L’ouvrier rame, et il n’est pas avare de ses forces.
Le patron pilote, et il connaît son gouvernail.
Le banquier contrôle et sait habilement dissimuler ses ficelles.
Parce que le contrôle du banquier n’est pas visible ; parce que le banquier ne va pas dans l’atelier pour exposer ses méthodes — l’ouvrier s’en prend au patron et le patron s’en prend à l’ouvrier.
L’ouvrier, incapable de faire vivre sa famille par son salaire en face des prix, réclame un salaire plus élevé.
Le patron, incapable de vendre ses produits en face d’un pouvoir d’achat déficitaire, veut abaisser le prix de revient et cherche à diminuer les salaires.
Si le salaire monte, les prix montent, et le salaire reste insuffisant.
Pour que les prix baissent, il faut couper dans les salaires ou dans les profits. Coupez dans les salaires, l’ouvrier ne peut plus acheter les produits même au prix diminué. Sacrifiez le profit, le patron ne peut plus voir à l’entretien ou au développement de son entreprise, il ferme ou diminue son personnel.
Patrons et ouvriers sont des travailleurs et produisent de la richesse, des biens utiles ; mais le système, le système qui manœuvre avec des ficelles crédit-dette, ne permet ni au patron ni à l’ouvrier une récompense adéquate pour leurs activités.
Patrons et ouvriers s’asseoient parfois à une même table pour discuter la situation ; mais ils cherchent la solution dans les cadres du système, et les cadres du système rendent toute solution impossible.
Les crédits bancaires à l’industrie exigent de l’industrie plus d’argent qu’ils lui en fournissent : d’où des charges qui entrent dans les prix sans distribuer l’argent correspondant.
Les crédits bancaires aux gouvernements exigent des gouvernements la perception de plus d’argent qu’ils en ont distribué. D’où des charges sur l’industrie, par les taxes, réclamant de l’argent qui n’existe pas.
La chose à faire serait, pour patrons, ouvriers et gouvernements, de couper les ficelles qui les conduisent où ils ne veulent pas aller, où ils ne doivent pas aller.
Les gouvernements continuent d’être les agents du système qui les ligote de plus en plus.
Les ouvriers et les patrons continuent de s’entretirailler.
Les sociologues continuent de prêcher dans le désert, parce qu’ils manquent ou de lumière ou de courage pour montrer du doigt et dénoncer le système responsable et ceux qui le soutiennent.
"Patrons et ouvriers sont aujourd’hui dans le même bateau,"
écrit l’abbé Drinkwater, prêtre catholique anglais. Ils sont dans le même bateau et, parce qu’ils ne joignent pas leurs forces contre un ennemi commun, ils périssent ensemble.
Comptez les faillites commerciales et industrielles. Comptez les chômeurs. Comptez les employés à salaires de famine. Cherchez, d’autre part, les faillites de banques même au plus fort de la crise qui a frappé tous les créateurs de la richesse.
Les banques se vantent de leur solidité tandis que Canadiens et Canada font banqueroute. C’est que le pays existe pour elles, et non pas elles pour le pays. L’homme ajusté au système, même s’il en meurt, et non le système ajusté à l’homme.
Un dixième des énergies syndicales, unionistes, patronales, affecté à démolir cette idolâtrie, changerait vite la situation.