C'est en septembre 1939 que paraissait le premier numéro de « Vers Demain », fondé par Louis Even et Gilberte Côté. Il y a donc près de 85 ans que les « Bérets Blancs » parcourent les routes du Canada et du monde entier pour aller porter à la population le message de Vers Demain.
Clifford Hugh Douglas, qui a conçu les propositions financières du Crédit Social, ou Démocratie Économique, était un génie, mais on peut dire que Dieu s'est servi de Louis Even pour faire connaître davantage la Démocratie Économique à un plus large auditoire, à la lumière de l'enseignement des papes sur la justice sociale. S'il n'y avait eu que les écrits de Douglas, les idées de Douglas seraient restées sur une tablette, et probablement personne n'en entendrait parler aujourd'hui.
M. Even était un religieux, un Frère de l'Instruction Chrétienne, donc un éducateur, qui avait une grande dévotion à la Sainte Vierge ; : le bon Dieu s'est servi de tout cela chez Louis Even pour qu'il fonde sa grande œuvre de Vers Demain. M. Even était un génie, il a tout de suite compris le Crédit Social, mais il aurait bien pu dire « C'est bien beau tout ça, mais je vais laisser à d'autres le soin de le faire connaître ».
Non, M. Even avait aussi un cœur d'apôtre et un grand amour pour les pauvres. C'est tout cela qui lui a fait dire : « Le Crédit Social est une lumière sur mon chemin, il faut que tous connaissent cela. » Et il alla jusqu'à quitter son emploi en pleine crise économique (avec une femme et des enfants) pour se donner totalement à la cause du Crédit Social, se fiant à la Divine Providence, qui n'a pas manqué.
Louis Even et Gilberte Côté avaient donné à ce nouveau périodique le nom de « Vers Demain », car il s'agissait de travailler pour obtenir un avenir meilleur, un monde meilleur.
Vers Demain continue de promouvoir la Démocratie Économique, ou Crédit social, mais est-ce qu'une seule réforme monétaire est suffisante pour obtenir un monde meilleur ; ? Nous avons besoin d'un monde aussi moralement meilleur. Les fondateurs de « Vers Demain » n'ont pas appelé le journal « Crédit Social » parce que justement, pour un monde meilleur il faut parler non seulement de réforme monétaire, mais d'une vie morale conforme aux enseignements de l'Église catholique romaine.
De plus, M. Even avait compris dès le début qu'en voulant corriger le système financier actuel, il s'attaquait non seulement aux banquiers, mais à une puissance satanique : l'argent est en effet le principal instrument de Satan pour corrompre les âmes. Saint Paul a écrit : « L'amour de l'argent est la racine de tous les maux » (1 Timothée 6, 10). Et Jésus a dit : « Vous ne pouvez servir à la fois deux maîtres, Dieu et l'argent » (Luc 16, 13).
L'argent, qui devrait être un instrument de service, est devenu un instrument de contrôle et de domination. Le diable se sert du système d'argent actuel pour asservir le monde entier, pour que les gens idolâtrent l'argent au lieu d'adorer le bon Dieu. Louis Even était lui-même un grand catholique, et il était convaincu qu'un monde meilleur ne pourrait être bâti autrement que sur les principes éternels de l'Évangile du Christ et sur les enseignements de Son Église — l'Église catholique romaine — avec en tête son chef visible sur la terre, le Souverain Pontife, qui est aujourd'hui le pape François.
Les objectifs de « Vers Demain » sont clairement affichés à chaque numéro, en page 2, tout juste au-dessus du sommaire. On y lit : « Journal de catholiques pour le règne des Cœurs de Jésus et de Marie, dans les âmes, les familles et les pays. » Et ensuite : « Pour la réforme économique de la Démocratie Économique, en accord avec la doctrine sociale de l'Égiise, par l'action vigilante des pères de famille, et non par les partis politiques ». Ce qui signifie, entre autres, que le « Crédit Social » dont il est question dans Vers Demain n'est pas un parti politique, mais une réforme économique qui pourrait être appliquée par n'importe quel parti au pouvoir. (Vers Demain emploie d'ailleurs de plus en plus l'expression « démocratie économique » pour désigner les propositions financières de l'ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas, pour éviter toute confusion avec des partis politiques anciens ou nouveaux.)
