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Le plaidoyer de Monsieur Grégoire

le jeudi, 15 avril 1943. Dans La vie créditiste

Le 1er avril, le procès intenté par la Gendarme­rie Royale contre l'Imprimerie Provinciale Enre­gistrée se poursuivait en cour devant le juge Laetare Roy.

On connaît le délit : L'Imprimeur, M. Bédard est accusé d'avoir imprimé une circulaire créditis­te en novembre dernier, sans y faire paraître le nom de l'imprimerie. C'est allégué contraire à un amendement à une loi fédérale, amendement pas­sé comme mesure de guerre et généralement igno­ré d'à peu près tout le monde, au moins en ce temps-là.

Nombre d'autres imprimés, discours du pre­mier-ministre du Canada, brochures de propagan­de de guerre, circulaire de l'Hon. Taschereau pour l'aide à la Russie, circulaires de candidats libéraux dans les élections partielles, circulaire de Tim Buck, discours de Staline, etc., etc., ont été pu­bliés et distribués sans plus porter de nom d'im­primerie que la circulaire des créditistes. Mais seule, la circulaire des créditistes a retenu l'atten­tion des gardiens de la loi.

L'Honorable Juge a déclaré qu'un délit n'en ex­cuse pas un autre. Nous aimerions préciser que 100 délits des autres n'excusent pas un délit des cré­ditistes. Les imprimés que nous venons d'énumé­rer ne furent pas acceptés au dossier, mais ils pas­sèrent tout de même sous les yeux de l'inspecteur Courtois et de l'avocat de la Gendarmerie, M. Maurice Boisvert. Et tous les assistants furent à même de constater la différence de traitement faite aux créditistes.

La défense fut conduite par l'avocat connu des créditistes, M. J.-E. Grégoire, assisté de MM. les avocats Gabriel Mercier et Gérard Vaillancourt.

Le plaidoyer

Nous ne pouvons que résumer les différents points du brillant et long plaidoyer présenté par M. Grégoire à la fin de ce procès contre M. Bédard.

La lettre de la loi

S'il faut prendre la loi à la lettre, de dire M. Gré­goire, la circulaire est conforme à la loi, puisque le nom et l'adresse de l'Imprimerie Provinciale En­registrée y paraissent. (L'imprimerie, en effet, était un des 78 locaux énumérés pour les 78 as­semblées des créditistes annoncées par la circulai­re).

M. Grégoire avait fait admettre par un témoin, le Gendarme Victor Dubé, que la circulaire renfer­mait ce nom et cette adresse.

Au sens large

S'il faut prendre la loi dans son sens plus large, dans le sens qu'il doit être possible de savoir de qui vient la circulaire et où elle a été imprimée, on est d'accord avec l'Honorable St-Laurent, minis­tre de la Justice, qui interprète de cette façon le cas d'une circulaire parue dans l'élection de Char­levoix-Saguenay.

Or, dans le cas de la circulaire créditiste, les in­dications de provenance ne manquent pas. Le nom Crédit Social y paraît en gros caractères. Le nom Vers Demain y paraît en gros caractères. Les assemblées y sont désignées sous les auspices de l'Institut d'Action Politique. La circulaire donne plus de 75 adresses où il était facile de se rensei­gner.

Les auteurs et distributeurs de la circulaire n'ont fait aucun mystère, puisqu'il en a été im­primé 20,000, pour les 20,000 foyers de la ville de Québec, sans aucune distinction de crédo politi­que ou économique. Tout le monde était invité par le message, pas seulement des initiés. Il n'y a absolument rien de ténébreux dans tout cela, bien au contraire : on cherche le plus de jour possible.

D'ailleurs, la gendarmerie a avoué qu'elle n'eut aucune difficulté à trouver les organisateurs et les imprimeurs. Aucun tâtonnement. Aucune investi­gation laborieuse. Elle se rendit tout droit au bu­reau de Vers Demain, et tout droit à l'atelier de l'Imprimerie Provinciale.

