Quand les corps publics – que ce soit les commissions scolaires, les municipalités, les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral – établissent leur budget annuel, il y a un article de ce budget qui s’appelle «service de la dette publique». Cet article-là n’est jamais discuté: le seul fait de présenter les chiffres de la dette, les chiffres du service de la dette – ce qui veut dire les intérêts à payer, et les remboursements annuels quand ils peuvent sur le capital – ces chiffres-là sont approuvés sans discussion. Curieux, puisque le Canada est un pays qui s’enrichit continuellement. Je parle ici des vraies richesses du pays.
Comparez le Canada d’aujourd’hui avec ce qu’il était il y a cinquante ans, cent ans, ou bien du temps des pionniers il y a plus de 300 ans. Au commencement, qu’y avait-il au Canada? Des forêts, des bêtes dans les forêts, des «Indiens» (autochtones) qui se cachaient, des Blancs (Européens) qui venaient pour essayer de faire quelque chose, qui étaient obligés de travailler dur et de se défendre. On ne pouvait pas produire beaucoup de richesses dans ce temps-là comme aujourd’hui! Depuis, le Canada s’est développé, avec des champs, des fermes, des routes, des églises, des écoles, des hôpitaux. Le Canada actuel est immensément plus riche qu’il y a 50 ans, 100 ans, 300 ans.
Pourtant, comparez la dette publique du Canada d’aujourd’hui avec le Canada de ce temps-là, d’il y a 50 ans, 100 ans, 300 ans. La dette publique – la somme des dettes municipales, provinciales, fédérale, sans compter les dettes scolaires, les dettes de fabriques et d’autres. Vous remarquerez qu’on est beaucoup plus riche, beaucoup plus développé et beaucoup plus endetté. Comment expliquer cela?
Qui a développé la richesse du pays? À qui sont dues ces routes, ces écoles, ces hôpitaux, ces chemins de fer, ces églises, ces fermes, ces usines, tout ce développement; qui est-ce qui a monté tout ça? C’est la population du pays, évidemment, ça ne s’est pas monté tout seul.
C’est la population du pays qui fait tous ces développements, toutes ces richesses, et c’est elle qui est endettée pour toutes ces choses-là? Elle est endettée et est obligée de payer pour les choses qu’elle a faites elle-même? Et obligée de payer à qui? Pas à ceux qui ont fait ces richesses; ceux qui ont fabriqué les choses, qui ont travaillé, ont été payés par un salaire, et avec ce salaire, ils ont acheté les produits qui ont été faits par d’autres.
Par exemple, si on a pu construire une école, les constructeurs de l’école ont dû se nourrir, s’habiller. S’ils ont pu le faire, c’est parce qu’il y avait d’autres personnes dans le pays qui produisaient de la nourriture ou des habits. Ça veut dire que c’est la population dans son ensemble qui a produit ces choses durables qui ont été faites, et qui existent encore aujourd’hui. C’est donc le fruit du travail de la population, ajouté aux ressources naturelles qui appartiennent aussi à la population.
Comment expliquer que la population est endettée pour les choses qu’elle a produite elle-même? Et non seulement on fait payer la population pour ce qu’elle a produit elle-même, on la fait payer plus que le prix que ça a coûté.
Par exemple, vous empruntez pour bâtir une école: c’est la population du pays qui fait tout ce qu’il faut pour bâtir l’école, pour nourrir les ouvriers, etc. L’école a peut-être coûté 300 000 dollars, vous allez prendre vingt ans pour rembourser ça, vous allez rembourser une fois et demie, deux fois, et même davantage si on prend plus de temps. Pourtant, on ne devrait payer que ce que l’on consomme: vous achetez un pain, vous le mangez seulement qu’une fois. Si on vous le fait payer trois fois, vous direz avec raison: «C’est absurde! Je ne peux pas consommer mon pain trois fois, je vais le payer seulement qu’une fois.»