« Vers Demain » est donc un périodique de patriotes catholiques, où il est aussi question de réforme économique, de « Démocratie Économique » ou « Crédit Social ». Pourquoi ? « Qu'est-ce que cela a à faire avec la religion ? », diront certains.
Si l'Église intervient dans les questions sociales, et a développé un ensemble de principes connus sous le nom de « doctrine sociale de l'Église », c'est essentiellement parce que, comme le disait le Pape Benoît XV en 1920, « c'est sur le terrain économique que le salut des âmes est en danger ». Son successeur immédiat, le Pape Pie XI, écrivait aussi :
« Il est exact de dire que telles sont, actuellement, les conditions de la vie économique et sociale qu'un nombre très considérable d'hommes y trouvent les plus grandes difficultés pour opérer l'œuvre, seule nécessaire, de leur salut. » (Encyclique Quadragesimo Anno, 15 mai 1931). Et ainsi parlent tous les papes, y compris le pape François aujourd'hui.
Que les âmes se perdent à cause des conditions économiques, cela est très facile à comprendre : un minimum de biens matériels est nécessaire à l'homme pour accomplir son court pèlerinage sur la terre, car si Dieu a créé l'homme avec une âme immortelle, Il l'a aussi créé avec des besoins matériels : se nourrir, se vêtir, se loger. Mais pour pouvoir se procurer nourriture, vêtements et logement, l'homme doit avoir de l'argent pour les payer. Sinon, les produits pourriront sur les tablettes, et la personne sans le sou crèvera de faim. En d'autres mots, l'argent est le droit de vivre pour l'individu : sans argent, c'est la mort à brève échéance. Ceux qui ont le pouvoir de créer l'argent — les banquiers — contrôlent donc littéralement nos vies, comme le mentionnait avec raison le Pape Pie XI dans son encyclique Quadragesimo Anno en 1931 :
« Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l'argent, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent le sang à l'organisme économique, dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que sans leur consentement, nul ne peut plus respirer. »
Quelques lignes plus loin, le Pape ajoutait que les « gouvernements sont tombés au rang d'esclaves » et sont « devenus les dociles instruments » des puissances de l'argent. Ce contrôle de l'argent par des intérêts privés est la plus grande escroquerie de tous les temps, et a entraîné des conséquences funestes incalculables : crises économiques, guerres, etc. On ne pourra jamais imaginer tout le mal que le mauvais système financier actuel et le manque chronique d'argent a fait et fait encore aux âmes.
Ne voici que quelques exemples, qu'on pourrait multiplier à l'infini :
À l'échelle du globe, ce sont plus d'un milliard sept cent millions d'êtres humains qui fouillent dans les poubelles pour trouver quelque chose à manger et se maintenir en vie. Plus de 100 millions d'enfants dans le monde vivent dans les rues, sans foyer, abandonnés par leurs parents qui ne peuvent plus les faire vivre. Chaque jour sur la planète, plus de 40 000 enfants meurent de faim ou de différentes maladies qui ne furent pas soignées, faute d'argent.
De plus, tous les pays du monde, tant les pays industrialisés que les pays du Tiers-Monde, sont aux prises avec des dettes impayables, une grande partie d'entre eux ne pouvant même plus payer les intérêts sur leur dette. Les individus sont aussi devenus prisonniers de cette spirale de la dette : le niveau d'endettement des ménages canadiens par rapport à leur revenu disponible a atteint un niveau record de 186% en 2022, ce qui signifie que pour chaque tranche de 100 dollars de revenu net, les familles canadiennes doivent 186 dollars.
