La plupart de nos économistes orthodoxes et de nos banquiers croient et enseignent que, pour faire de la monnaie de papier, il faut de l’or. Pourquoi cette absurdité est-elle si répandue ? Pourquoi tant de gens se prosternent-ils devant le veau d’or ? Car c’est là une croyance presque aussi répandue que la légende de "Santa Klaus", ou que les contes de croquemitaine.
Les banquiers tiennent tant au fétiche de l’or, tout simplement parce que l’or servant à l’émission des billets de banque ne leur coûte rien. Comprenez-vous bien ? L’or qui est supposé garantir les billets de banque ne coûte pas un sou de capital à la banque. C’est renversant, n’est-ce pas ? Mais c’est aussi vrai que le soleil nous éclaire, ou que deux et deux font quatre. La preuve suivante est si claire, que tous la comprendront.
Supposons que Baptiste Frenette achète une terre de Pierre Lavoie pour la somme de $5,000.00 supposée payable comptant. Au moment de payer, le père Baptiste offre son billet pour $5,000.00 à dix jours. Pierre Lavoie accepte pour accommoder l’acheteur, croyant que celui-ci a besoin d’un léger délai pour trouver de l’argent. L’acheteur a-t-il payé la terre à ce moment-là ? Non, il n’a pas encore payé un sou ; il n’a remis qu’une promesse de payer. Au bout des dix jours, si le père Baptiste Frenette remet toujours un nouveau billet du même genre en échange de l’ancien, il ne fait que renouveler sa dette, il ne paie pas. Et tant qu’il fait ce jeu, il ne paie pas un sou sur la terre qu’il a achetée.
Or, que fait la banque qui reçoit de l’or et remet en échange ses propres billets ? Elle promet de payer, tout comme Baptiste Frenette, mais ne paie jamais un sou de capital. Elle paie les frais d’impression des billets, mais, je le répète, elle ne paie pas un sou du capital-or qu’elle a reçu. Chaque billet dit :
"La Banque XXXX paiera au porteur sur demande..."
C’est toujours... paiera... paiera..., paiera..., mais ne paie jamais. Avant 1934, lorsqu’une banque payait en or, elle remettait simplement une somme d’or qui ne lui avait rien coûté. Aujourd’hui, il faut se contenter de la promesse.
Mais si l’or ne coûtait rien aux banques, pourquoi n’en achetaient-elles pas plus ? Parce que les billets d’une banque doivent être en proportion de la clientèle, des besoins des clients de chaque banque. Si une banque achète trop d’or, les billets émis sur cet or vont aux autres banques, et elle est obligée de remettre son or. Car les banques entre elles règlent leurs soldes débiteurs en or ou en billets de la Banque du Canada, c’est-à-dire en monnaie légale. Ce sont donc les clients de chaque banque qui, par leur confiance, donnent de la valeur à la circulation fiduciaire.
Voilà pourquoi les banques tiennent tant au fétiche de l’or, et cherchent tant à faire vénérer le veau d’or par tous. L’or étant un métal plutôt rare, lier l’idée d’argent à l’idée de l’or, c’est faire accepter comme nécessité naturelle la rareté de l’argent, rareté artificiellement entretenue par les banquiers en face d’une abondance qui se perd.
Voilà pourquoi aussi nous devons faire tous nos efforts pour nous libérer du joug qui nous est imposé par notre absurde système monétaire. Il nous faut une monnaie qui servira la société, au lieu de l’asservir, au lieu de créer des profits usuraires pour quelques-uns. Le Crédit Social possède la vraie formule pour l’émission et la distribution de la monnaie, et nous avons tous le devoir d’étudier ce système.
ANCIEN DE LAVAL, M.D.