Comme préambule de son livre, "The Monopoly of Credit" (Le Monopole du Crédit), le Major C.-H. Douglas, pose quelques questions, et il compte que la lecture de son ouvrage suggérera les réponses :
"Comment est-il possible pour un monde qui souffre de surproduction d'être dans la détresse économique ?
"Pourquoi nous demande-t-on d'économiser quand nous produisons trop de biens ?
"Comment peut-il y avoir côte à côte un problème de pauvreté en même temps qu'un problème de surplus de main-d'œuvre (chômage), et en même temps qu'une industrie agricole et manufacturière qui sollicite en vain des commandes ?
"Si notre système monétaire fonctionne bien, pourquoi donc faut-il qu'on soit obligé de nous dire de lui faire confiance ?"
C'est justement parce que le système monétaire est vicié que toutes ces questions se posent. Le livre de Douglas le démontre.
Comment faire confiance au système d'argent, quand on voit les produits abondants devant les besoins, mais l'argent, et l'argent seul, manquant pour faire les biens aller aux besoins ?
Demandez d'économiser de l'argent quand on en manque, et pour cela se priver de produits dont l'abondance non écoulée produit un chômage sans revenu, porte sûrement à douter de la sagesse du conseil. Puis, s'il faut économiser aujourd'hui pour acheter de quoi se nourrir dans vingt ans, on peut se demander si l'argent a le moindre rapport avec les réalités. Dans vingt ans, on se nourrira des produits alimentaires de ce temps-là, dont l'abondance ne fait de doute pour personne, et non pas des produits alimentaires d'aujourd'hui qu'il faudrait laisser pourrir ou détruire en s'en privant pour économiser de l'argent.
Le système n'en est pas à une contradiction près. Il n'engendre que des contradictions, dans la mesure même où il contredit les réalités, et parce que la finance dicte et domine au lieu d'obéir et de servir.
Tous les gouvernements aujourd'hui poursuivent, sans la réaliser, une politique d'embauchage intégral. Employer toute la main-d'œuvre disponible ; s'arracher les cheveux si l'on ne réussit pas.
À ce compte-là, s'il faut réellement s'arracher les cheveux faute de réussir l'embauchage intégral, il n'y aura bientôt que des chauves dans les gouvernements.
En effet, dans tous les pays évolués ou en évolution, on s'applique à perfectionner les techniques de production, à produire plus en moins de temps, à inventer et installer des machines qui produiront mieux et plus vite que les hommes qu'elles remplacent.
Ce fut d'abord la mécanisation. Puis la motorisation. Puis l'automation et enfin l'informatique.
Le progrès partout — le progrès qui désembauche. Et partout, en même temps, la réclamation de l'embauchage, de l'embauchage intégral. Politique de l'embauchage, politique des gouvernements et politique des syndicats, en contradiction directe avec le progrès !
Contradiction indéniable. Contradiction inévitable aussi, parce que le système d'argent, lui, n'est pas en progrès. Il ne finance que l'emploi, alors que le progrès tend à libérer de l'emploi.
L'embauchage, l'embauchage intégral à l'année longue. Supprimez ce qu'au Canada on appelle le chômage saisonnier, la diminution d'activités due à l'hiver.
On s'en accommodait bien autrefois, de ce chômage d'hiver. On s'en accommodait alors qu'on n'avait pas toutes les machines d'aujourd'hui pour aider les hommes dans la production. Avec les machines au secours de l'homme, on ne veut plus que les hommes se reposent dans cette saison où ils se reposaient bien autrefois.
L'embauchage intégral comprend l'embauchage même des filles, même des femmes mariées. Les hommes sans nos machines et nos moteurs faisaient autrefois vivre leur femmes et leurs filles à la maison. Aujourd'hui, les hommes, plus les machines, plus les moteurs, plus les ordinateurs, tous ensemble, ne peuvent plus faire vivre les femmes et les filles au foyer ?
Embauchage intégral ! S'évertuer à trouver de quoi employer l'homme que le progrès libère. Contradiction, poussant à une production cancéreuse, financée par des taxes qui empêchent de se procurer la production utile répondant aux besoins humains des familles.
Au risque de faire japper tous les syndicats, signalons cette autre contradiction : hausses de salaires en même temps que diminution des jours et des heures d'ouvrage.
Le salaire est supposé être la récompense du travail. Couper le travail d'un tiers ou de moitié devrait couper le salaire d'un tiers ou de moitié. Réclamer plus de salaire avec moins de travail, ce n'est plus réclamer la récompense du travail. C'est réclamer de l'argent non lié au travail.
Disons tout de suite, à la décharge des syndicats et des syndiqués, que cette contradiction est, elle aussi, le fait du système d'argent. Les hausses de salaires ne sont pas demandées à cause du surplus de travail, puisqu'au contraire elles sont souvent accompagnées d'une demande de semaine plus courte. Ces hausses sont réclamées à cause de la hausse des prix des produits, que les salaires ne peuvent pas rencontrer.
La contradiction demeure. La hausse de salaires engendre elle-même de nouvelles hausses de prix qui appelleront encore d'autres exigences des salariés. La spirale ! La spirale est le fruit de la contradiction.
La production est faite pour les consommateurs. Ils ne peuvent jamais en rencontrer le prix par l'argent distribué en salaires seulement. Et c'est pourquoi il faut y ajouter d'autre argent, même si les heures de travail sont plus courtes. Cet autre argent, non lié au travail, ne devrait pas être un salaire, mais un dividende sur une production née du progrès. plus que du travail.
