Lorsque Dieu fit le Canada, le Canada avec ses immenses forêts, ses pouvoirs hydrauliques incomparables, avec ses montagnes et ses plaines, avec ses rivières, son sol fertile et son sous-sol immensément riche, pour qui prépara-t-il tout cela ?
Lorsque Champlain et ses compagnons, mus par le plus noble idéal qui ait jamais inspiré des colonisateurs, vinrent s'établir dans le beau et grand pays, qu'avaient-ils en vue ? Pour qui leur travail et celui des dix générations de bâtisseurs ?
Qui est maître au Canada aujourd'hui les héritiers de celui qui l'ont bâti, ou les trustards qui l'ont volé ?
Qui exploite nos forêts, nos chutes d'eau, nos mines, nos carrières ?
Pourquoi les descendants de ceux qui ont fait le Canada sont-ils réduits à mendier le privilège de servir ceux qui le pillent ?
L'œuvre de bras et de cœurs de héros et d'héroïnes est devenue la proie des compteurs de piastres.
Les voleurs qui ont pris le Canada s'installent audacieusement dans le cœur de nos grandes villes et, par leurs tentacules financières, dirigent toute la vie économique du pays. Avec la même effronterie que ces changeurs et spéculateurs qui installaient sans vergogne leurs comptoirs dans les parvis du Temple de Jérusalem.
Comme eux aussi, ils bénéficient de l'indulgence et des gracieusetés des maîtres de la nation. Comme eux ils imposent le respect aux multitudes dont ils n'ont cure.
Comme leurs ancêtres spirituels d'il y a vingt siècles les manipulateurs modernes de l'argent et du crédit corrompent par leurs deniers ceux qui ont la charge du bien commun.
Comme en ce temps-là, les travailleurs peinent et se privent, et les brasseurs d'écus dispensent à leur gré les permissions de respirer.
"Et s'armant d'un fouet, il chassa les vendeurs du temple et renversa les tables des changeurs d'argent." Ils avaient fait du Temple une caverne de voleurs.
Avec les voleurs, on ne discute pas, on les chasse sommairement, par le moyen le plus rapide.
Dehors les voleurs et leurs complices ! Dehors ceux qui nous font mourir d'inanition devant les montagnes de blé ! Dehors ceux qui endettent le Canada au régime de son développement !
Dehors les trustards qui promènent leur main rapace dans notre charbon comme dans notre lait, dans nos forêts comme dans nos eaux, dans nos industries comme dans nos fermes !
Dehors leurs complices ! Dehors les empoisonneurs de l'opinion publique, la presse vendue qui voile les forfaits, encense les voleurs et soulève les victimes les unes contre les autres !
Dehors les politiciens sans responsabilité, pour qui rien ne compte que le chèque de paie et la graisse des contrats !
Dehors les voleurs ! Dehors les corrupteurs ! Le Canada aux Canadiens !
Louis Even