, qui coule comme un sang généreux et fortifiant dans le corps économique.
Pour la plupart des politiciens, aussi ignorants qu’ambitieux, aussi incompétents que fats, la monnaie saine était celle qu’ils ne comprenaient pas et ne se souciaient pas de comprendre, dont ils ne se sont jamais donné la peine de chercher l’origine, à l’étude de laquelle ils n’ont sacrifié ni une bouteille de scotch ni un banquet politique.
Mais la guerre finit par faire penser les moins méditatifs. On pouvait se contenter de prêcher la patience et le respect d’une monnaie saine lorsqu’on se sentait soi-même bien protégé contre l’insécurité qui tenaille la multitude. Mais lorsque les bombes ne font aucune distinction entre la cabane du pauvre et le palais du riche, qu’elles rassemblent dans le même abri le courtier de la City et le famélique du dole, on est moins porté à rester les mains liées par des règlements artificiels.
Dans un récent discours, M. Hepburn, premier-ministre d’Ontario, déclarait que les théories d’une monnaie saine ne doivent pas devenir un empêchement à notre plein effort de guerre : “Le Canada ne doit pas avoir peur d’envisager le problème monétaire. L’argent perdra toute sa valeur si nous perdons la guerre. Avec de l’argent de caoutchouc et un simple système de troc, Hitler a construit une machine de guerre qui lui a permis de saisir neuf capitales d’Europe.”