Extraits d'un article paru dans Vers Demain de mai-juin-juillet 2015:
Le Pape François en a surpris plus d’un avec ses paroles très fortes dans son encyclique Laudato Si en juin 2015, pour éveiller les consciences sur l’urgence d’une écologie «intégrale», qui prenne soin autant des êtres humains que de la nature, qui sont tous deux sacrifiés sur l’autel du dieu argent, du profit à tout prix peu importe les conséquences sur l’environnement et sur les personnes.
Au paragraphe 203 de Laudato Si, le Pape parle du marché qui «étant donné qu’il tend à créer un mécanisme consumériste compulsif pour placer ses produits, les personnes finissent par être submergées, dans une spirale d’achats et de dépenses inutiles.»
Un exemple de cela, c’est ce qu’on appelle «l’obsolescence programmée»: les produits sont conçus pour durer le moins longtemps possible, afin d’obliger les consommateurs à les remplacer plus tôt que prévu. Et parfois, même si l’objet est encore fonctionnel, la publicité vous convaincra de le changer pour être à la fine pointe de la mode. On veut que les gens consomment!
On n’a qu’à penser aux imprimantes à jet d’encre pour ordinateurs: quand la cartouche d’encre est vide, il est moins cher d’acheter une nouvelle imprimante au complet que de remplacer les cartouches. Même chose pour la plupart des appareils électroniques: on ne répare pas, c’est moins cher d’acheter un nouveau modèle, même si en réalité il ne s’agit que de remplacer un petit morceau défectueux.
Si on examine le problème de plus près, on voit bien que ce sont les règlements du système financier actuel qui amènent une telle dégradation inutile des ressources de la planète — surtout le règlement qui veut lier la distribution du pouvoir d’achat à l’emploi, entraînant des situations de ce genre: des groupes écologistes voudraient que telle usine soit forcée de cesser de polluer, mais le gouvernement réplique que cela coûterait trop cher à cette compagnie, et qu’elle risquerait de fermer ses portes, et qu’il est préférable de conserver ces précieux emplois, même s’il faut pour cela sacrifier l’environnement.
On sacrifie le réel — l’environnement — au signe, l’argent. On crée des emplois, mais au dépens de la survie même de la planète. Même si on empoisonne les gens, ce n’est pas grave, pourvu que ça paie! Comme l’écrit le Pape François au paragraphe 195: «Le principe de la maximalisation du gain, qui tend à s’isoler de toute autre considération, est une distorsion conceptuelle de l’économie: si la production augmente, il importe peu que cela se fasse au prix des ressources futures ou de la santé de l’environnement.»
Un proverbe amérindien décrit bien ce paradoxe: «Lorsque la dernière goutte d’eau sera polluée, le dernier animal chassé et le dernier arbre coupé, l’homme blanc comprendra que l’argent ne se mange pas.»
Et que dire de tous les besoins artificiels créés dans le seul but de tenir les gens employés, de tous ces gens qui travaillent dans la paperasse dans des bureaux, et des produits fabriqués pour durer le moins longtemps possible, afin d’en vendre le plus possible? Tout cela entraîne un gaspillage et une destruction non nécessaires du milieu naturel.
La cause fondamentale de la pollution de l’environnement, du gaspillage des ressources de la terre, c’est le manque chronique de pouvoir d’achat, inhérent au système financier actuel. En d’autres mots, les consommateurs n’ont jamais assez d’argent pour pouvoir acheter les produits qui existent; la population ne peut acheter ce qu’elle a elle-même produit. Il faut donc créer des besoins inutiles pour distribuer des salaires pour acheter la production utile déjà faite.
De là vous pouvez imaginer tout l’effet que ces politiques économiques insensées ont sur l’environnement. Par exemple, on parle de croissance, de la nécessité pour les pays de produire toujours plus, d’être plus compétitifs. En réalité, un pays devrait être capable d’augmenter, stabiliser ou diminuer sa production selon les besoins de sa population, et dans bien des cas, une diminution de la production pourrait s’avérer le choix le plus approprié.