L'Église ne peut rester indifférente à des situations telles que la faim dans le monde et l'endettement, qui mettent en péril le salut des âmes, et c'est pourquoi elle demande une réforme des systèmes financiers et économiques, l'établissement d'un système économique au service de l'homme. Les demandes des papes en ce sens abondent. Déjà, dans sa première encyclique (Redemptor Hominis, 4 mars 1979), saint Jean-Paul II parlait « d'indispensables transformations des structures économiques... de la misère en face de l'abondance qui met en cause les structures et mécanismes financiers... l'homme ne peut devenir esclave des systèmes économiques... ». Et nous n'ajouterons ici que cette autre citation :
« Je tiens encore à aborder une question délicate et douloureuse. Je veux parler du tourment des responsables de plusieurs pays, qui ne savent plus comment faire face à l'angoissant problème de l'endettement... Une réforme structurelle du système financier mondial est sans nul doute une des initiatives les plus urgentes et nécessaires. » (Message du Pape à la 6e Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement, Genève, 26 septembre 1985.)
L'Église présente donc les principes moraux sur lesquels doit être jugé tout système économique et financier. Et afin que ces principes soient appliqués de manière concrète, l'Église fait appel aux fidèles laïcs — dont le rôle propre, selon le Concile Vatican II, est justement de renouveler l'ordre temporel et de l'ordonner selon le plan de Dieu — pour travailler à la recherche de solutions concrètes et l'établissement d'un système économique conforme à l'enseignement de l'Évangile et aux principes de la doctrine sociale de l'Église.
C'est pour cette raison que Louis Even décida de propager la doctrine du Crédit Social (ou Démocratie Économique) — un ensemble de principes et de propositions financières énoncés pour la première fois par l'ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas, en 1918 (les mots « Crédit Social » signifient « argent social » — un argent émis par la société, en opposition à l'argent actuel qui est un « crédit bancaire » — un argent émis par les banques).
Lorsque Louis Even découvrit la grande lumière du Crédit Social en 1935, il comprit immédiatement jusqu'à quel point cette solution appliquerait à merveille l'enseignement de l'Église sur la justice sociale — surtout en ce qui concerne le droit de tous aux biens matériels, la distribution du pain quotidien à tous, par l'attribution d'un dividende social à chaque être humain. C'est pourquoi, dès qu'il connut cette lumière, Louis Even se fit un devoir de la faire connaître à tous.
C'est un devoir et une obligation pour tout chrétien de travailler à l'établissement de la justice et d'un meilleur système économique, et le Pape dit bien que « personne n'est dispensé de collaborer à cette tâche ». Et cela, même si cette tâche s'avère difficile, écrit Jean-Paul II (il ne peut en être autrement, car en attaquant le monopole des contrôleurs de l'argent et du crédit, on attaque la plus grande puissance de ce monde).
Malgré les incompréhensions, les contradictions et les oppositions de toutes sortes, il ne saurait y avoir de place pour le découragement, puisque cette tâche est « urgente et nécessaire », comme il a été dit précédemment :
« Celui qui voudrait renoncer à la tâche, difficile, mais exaltante, d'améliorer le sort de tout l'homme et de tous les hommes, sous prétexte du poids trop lourd de la lutte et de l'effort incessant pour se dépasser, ou même parce qu'on a expérimenté l'échec et le retour au point de départ, celui-là ne répondrait pas à la volonté de Dieu créateur. » (Jean-Paul II, Encyclique Sollicitudo Rei Socialis, n. 30.)
La raison la plus fondamentale pour laquelle chaque chrétien se doit de travailler pour l'établissement d'un meilleur système économique, c'est qu'on sera jugé justement sur ce qu'on aura fait pour nos frères et sœurs dans le besoin, Jésus Lui-même s'étant identifié à ceux qui souffrent : « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 40). La foi chrétienne nous enseigne à voir le Christ dans chacun de nos frères, et d'aimer notre prochain comme on aime le Christ.
Bien sûr, il y a bien des manières de venir en aide à nos frères dans le besoin : donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, loger les sans-abri, visiter les malades et les prisonniers, etc. Certains enverront des dons à des organismes de charité, que ce soit pour aider des pauvres d'ici ou du Tiers-Monde. Mais si ces dons peuvent soulager quelques pauvres pendant quelques jours ou quelques semaines, cela ne supprime pas pour autant les causes de la pauvreté.