Très bien. Mais pour ce qui est des écoles, on ne les consomme (use) même pas toutes, et on les a déjà payé deux fois, et quelquefois trois fois. Le maire de la ville de Kénogami (dans la région du Saguenay) nous disait un jour: «Notre aqueduc municipal, on l’a déjà payé trois fois et demie et puis on le doit encore.» «Votre aqueduc est-il encore debout?» «Certainement!» «Vous ne l’avez même pas consommé une fois et vous l’avez payé trois fois et demie? C’est absurde!» Le maire comprenait très bien cela, c’est absurde en effet.
Pourquoi est-ce ainsi? C’est à cause d’un système financier absurde, un système financier voleur. Il a commencé par voler le crédit de la société. Qu’est-ce que le crédit de la société? C’est ce qui fait la confiance au pays, à la population qui l’habite. Le crédit, c’est la base de l’argent. L’argent ne servirait à rien s’il n’y avait pas de produits dans le pays. Et ça ne servirait à faire de l’argent s’il n’y avait pas une population pour exploiter les ressources naturelles, pour faire des produits.
L’argent est basé sur la capacité de produire de la population. Cette capacité de produire appartient à la population. Il existe bien sûr le crédit personnel d’un ouvrier, le crédit personnel d’un autre, mais s’ils travaillaient isolément, sans rapport les uns avec les autres, chacun devant faire tout par lui-même, il y aurait beaucoup moins de production. Le «beaucoup plus» de production (le fait qu’on bénéficie de la division du travail, des ressources naturelles et des inventions transmises par les générations précédentes), c’est ça qui est le crédit de la société. C’est le crédit social.
Or les financiers, et plus particulièrement les banquiers, ont pris, pour ainsi dire, la propriété de ce crédit social, qu’ils transforment eux-mêmes en argent. Ce n’est même pas le gouvernement qui change ce crédit de la société en argent. Ce n’est pas nous, ce n’est pas la population ni nos représentants, ce sont les banquiers seuls qui ont le pouvoir légal – parce qu’on leur a donné ce droit-là – de changer le crédit de la société en argent.
Et quand ils l’ont changé, ils prêtent cet argent-là. À qui le prêtent-ils? Aux propriétaires de ce crédit social: ils le prêtent aux producteurs pour produire, ils le prêtent à la population pour faire des choses. Et après nous l’avoir prêté, ils nous disent: «Vous nous rembourserez. Et vous me paierez de l’intérêt pour avoir volé votre crédit et vous l’avoir prêté.»
Peut-on imaginer quelque chose de plus absurde? Et le résultat de tout cela, c’est que la production et les producteurs sont à la merci de ceux qui prêtent le crédit de la société. Ils sont à leur merci. Les financiers, les banquiers qui vont prêter de l’argent peuvent refuser de le prêter, ou mettre des conditions impossibles. Ils mettent l’intérêt, le terme qu’ils veulent pour se faire rembourser. Si on n’accepte pas leurs conditions, on est obligés de se passer de l’argent, de se passer du crédit qui nous appartient (notre propre capacité de production). Et si on accepte leurs conditions, on s’endette. On s’endette pour toute la production qu’on va faire, et au-delà. Et à cause de cela, la production est souvent paralysée, ralentie, et on n’est pas les propriétaires clairs de ce qu’on produit.
Voilà du côté de la production. À part de cela, comment faire pour se procurer les produits qu’on a faits? Il y a des produits qui sont à vendre, ce sont les biens de consommation. Les écoles ne sont pas à vendre, elles sont à utiliser; ce sont les biens de capital.
Les biens de consommation, on les retrouve dans les magasins, mais on en a besoin dans nos maisons. Que faut-il faire pour les obtenir? Il faut les payer. Avec quoi? Avec de l’argent. Et d’où vient cet argent, où est-il né? Il est né, venu au monde dans les banques.