Comme quoi, malgré lui, le système force à chercher ce que le Crédit Social propose depuis quatre-vingt-trois ans : Un revenu dissocié du travail. Mais, parce qu'il est dissocié du travail, parce qu'il est le fruit du progrès, ce supplément devrait aller à tous, salariés et non salariés.
Dissocié du travail en même temps que l'emploi et exprimé en dividende social, ce supplément ne serait plus à la charge de l'industrie. Il serait distribué par un système monétaire en rapport avec les réalités, donc en rapport avec le progrès. On ne connaîtrait donc plus la spirale prix-salaire-prix, qui ruine la valeur de l'épargne, multiplie les cas de privations, forçant l'État à une pyramide de taxes pour essayer de corriger gauchement, par la fiscalité, une répartition mal faite à l'origine, faute de reconnaître le droit de tous aux fruits du progrès.
Si, depuis que le Crédit Social fut montré au monde par Douglas, il y a quatre-vingt-trois ans, on avait inauguré un régime de dividende à tous à mesure de la production issue du progrès plus que du travail, ni les salaires ni les prix ne seraient ce qu'ils sont aujourd'hui ; mais toute la production possible répondant aux besoins auraient été faite et distribuée, en se répartissant sur tous, sans supprimer la récompense adéquate au travail.
L'économie et la politique aussi, en seraient toutes différentes. Le système ne serait plus barbare, mais humain. Les casse-tête des administrations seraient disparus aussi vite que disparaissent les difficultés physiques de répondre aux besoins publics comme aux besoins privés. Le souci des marchés étrangers et de la surproduction domestique serait inconnu ; il serait remplacé par la joie de distribuer aux pays plus pauvres la surproduction réelle des pays plus riches, une fois les besoins domestiques de ceux-ci satisfaits. Et que d'autres choses encore !
Taxes et chômage - que les deux puissent exister en même temps constitue encore une criante contradiction.
Mais ne faut-il pas taxer, entre autres pour secourir les chômeurs ? Dans le système, c'est à cela qu'on est réduit, justement parce que le système engendre des contradictions.
Le chômage signifie que la production est faite, ou que, pour alimenter les marchés, elle n'a pas besoin des bras non utilisés. Le chômage exprime ainsi une richesse excédentaire.
Or, les taxes empêchent les taxés de se procurer autant de produits que si les taxes n'existaient pas. Production excédentaire, distribution restreinte : contradiction !
Le chômage cause la détresse dans la famille du chômeur, parce que, dans le système, il n'a plus la source de revenu que lui procurait son emploi. Ce chômage-là, on le déplore avec raison.
Pour diminuer le chômage, il faudrait activer l'écoulement de la production. Or les taxes ralentissent l'écoulement de la production en diminuant le pouvoir d'achat de ceux qui les paient.
Contradiction.
Au lieu des taxes, il faudrait le contraire. Augmenter le pouvoir d'achat en y ajoutant la distribution de dividendes. Mais ce serait du Crédit Social. Ce serait casser la domination de la finance sur les hommes, et l'on préfère rester dans la contradiction.
Quand on construit des routes, des ponts, des chemins de fer ; quand on creuse des canaux ; quand on bâtit des écoles, des églises, des universités, des laboratoires, des hôpitaux, on enrichit certainement le pays. Pourtant, à mesure que cela se fait, on augmente les dettes publiques des gouvernements, des Commissions scolaires, des fabriques paroissiales, des universités, etc.
Ces enrichissements sont faits des ressources naturelles du pays et du travail de sa population. Tous ne sont pas sur les chantiers de construction, et c'est heureux : les autres produisent des choses dont vivent ceux qui construisent.
Sauf ce qui serait fait par l'étranger, la population, dans son ensemble, est donc l'auteur de cet enrichissement. Or, une fois ces constructions finies, on les fait payer, et au-delà du prix, par des taxes prélevées sur cette même population. La population est globalement endettée pour ce qu'elle a globalement produit.
Enrichissement exprimé en endettement : contradiction ! Et endettement de la population même qui a produit l'enrichissement : vol de grande classe accouplé à la contradiction !
On pourrait allonger la liste des contradictions nées du système, en exposer les bêtises et les maux qui en résultent.
Or, tout cela serait corrigé si facilement par la simple instauration d'un système financier en accord avec les réalités. Réalités choses qui crèvent les yeux. Réalités besoins humains, sur lesquels, hélas ! les responsables ferment les yeux, peut-être pour ne pas avoir à s'excuser soit de stupidité soit de trahison de leur mandat.
La production moderne et les moyens physiques de la distribuer ne posent aucun problème. Pourquoi l'argent en pose-t-il un partout et constamment ?
Le Crédit Social éliminerait définitivement ce problème, en faisant de la finance le reflet fidèle et constant des réalités. Ainsi serait supprimé l'entrave purement financière entre la production, faite et possible, qui s'offre et les besoins, publics et privés, qui la réclament.
Pourquoi refuse-t-on le Crédit Social ? Pourquoi lui préfère-t-on la continuation d'un système financier faux, frauduleux, dictateur de la production, obstructeur de la distribution, auteur de souffrances imméritées, source de maux dont la gravité et l'étendue sont incommensurables ?