Partout, jusqu'au Japon, on parle d'ordre nouveau.
La Russie, la première, essaya un ordre nouveau. Dès 1917. Personne ne veut de cet ordre-là.
Mussolini est venu avec son ordre nouveau pour l'Italie ; Hitler, pour l'Allemagne. Franco essaie de bâtir quelque chose sur la démolition du vieil ordre ou désordre espagnol. Pétain déblaie et pose des bases nouvelles. Partout, ça prend un air de dictature dont le degré seul varie. Nous n'aimons pas la dictature et nous n'en voulons pas au Canada.
En Angleterre, Churchill déclare que le monde d'après-guerre sera quelque chose de différent. Notre gouverneur-général, Lord Athlone, ne manque aucune occasion de nous dire que le monde d'après-guerre ne sera pas le monde que nous avons connu.
Fort bien, tout cela. Mais qu'aurons-nous ? Que sera ce monde nouveau ?
La question est souvent posée à Londres : Quels sont les buts de guerre du gouvernement ? On répond : Battez-vous d'abord, gagnez la guerre. On vous dira ensuite pourquoi vous vous êtes battus.
Il est inutile de questionner Ottawa : on n'y invente rien, regardez Londres, la réponse est là ou nulle part.
Quel monde aurons-nous après la guerre ? Nous croyons pouvoir répondre sans nous tromper : Nous aurons le monde que préparent ceux qui s'en occupent. Ceux qui attendent passivement devront accepter ce que leur donneront ceux qui s'agitent et façonnent.
Qui s'agite ? Les communistes, oui. Qui encore ? Les amateurs de dictatures, oui. Qui encore ? Les centralisateurs, oui et en grand.
La précipitation qu'on semble vouloir mettre, à l'occasion de l'état de guerre, à adopter le rapport de la Commission Rowell-Sirois, joue dans cette direction. À quoi cela se résume-t-il, le rapport Sirois ? À ceci : Mademoiselle Province, tu es pauvre et sans le sou, je vais prendre soin de toi, mais tu tombes sous ma tutelle, ne fais plus la grande.
Sur une plus vaste échelle, les fédéralistes, dont nous parlons en page 4 du présent numéro, s'agitent eux aussi pour un super-état universel. Il y a bien la concurrence d'Hitler, et il est fort possible que la première étape soit un monde divisé en quatre grands secteurs : le secteur Moscou, le secteur Berlin-Rome, le secteur Tokio-Asie et le secteur Washington-Londres. Nous ? Noyés !
Le Crédit Social veut replacer la personne humaine sur son autel, mettre les institutions au service de la personne. La tendance centralisatrice est dans le sens inverse. Et la tendance centralisatrice a pour elle l'appui de la finance et l'appui des hommes que la finance a laissés prendre les rênes du pouvoir dans les pays influents.
De Churchill, John Mitchell écrivait le 26 octobre :
"Le but avoué de Churchill est d'affaiblir la souveraineté de l'individu et de la nation, et de centraliser le pouvoir dans un gouvernement mondial."
Par ailleurs, le "Newcastle Journal and North Mail" du 19 août 1940, nous apprend ceci :
"M. Churchill est président d'une société appelée The New Commonwealth, qui préconise une fédération de l'Europe comme premier pas vers une fédération mondiale. On rapporte que MM. Eden, Duff Cooper, Amery, Atlee, Bevin, Archibald Sinclair, Alexander, Harold Nicholson, Hugh Dalton, R. Law et d'autres sont sympathiques au mouvement."
Et vous trouvez encore des gens qui vous disent que la guerre n'est pas le temps de chercher des réformes. Non, attendons que les centralisateurs nous aient bien enchaînés : on nous invitera à danser après cela !