Sûrement que vous êtes de ceux qui pestez contre les taxes. C'est l'impôt sur le revenu qui vous torture, ce sont les taxes sur votre maison ou bien la taxe de vente au comptoir du marchand ou du manufacturier.
On ne connaît personne qui réclame des taxes pour lui-même. Même pas les fabricants de taxes, les députés. Quand ils se votent des augmentations de salaires, ils ont bien soin d'y ajouter la clause "exempt de taxe". Voyez ça ! Ceux qui ne semblent avoir été créés et mis au monde que pour voter des taxes sont ceux-là mêmes qui se hâtent de s'en dispenser. À part d'être une injustice, cette façon d'agir, de la part des députés, est une grande preuve que les taxes sont réprouvées par tous, qu'elles ne font de bien à personne, qu'elles font du mal, et que chacun s'en aperçoit, au moins quand il est lui-même touché.
Mais alors, si nous cherchions un moyen de faire disparaître les taxes ! Qu'est-ce que vous en pensez ? Et si nous trouvions ce moyen, ne seriez-vous pas tous d'accord avec nous pour l'essayer, ce moyen de faire disparaître les taxes, même vous, messieurs les députés, ne seriez-vous pas d'accord avec nous ?
"Mais, il en faut bien des taxes !" nous répond-on. Écoutez-bien, je dis que si, par extraordinaire, nous trouvions un moyen de nous débarrasser des taxes, je vous demande si vous auriez l'obligeance de nous aider à mettre ce moyen à l'essai. Alors, il ne faut plus dire : "Il en faut des taxes" puisque l'hypothèse, pour ceux qui savent ce que c'est que la dialectique, c'est justement qu'on aurait trouvé un moyen de pouvoir s'en passer.
Donc, nous sommes d'accord pour chercher un moyen de faire disparaître les taxes. Entendu ? À l'unanimité ?
Eh bien ! ce moyen de faire disparaître les taxes, il est déjà tout découvert, c'est le Crédit Social. En 1917, il y a 75 ans, le Major C. H. Douglas, un ingénieur écossais, au service du gouvernement anglais, écrivait ses premiers livres, dans lesquels on trouve un moyen de débarrasser les pays du fardeau des taxes.
Et surtout ne dites pas que vous n'avez pas confiance dans le Crédit Social, puisque vous venez de promettre de faire loyalement l'essai d'un moyen offert pour se dispenser des taxes. D'ailleurs, si vous vous donnez la peine d'étudier le Crédit Social, vous verrez que la confiance viendra à mesure que la lumière se fera dans votre esprit. Le Crédit Social n'est pas une vérité de foi, c'est une vérité de raison qu'on peut comprendre, à la condition première de bien vouloir le comprendre. La porte de l'intelligence, c'est la volonté. Celui qui ne veut pas comprendre ne comprend jamais. "Il n'y a pas de pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre", dit un proverbe qui s'applique très bien dans le cas qui nous occupe.
Le progrès et les taxes ne vont pas ensemble. Les taxes sont le signe de l'endettement, la marque d'un déficit. Et le progrès, c'est justement le contraire du déficit, c'est un surplus, c'est un enrichissement.
Or, notre époque est témoin d'un progrès jamais connu par l'humanité passée. Et en même temps, jamais dans le passé les taxes des pays civilisés ne furent aussi fortes. Et à mesure que le progrès augmente, les taxes augmentent aussi. Et les taxes montent justement en raison directe de la montée du progrès. Voilà la contradiction. Voilà le non-sens des taxes de notre époque.
Progrès devrait vouloir dire dividende. Progrès du Canada devrait vouloir dire "dividende pour les Canadiens". Eh bien, c'est tout le contraire que l'on constate : dans le système, progrès veut dire "taxes pour les Canadiens".
Est-ce vraiment le Canada qui est en progrès ? Oui, bien sûr. Mais pourquoi donc, alors, les Canadiens ne reçoivent-ils pas chacun leur dividende social sur ce progrès du Canada, dont les Canadiens sont les propriétaires ? Il y a les capitalistes qui reçoivent leur dividende sur l'enrichissement de leurs entreprises. Mais les Canadiens étant tous des propriétaires du Canada sont aussi tous capitalistes de l'entreprise immense qu'est le Canada, sans nuire pour cela aux entreprises privées. Or, l'entreprise immense qu'est le Canada, elle est en progrès. Il y a des dividendes-choses qui devraient revenir aux Canadiens. Mais, au lieu de recevoir un dividende-piastre pour acheter les dividendes-choses, les Canadiens reçoivent un compte de taxes. C'est un non-sens.
Si les taxes sont un non-sens, elles devraient disparaître. Mais comment disparaître ? Le Crédit Social vous le dit, le comment faire disparaître les taxes.
Que les taxes soient changées en dividendes, puisque le Canada est en progrès ; et que ce dividende soit distribué à chaque Canadien, puisque chaque Canadien est propriétaire du Canada pour sa part.
