Le conférencier-causeur qui tient sa petite assemblée, qui conduit la veillée créditiste hebdomadaire, dans une humble maison, avec un auditoire qui se compte peut-être sur les dix doigts de la main, se demande sans doute parfois si c'est avec cela qu'il va bâtir la force qui donnera le Crédit Social à la Nouvelle-France.
Que cet obscur héros se rassure. Ils sont d'autres, beaucoup d'autres, qui font comme lui chaque semaine. Et, pourvu que tous et chacun tiennent, le résultat est immanquable.
Ces veillées créditistes, formule choisie pour l'année 1943, s'avèrent fructueuses. Partout où elles sont lancées, un réveil, une consolidation se manifestent.
Les fruits des veillées créditistes sont divers. Il ne faut pas en juger rien que par les résultats en abonnements et en association. Ces résultats ont certainement de l'importance. Derrière chaque dollar d'abonnement, il y a un lecteur, plusieurs lecteurs, toute une famille lectrice, pour toute une année. Derrière chaque $5.00 de souscription à l'Association Créditiste, il y a une adhésion convaincue, une personne qui a confiance dans le Crédit Social, qui le veut et le veut jusqu'à faire un sacrifice pour l'obtenir.
Mais il y a d'autres résultats qui ne se mesurent pas en chiffres. Derrière chaque veillée créditiste, il y a des efforts déployés par des hommes qui ont bougé. Il y a des Voltigeurs qui, malgré les fatigues de la journée pour gagner deux fois leur pain, se sont déplacés, ont fait des invitations, beaucoup d'invitations, plusieurs fois le nombre de répondants ; qui se sont ingéniés pour rendre leur invitation effective ; qui ont réfléchi, qui ont pris de l'expérience — qui se sont formés.
Chaque veillée signifie aussi un conférencier-causeur : un homme qui a médité son sujet, qui a tourné l'argumentation dans son esprit avant de rencontrer son public ; qui l'a fait pour la dixième, la centième fois petit-être, mais toujours avec une nouvelle application. Cet exercice ne peut pas rester stérile. Le conférencier, c'est aussi, cette année, le chef d'équipes, l'entraîneur de Voltigeurs, le responsable. Le conférencier est donc lui aussi un homme qui se forme — et quelle formation !
Des hommes qui se forment — non seulement dans la ligne de l'intelligence, mais en même temps dans celle de l'amour, puisqu'ils donnent ce qu'ils ont acquis, tout ce qu'ils ont acquis, s'étudiant pour le donner le plus abondamment possible.
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Nos veillées créditistes augmentent donc l'armée des créditistes, et elles forment une élite, et elles forment des chefs. Pas une élite embourgeoisée, mais une élite apôtre. Pas des chefs pour l'encensoir en avant et la trahison en arrière, mais des hommes qui se grandissent en se faisant les serviteurs de leurs frères, les dispensateurs de lumière et d'espoir.
Nous ne croirions pas nous tromper en estimant que les résultats d'une veillée sur les Voltigeurs qui l'ont montée, et surtout sur le conférencier qui l'a conduite, sont plus importants que les résultats de la même veillée sur les auditeurs qui en ont profité.
Aussi insistons-nous pour que se multiplient les conférenciers, les meneurs, les responsables ; les chefs.
Entre une grande assemblée publique qui groupe 500 personnes et 50 petites assemblées de maison
qui grouperaient en 50 endroits différents les mêmes 500 personnes, nous n'hésiterions aucunement à préférer les 50 petites. L'auditoire est le même ; mais la grande assemblée n'exerce et ne développe les facultés que d'un seul conférencier, tandis que les 50 veillées exercent et développent les facultés de 50 conférenciers.
Que s'accomplisse notre objectif. Que nous ayons 1,000 conférenciers tenant chacun une veillée créditiste par semaine. Ce seront 1,000 chefs distribués par toute la Nouvelle-France.
Avec un auditoire moyen de 10 personnes par veillée, se seront 10,000 personnes entendant chaque semaine parler de Crédit Social. Et 10,000 personnes dans 1,000 endroits différents, c'est autrement intéressant que 10,000 personnes dans une seule salle en un seul coin du pays.
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Les rapports des veillées créditistes révèlent des dévouements remarquables. Qu'il nous soit permis, malgré sa modestie, de citer le nom de Mme Charles Thibault, d'Asbestos, qui, femme d'un humble salarié et mère de neuf enfants, trouve tout de même l'énergie, la force et le temps de tenir, à titre de conférencière, sa veillée créditiste hebdomadaire.
Les veillées créditistes sont bien en train dans l'Abitibi minier. Les rapports de M. Donald Renaud, de Rouyn, de M. Arthur Couturier, de Malartic, et de M. Henri Arpin, de Roc-d'Or, sont particulièrement remarquables.
La méthode est bonne. Le vent est certainement dans les voiles. Mais hâtons-nous, partout, de mettre toutes les voiles au vent.