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Maîtrise de l'argent et du crédit

le mercredi, 15 mai 1940. Dans Crédit Social

Voix autorisée

"Ces biens doivent être assez abondants pour satisfaire aux besoins d’une honnête subsistance". (Quadragesimo Anno)

Une honnête subsistance : voilà la seule mesure équitable qui puisse donner satisfaction au peuple de notre province au milieu de l’abondance de biens utiles qui l’entoure.

Un pouvoir dictatorial empêche la distribution de l’abondance et les gouvernements se laissent lier par cette puissance antisociale et antihumaine.

"Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l’argent, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent en quelque sorte le sang à l’organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que, sans leur consentement, nul ne peut plus respirer... L’appétit du gain a fait place à une ambition effrénée de dominer. Toute la vie économique est devenue horriblement dure, implacable, cruelle". (Quadragesimo Anno)

Voilà pour les banquiers. Et voici pour les gouvernants :

"Ceux-là surtout méritent d’être condamnés pour leur inertie qui négligent de supprimer ou de changer des états de choses qui exaspèrent les esprits des masses et préparent la voie au bouleversement, à la ruine de la société". (Quadragesimo anno)

Quels sont les "états de choses qui exaspèrent les esprits des masses" ? Les créditistes réclament pour la collectivité la maîtrise (contrôle) de la monnaie et du crédit en s’appuyant sur le texte suivant :

"Il y a certaines catégories de biens pour lesquels on peut soutenir avec raison qu’ils doivent être réservés à la collectivité, lorsqu’ils en viennent à conférer une puissance économique telle qu’elle ne peut sans danger pour le bien public être laissée entre les mains des personnes privées... Des demandes et des réclamations de ce genre sont justes et n’ont rien qui s’écarte de la vérité chrétienne". (Quadragesimo Anno).

MAÎTRISE DE LA MONNAIE

La maîtrise de la monnaie et du crédit entre clairement dans ces catégories de biens, d’après les citations données ci-haut. Les demandes et les réclamations des créditistes sont donc justes à ce sujet, et n’ont "rien qui s’écarte de la vérité chrétienne".

Leur premier postulat est de remettre à l’autorité gouvernementale la maîtrise de la monnaie et du crédit au nom de la collectivité, c’est-à-dire à titre de caissier ou de gérant de la société.

Au moment où j’écris ces lignes, j’entends la radio nous apprendre que Mussolini vient d’inaugurer l’ouverture de la cinquième ville fondée dans les fameux Marais Pontins. Ces marais existaient depuis la fondation de Rome, et malgré bien des travaux accomplis à travers les siècles, nul avant Mussolini n’avait réussi à les assainir.

Grâce à la maîtrise de la monnaie et du crédit possédée par le dictateur italien, chose que les siècles antérieurs n’avaient pu obtenir, les marais sont desséchés et donnent des récoltes même supérieures à celles de notre Ouest canadien.

Les travaux extraordinaires accomplis par le gouvernement italien, et les bienfaits éclatants qui résultent de sa politique dans le domaine économique, nous donnent une idée de la prospérité que pourrait procurer le Crédit Social, les entraves de la finance inhumaine étant disparues.

TITRE DE PROPRIÉTÉ DE LA MONNAIE

Mais il y a une différence entre la politique monétaire de la dictature italienne et la maîtrise réclamée par le Crédit Social. Le gouvernement italien possède à la fois la maîtrise et le titre de propriété de la monnaie, tandis que la doctrine du Crédit Social veut la maîtrise de la monnaie pour le gouvernement, mais le titre de propriété de la monnaie et du crédit pour la collectivité.

Le titre de propriété enlevé à la banque pour le remettre au gouvernement ne ferait que changer de place la dictature. Le peuple changerait tout simplement de maître, mais resterait sous un régime de dictature. C’est cela en Italie et en Allemagne.

Il est vrai que, sous un régime démocratique, il a le plaisir stérile de changer ses maîtres de temps en temps, tandis qu’il ne peut jamais changer les directeurs de banques, les dictateurs actuels. Mais la maîtrise et la propriété de la monnaie entre les mains du même organisme est un danger de dictature absolue, surtout en temps de crise ou de guerre.

GOUVERNEMENT GÉRANT, NON PROPRIÉTAIRE

Le Crédit Social veut remettre au gouvernement le soin d’émettre et de contrôler le volume de la monnaie et du crédit, mais le gouvernement n’agirait qu’à titre de gérant ou de caissier, et la propriété de la monnaie et du crédit resterait à la collectivité. Le gouvernement ne serait jamais propriétaire pour une seule minute de la monnaie, excepté ce qu’il recevrait en taxes et perceptions approuvées par les députés.

Sous le Crédit Social, la monnaie appartient à la collectivité, et non au gouvernement, comme en Italie et sous les autres régimes totalitaires. D’un autre côté, seule la monnaie, et son dérivé, le crédit, passe sous la régie du gouvernement, ce qui distingue le Crédit Social des régimes socialistes, comme celui de la Suède.

L’encyclique Quadragesimo Anno dit de certaines catégories de biens "qu’ils doivent être réservés à la collectivité". Dans toute compagnie ordinaire, le caissier n’est jamais le propriétaire du capital roulant, ni du capital placé dans l’entreprise. Le gouvernement, n’étant que le caissier de la collectivité, n’est donc pas le vrai propriétaire de la monnaie.

C’est la collectivité qui travaille et produit ; c’est l’union du capital privé et du travail qui exécute le travail, qui verse sur les marchés les produits à vendre ou à échanger. C’est pourquoi il faut remettre à la collectivité la propriété des moyens d’échange qui représentent la valeur de ces produits.

Le bon de pain représente le travail du boulanger et la valeur des ingrédients qu’il a acquis pour faire le pain, et le bon de pain appartient au boulanger. La monnaie, qui est un bon universel, représente la valeur du travail de la collectivité et doit appartenir à la collectivité, comme le bon de pain appartient au boulanger.

LA CARDÉE DE LAINE

Nous connaissons tous ce que c’est qu’une cardée de laine. Toutes les fibres de la laine sont entassées, entremêlées, mais la masse n’a aucune force de cohésion, aucune résistance à la traction. La fileuse organise la cardée de laine en la filant : il en résulte un surplus de force et de résistance qui peut être mille fois plus élevée que celle de la cardée primitive.

Dans tous les poils de la laine, y en a-t-il un seul qui puisse dire : À moi le surplus de force, c’est moi le banquier ; c’est moi le financier, à moi tous les dividendes ? Non, tous les poils de la laine concourent à la formation du surplus résultant de l’organisation scientifique, et tous ont droit à une part égale de ce surplus.

La masse du peuple est comme la cardée de laine, ses forces s’annulent et produisent peu. L’organisation sociale, y compris l’invention de la monnaie, donne un surplus de force et de production, et le fileur, c’est-à-dire le gouvernement qui doit voir à l’organisation scientifique du bien commun, doit rendre au peuple, à la collectivité tout ce qui résulte du travail et de l’organisation de cette même collectivité.

La doctrine du Crédit Social, en faisant la distinction entre les deux entités comptables — le gouvernement et la société elle-même — reste dans le juste milieu conforme à la vérité chrétienne.

Ancien de Laval, M. D.

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