Ce qui est infiniment mieux, c'est de corriger le problème à sa source, de s'attaquer aux causes mêmes de la pauvreté, et de rétablir chaque être humain dans ses droits et sa dignité de personne créée à l'image de Dieu, ayant droit à un minimum de biens terrestres. Et rendre à chacun ce qui lui est dû, c'est justement ce en quoi consiste la justice :
« Plus que quiconque, celui qui est animé d'une vraie charité est ingénieux à découvrir les causes de la misère, à trouver les moyens de la combattre, à la vaincre résolument. Faiseur de paix, il poursuivra son chemin, allumant la joie et versant la lumière et la grâce au cœur des hommes sur toute la surface de la terre, leur faisant découvrir, par-delà toutes les frontières, des visages de frères, des visages d'amis. » (Paul VI, Encyclique Populorum Progressio sur le développement des peuples, n. 79)
Louis Even avait découvert la cause de la misère du peuple — la création et le contrôle de l'argent par les banques privées et aussi le moyen de combattre cette escroquerie : l'éducation du peuple.
Pour s'assurer que le message authentique du Crédit Social puisse atteindre la population, et surtout parce que son cœur était rempli d'une grande charité envers son prochain, Louis Even alla jusqu'à quitter son emploi en plein milieu de la crise économique, en 1935, pour fonder les « Cahiers du Crédit Social », puis « Vers Demain » en 1939, et donner tout son temps et tout son être à la cause de la justice, se faisant littéralement « pèlerin » sur les routes du pays pour faire connaître à ses frères et sœurs la grande lumière du « crédit social », son exemple et son dévouement entraînant d'autres apôtres à sa suite.
Les Papes ont dit que le changement des structures économiques ne s'obtiendra que par l'éducation et l'apostolat, par le don de soi et les sacrifices consentis par amour pour le prochain :
« Ces attitudes et ces 'structures de péché' ne peuvent être vaincues — bien entendu avec l'aide de la grâce divine — que par une attitude diamétralement opposée : se dépenser pour le bien du prochain », écrivait saint Jean-Paul II dans son encyclique Sollicitudo Rei Socialis, n. 38. C'est exactement la formule que Louis Even a mise de l'avant avec son Œuvre des « Pèlerins de saint Michel ».
Jean-Paul II parlait de la nécessité de la grâce divine dans ce combat pour la justice, et c'est ce que Louis Even a compris depuis le tout début : pas de justice possible sans Dieu. D'ailleurs, le crédit social est plus qu'une simple réforme monétaire : c'est un système basé sur l'ordre voulu par Dieu pour la société. Douglas a déjà dit que le « crédit social », c'est la confiance qu'on puisse vivre en société, que la société puisse nous fournir les biens et les services.
Autrement dit, c'est la confiance qu'on ne se fera pas tirer sur la rue, qu'on ne se fera pas voler par son voisin, etc. : si les Dix Commandements de Dieu ne sont pas respectés, pas d'ordre ni de vie possibles dans la société.
Mais l'aide divine est surtout nécessaire quand on sait que le but réel des financiers, c'est l'établissement d'un gouvernement mondial qui comprend la destruction du christianisme et de la famille, et que les promoteurs de ce « nouvel ordre mondial » sont en fait menés par Satan lui-même, dont le seul objectif est la perte des âmes.
En résumé, le combat de Vers Demain est le combat pour le salut des âmes, il ne fait que répéter ce que le Pape et l'Église demandent : une nouvelle évangélisation — rappeler les principes chrétiens de base à des chrétiens qui les ont malheureusement oubliés ou qui ont cessé de les mettre en pratique — et une restructuration des systèmes économiques.
Être un Pèlerin de saint Michel dans l'Œuvre de « Vers Demain » est donc la vocation la plus urgente et la plus nécessaire de l'heure. Qui, parmi nos lecteurs, auront la grâce de répondre à cet appel, à cette vocation ? Qu'elle est donc grande et importante, l'Œuvre de Louis Even !