Et parce qu'elles sont un non-sens, les taxes sont un malheur pour nous, elles nous font du mal. Si les taxes ne nous enlevaient que l'argent en trop dans nos porte-monnaie, elles nous soulageraient. Car l'argent en trop c'est comme un abcès, il faut le crever pour retrouver la santé. Mais qui donc peut dire aujourd'hui qu'il a trop d'argent en présence des produits offerts et de ses besoins ? Nous avons encore des besoins même essentiels à satisfaire ; le marché nous offre généreusement tous les produits pour satisfaire ces besoins, et nous manquons d'argent dans nos porte-monnaie. Pourtant les taxes viennent nous enlever de cet argent déjà trop rare. Voilà pourquoi les taxes nous font du mal. Elles sont mauvaises. Le vrai sens d'une taxe serait de nous enlever ce dont nous avons trop, et non pas de nous priver. La signification d'une taxe, c'est d'équilibrer le pouvoir d'achat du pays, en soustrayant l'excédent d'argent pour équivaloir avec les prix des produits. Pas autre chose. Aujourd'hui, les taxes sont loin d'être cela. Les taxes nous enlèvent de l'argent dont nous aurions encore besoin pour des produits que le pays peut encore nous fournir.
Et que dire des enquêtes et des persécutions qui sont le cortège inévitable des taxes ? C'est la peste vraiment. Les rapports d'impôts, les poursuites toujours possibles du gouvernement, les dénonciations de jaloux, les persécutions de patronneux politiques, les enquêtes, la police, les saisies, la prison, toutes choses qui entrent dans les perspectives du pauvre taxé, qui peut être traqué comme un criminel et pendu comme un meurtrier. L'honnête citoyen du pays devient ipso facto un taxé, c'est-à-dire un suspect pour l'État. On le voit bien quand on reçoit la visite des inspecteurs de l'impôt qui rentrent chez nous comme des gendarmes, nous soupçonnent ouvertement de vol et nous accusent sans procès. Les fonctionnaires du gouvernement peuvent insulter les propriétaires du pays, qui ont hérité du sol défriché par leurs pères ; les fonctionnaires peuvent pénétrer sans mandat dans les maisons ; tout leur est permis, car ils représentent les voleurs du système financier. On dirait que les gouvernements d'aujourd'hui ont été inventés pour protéger les voleurs contre les propriétaires, au lieu que le rôle d'un gouvernement est sans doute, logiquement, de protéger les propriétaires contre les voleurs.
Et quand des familles sont jetées dans la rue après une saisie de leur maison pour les taxes, quelle ignominie inqualifiable ! Le foyer est taxé par l'État dévoreur, les berceaux sont punis par les représentants des pères de famille : n'est-ce pas vraiment trop fort et digne de la plus haute barbarie ? Les petits oiseaux les plus faibles, qui prennent tant de soin de leur nid, trouveraient dans leur instinct les moyens d'échapper au tyran de la taxe qui viendrait leur réclamer un morceau de leur nid chaque année. Et les hommes intelligents ne seraient pas capables de se défendre contre l'usurpateur qui hypotèque injustement la maison familiale et fait valoir ses droits ignobles pour arracher sa rente annuelle sur la propriété légitime du père de famille ! Les pères de familles, propriétaires de droit, sont devenus locataires de fait, malgré l'héritage reçu de leurs ancêtres et le travail des générations successives. Et l'on voudrait que cet état de chose soit dans l'ordre !
Allons ! Les taxes sont un non-sens, elles sont un malheur, elles sont un vol. Pour toutes ces raisons et bien d'autres, elles devraient disparaître, et sans délai !
Ceux qui croient qu'encore aujourd'hui tout l'argent de nos taxes sert pour les diverses administrations publiques entretiennent une grande erreur.
Une grosse tranche de nos taxes va aux financiers, pour payer les intérêts sur les emprunts et les remboursements de capital. Croyez-vous que les millions annuels, que les propriétaires et autres de la cité de Montréal versent à leur hôtel-de-ville, sont tous utilisés pour payer les pompiers, la police, le service d'eau et l'enlèvement des vidanges ? Les financiers en dévorent une grosse part en intérêts et en remboursements et en finance d'emprunts, etc !
Voilà ce que le Crédit Social ferait disparaître, les emprunts, les intérêts sur emprunts, les remboursements de capital à des exploiteurs du crédit de la nation. C'est la Banque du Canada qui avancerait le crédit pour les développements municipaux, les développements scolaires, les constructions d'hôpitaux, tous les projets des corps publics répondant à des besoins : crédits nouveaux pour constructions nouvelles !
Ah ! là, alors, le progrès ne serait plus un malheur, mais une bénédiction puisque, à mesure que le pays s'enrichirait de vraies richesses, la finance viendrait dans le pays au même rythme, et une finance libre d'endettement comme il se doit.
Les taxes sont la honte de notre époque. Et le Crédit Social les ferait disparaître.
Gilberte Côté-Mercier
En justice, le gouvernement fédéral devrait rembourser aux Canadiens l'argent qui leur a été enlevé injustement et illégalement en impôts depuis 1913. Ça c'est une dette vraiment due.
Rolland Tessier