Comment cet argent nous est-il parvenu? Par les salaires, par les dividendes industriels, par les octrois qui viennent des taxes, par les salaires qui viennent de l’argent que les producteurs ont emprunté précisément des exploiteurs du crédit social.
De plus, l’argent qui nous vient par les salaires ou autrement n’est jamais égal aux prix. Parce que dans le prix, il y a d’autre chose (que le salaire versé aux employés), il y a des charges financières, il y a justement l’intérêt qu’il faut rembourser au banquier. Il y a des paiements qui doivent être faits avant même que le produit vienne sur le marché. Et il y a des taxes qu’il faut donner au gouvernement pour le service de la dette publique. Il y a des réserves que les producteurs sont obligés de faire pour remplacer les biens et les machines quand ils vont être usés.
Toutes ces dépenses sont incluses dans le prix de vente, mais ne sont pas distribuées dans le salaire versé aux employés. On n’est donc pas capable de payer tous ces prix, et le système financier, devant notre incapacité de payer, nous laisse dans la dèche. On reste avec des besoins insatisfaits en face d’une production abondante qui est faite, et en face de la production éminemment plus abondante qui pourrait être faite si on n’y mettait pas l’obstacle financier.
Quand vous avez 500 000 chômeurs dans un pays, ça représente au moins une production de deux milliards de dollars de richesses qui ne sont pas faites. C’est de la production pas faite dans l’année, pourquoi? Parce qu’on a laissé des chômeurs chômer, parce qu’on n’avait pas d’argent pour acheter la production qui était faite. La population dans son ensemble n’est pas capable de payer la production qu’elle fait pour les biens de consommation, pas plus qu’elle est capable de payer pour la production des biens de capital (routes, écoles, etc.) qu’on lui fait payer deux fois, trois fois, alors qu’elle a fait ces biens de capital elle-même.
Personne ne peut nier que c’est une absurdité. C’est le vol le plus manifeste, le plus gigantesque qui ait jamais été inventé, la plus grosse escroquerie de tous les temps.
On emprisonne des petits voleurs qui ne volent pas le millionième de cela. Qu’ils aient volé 100 dollars, 1000 dollars, ce n’est rien en face des financiers qui nous volent par milliards tous les ans. Et on laisse faire ça.
Nous vivons tous dans l’insécurité. On n’est pas sûrs d’avoir notre pain aujourd’hui, et on n’est pas sûrs de l’avoir demain, alors que le soleil brillera encore demain, que la pluie tombera encore, que le sol produira encore, que les cultivateurs ne demanderont pas mieux que de remplir nos étagères, que les industriels ne demanderont pas mieux que de travailler, que les chômeurs ne demanderont pas mieux que d’aider à faire plus de production. Nous vivons dans un système absurde, un système de voleurs, un système qui nous fait nous manger les uns les autres, un système qui met l’insécurité et l’anxiété dans tous les foyers, qui fait que nous sommes pris par des soucis matériels constants, alors qu’on devrait être débarrassés des soucis matériels en face de tant de richesses.
La dictature de l’argent a corrompu toute la vie économique. Elle a engendré une économie de loups. Elle a vicié la fin de toutes les activités économiques, les ordonnant à la poursuite de l’argent. Elle a développé le culte de l’argent. Elle est satanique.
Il est vain de prétendre venir à bout d’une telle force et d’une telle hérésie par des luttes électorales. Pas même par d’autres moyens exclusivement humains. Il faut savoir demander l’aide du Ciel. Puis, du côté des hommes, remplacer le culte de l’argent par le culte du service, la division par l’union, l’égoïsme par le dévouement.
C’est ce que s’appliquent à pratiquer et à faire pratiquer les apôtres formés à l’école de Vers Demain, les Pèlerins de saint Michel, jour après jour, pas après pas, présentant partout un message qui renseigne, qui invite à la responsabilité personnelle, qui concerte et oriente l’action vers des buts communs à tous.