Loi ou pas loi ?

Le matin, M. Grégoire avait fait accepter par l'Hon. Taschereau, ancien premier-ministre et procureur-général de la Province, la définition suivante de la loi :

"La loi est une règle édictée par le pouvoir social, qui ordonne, défend ou permet, et à laquelle obéissance est due par tous".

Pour que ce soit une loi, il faut donc que l'obé­issance soit due par tous. Or, nous constatons que, dans le cas de la loi en question, l'observation ne semble pas requise de tous. Le nombre d'infrac­tions abonde, et seule la circulaire des créditistes est signalée.

Avons-nous affaire à une loi, oui ou non ? Si la définition ci-dessus ne permet pas d'appeler loi le règlement dont se réclame la poursuite, il n'y a pas eu contravention à la loi.

Le témoin du matin, l'Hon. Taschereau, ne s'est point senti criminel du fait que sa circulaire pour l'aide à la Russie parut sans nom d'imprimeur. Il n'a point été incommodé par la gendarmerie, il n'a point reçu de sommation, il n'a point couché en prison, comme les deux créditistes, dont un père de famille, arrêtés pour la distribution de notre circulaire. L'Honorable King n'a point été traduit en cour pour l'impression et la distribution de son discours sans nom d'imprimeur.

On descend d'en haut : tout le long de l'échelle, personne n'est dérangé, jusqu'à ce qu'on arrive aux créditistes. Est-ce bien là le sens d'une loi, d'après la définition classique citée ?

Pourquoi au juste ?

M. Grégoire rappelle qu'au bureau même de l'inspecteur de la gendarmerie, M. Courtois lui dit que la poursuite n'était pas tant que cela motivée par l'absence de signature d'imprimeur que par le contenu de la circulaire qui froissait certains personnages.

Il est vrai que la cour n'a pas permis la question lorsque M. Grégoire a interrogé M. Courtois sur ce point dans la boîte au témoin, mais le fait est signalé quand même.

L'absence de l'Hon. St-Laurent

M. Grégoire avait assigné l'Hon. St-Laurent comme témoin. La session fédérale le retient à Ottawa, et le Juge n'a pas voulu ajourner le pro­cès jusqu'après la fin de la session parlementaire fédérale. M. Grégoire explique qu'il voulait de­mander à l'Honorable St-Laurent quelles instruc­tions il a passées aux gendarme concernant l'amen­dement à la loi des imprimés.

Le nombre remarquable d'imprimés non con­formes à cet amendement et non incriminés par la gendarmerie laisse croire que le ministre de la Jus­tice a dû donner des instructions spéciales à la Gendarmerie concernant cette loi. Et si les ins­tructions sont d'ignorer ce texte de loi, comme sem­blerait l'indiquer l'abstention de toute poursuite hormis notre cas, nous ne voyons pas pourquoi le texte redeviendrait loi exprès pour nous.

Crédit Social

Notre avocat, M. Grégoire, a trouvé le moyen, dans son plaidoyer pour faire renvoyer la cause, d'exposer les objectifs du Crédit Social et du mouvement créditiste. Nous ne pouvons dire s'il a converti à nos idées les gendarmes ou leur avo­cat : ces gens ont un rôle à jouer — ils disent une fonction à accomplir. Mais ce fut tout de même réconfortant pour les créditistes d'entendre re­vendiquer leurs principes en plein tribunal. Ils sentaient que la Justice (avec une majuscule) et le Crédit Social sont bien faits pour se comprendre.

LE JUGEMENT

Le 8 avril, le juge déclara l'imprimeur coupable, non d'une offense criminelle — le contenu de la cir­culaire n'ayant rien de condamnable, mais d'une offense technique. Sentence : $10.00 d'amende et les frais de cour, ou 15 jours de prison.

Le procès de l'imprimeur étant terminé, la tem­pête dans un verre d'eau va maintenant se conti­nuer par les deux procès de Mlle Gilberte Côté et les deux procès de M. Louis Even.

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