En effet, si pendant deux années, on a pu fournir à chaque foyer une machine à laver devant durer 20 ans, il serait tout à fait insensé de continuer de produire encore plus de machines à laver! L’industriel américain Henry Ford aurait dit que le but d’un bon manufacturier d’automobiles devrait être de fabriquer une voiture familiale de qualité qui durerait toute la vie. La construction d’une telle voiture est techniquement possible, mais l’industrie automobile prend une place tellement considérable dans notre économie, que si de telles autos étaient construites, cela créerait un véritable chaos économique: que ferait-on de tous ces travailleurs, comment les tiendrait-on employés, au nom du sacro-saint principe du plein emploi?
Si on ne pense qu’en termes financiers, la croissance semble une nécessité, mais d’un point de vue réel, en termes de biens physiques, elle est insensée.
À la toute fin de son encyclique, le Saint-Père parle du besoin de changer de style de vie et de réduire notre consommation. Mais parler de simplicité volontaire, de consommer moins, va à l’encontre du système financier actuel, et entraînerait la fermeture d’usines et la mise à pied de milliers de travailleurs. Le Pape admet lui-même d’ailleurs que pour appliquer les changements qu’il demande dans son encyclique, un changement du système financier doit d’abord avoir lieu, pour l’adapter à l’économie réelle et au bien commun. C’est tout notre environnement qui serait changé si le système financier était adapté aux besoins de la population.
La machine au service de l’homme
Quelle part donner à la machine, quand doit-elle remplacer l’homme, et quand l’homme est-il préférable à la machine? C’est là qu’il faut définir ce qui fait la dignité du travail, et quand un emploi devient déshumanisant et ne respecte plus la dignité du travailleur. Certains emplois nécessitent un contact humain: médecin, professeur, soins des personnes âgées, l’éducation des enfants, et d’autres peuvent être mieux faits par des machines, surtout lors de travaux exigeant des gestes répétitifs sur des chaînes de montage, où la créativité de la personne ne peut s’exprimer.
Les robots ne sont pas une fin en soi, ils sont là pour accomplir les tâches difficiles, pour aider l’être humain, lui donner du temps libre. Le problème, c’est que lorsqu’on lie le revenu à l’emploi, l’introduction d’une machine signifie la perte de revenu pour le travailleur qui perd son emploi. Le Crédit Social pourvoirait à ce problème par l’allocation d’un dividende à tous, basé sur le double héritage des richesses naturelles et du progrès, qui mettrait l’individu en position de choisir l’activité qui l’intéresse. Sous un système de Crédit Social, il y aura une floraison d’activités créatrices.
Des choix de société sont donc à faire, mais le fait est que, dans les conditions économiques actuelles, toute la production essentielle est produite sans la nécessité d’employer toute la main-d’oeuvre disponible. De plus, les grandes entreprises déménagent leurs usines dans des pays où la main-d’oeuvre est moins chère, où les règlements environnementaux sont moins stricts. (C’est ce qu’on appelle la délocalisation.) Comment voulez-vous qu’un pays d’Europe ou d’Amérique du nord fasse compétition avec des pays comme la Chine, le Bangladesh ou d’autres pays asiatiques où les salaires pour l’industrie du textile ne sont pas de 38 dollars de l’heure, mais 38 dollars... par mois! Et avec des conditions de travail qui en font ni plus ni moins des esclaves.
L’introduction d’un dividende à tous ne signifierait pas que les gens ne travailleraient plus ou seraient tous remplacés par des machines, mais que grâce à ce pouvoir d’achat supplémentaire, on stimulerait l’initiative personnelle et la création d’emplois locaux.
Tous ceux qui se soucient de l’environnement, et par conséquent de l’avenir de l’humanité sur terre, devraient donc étudier et propager la philosophie du Crédit Social, le seul système qui mettrait l’argent au service de la personne humaine, tout en mettant fin au gaspillage des ressources naturelles.