Lorsque les fondateurs du Canada, récemment arrivés de France à Québec, virent par un bel après-midi la "côte du Roi", le site qui devait devenir notre paroisse, ils décidèrent bien vite de défricher cette belle montagne ensoleillée, et leurs descendants y sont demeurés depuis.
Nous avons le droit de nous croire bien chez nous. Notre ennemi est loin, paraît-il, puisqu'il faut aller en Afrique, en Asie, en Europe, sur des îles éloignées, pour le combattre et protéger nos foyers contre ses ambitions.
Pourtant, dans la vie courante, on s'aperçoit vite que les Canadiens, nous de Charlesbourg comme ceux d'ailleurs, ne sont point tant que ça maîtres chez eux. Il y a certainement des ennemis qui ne sont pas si loin, qui sont installés au-dedans même de nos murs.
Une dangereuse colonne, pas la cinquième, mais la première — celle qui règle chez nous à son gré la qualité et la quantité de la monnaie — est devenue la véritable maîtresse de nos vies. Nos femmes et nos enfants, ne peuvent manger, boire, s'habiller, que d'après les droits émis par cette clique de dictateurs.
Ces réflexions nous montaient naturellement à la tête, à la grande assemblée créditiste du 26 juillet dernier, lorsque nous, les fils des fondateurs du pays, dûmes nous contenter, pour tout local, du garage Odilon Dorion.
Charlesbourg possède une belle salle paroissiale, avantageusement située, et couramment utilisée pour des démonstrations théâtrales et pour tout ce qui groupe du monde. Même les partis politiques peuvent la louer et y débiter toutes les âneries imaginables. Stupidités et mensonges y ont droit de cité. Tout cela est bien dès lors que l'on paie. L'habit ne fait pas le moine, et la salle peut encaisser bien des idioties. D'ailleurs, il serait difficile de faire des exceptions : si on loue à Pierre pour manger Jacques, pourquoi pas à Jacques pour manger Pierre ?
Et pourtant, on a cru qu'il fallait faire une exception et interdire la salle à des citoyens assez audacieux pour critiquer la finance qui mange tout le monde.
En ce beau dimanche de juillet, qui coïncidait avec la fête de la grande sainte Anne tant aimée des Canadiens, nous avions l'honneur de recevoir un citoyen plutôt rare, instruit aux universités d'Europe en plus des nôtres, reconnu comme un honnête père de famille, d'une vie privée exemplaire, à qui sa ville de Québec fit l'honneur de l'élire maire et que le comté de Montmagny choisit pour député lorsqu'il était question de nettoyer la politique. Avocat, maire, député, il est resté l'homme intègre et droit, préférant tomber victime des cabales politiques et des calomnies d'une presse gougeate plutôt que de hurler avec les loups.
Eh bien, cet homme, c'est dans un garage qu'il a fallu le recevoir ! Et sans le patriotisme de M. Odilon Dorion, nous n'aurions eu que la rue à offrir à M. J.-Ernest Grégoire. Est-ce que, par hasard, cela dépendrait des Allemands, ou des Italiens, ou des Japonais ? De Gandhi peut-être ?... Quant à Monsieur Grégoire lui-même, il ne s'en montra pas surpris le moins du monde : il sait où est le mal. Puis, nourri de l'Évangile, il sait qu'il n'y eut pas de place dans les hôtelleries de Bethléem pour deux personnages qui n'étaient riches que de sainteté. Il sait que le Sauveur du monde, né dans une étable, n'eut pas même une pierre pour reposer sa tête tout le temps qu'il prêcha aux hommes une doctrine toute de paix et de charité. Et monsieur Grégoire se fût contenté de la rue, ou du coin d'un champ, tout comme il se contenta d'un garage. La doctrine créditiste qu'il venait expliquer n'y perdit pas un iota de sa valeur.
Outre monsieur Grégoire, le groupe des orateurs comprenait le notaire Gustave Jobidon, René de Blois, commissaire provincial du Crédit Social, Mademoiselle Gagnon, institutrice — tous gens capables d'instruire et d'éclairer notre population.
Mais il eût fallu qu'ils représentassent un parti rouge ou bleu, ou C. C. F. peut-être, pour avoir droit à la salle publique, quand bien même, à ce titre, ils n'auraient eu que des balivernes à réciter avec des trémolos dans la voix.
L'ignominie du 26 juillet ne devra plus se répéter à Charlesbourg, n'est-ce pas, chers concitoyens ? Ce serait décidément ternir le blason de la première paroisse rurale fondée en Nouvelle-France. Les ennemis de Vers Demain et de l'Association Créditiste, ici comme ailleurs, sont ou des traîtres, des lâches qui sacrifient leurs frères pour une escarcelle d'argent ou une bouffée d'encens ; ou des repus qui, ne manquant de rien, n'ont aucun souci de ceux que la misère tenaille ou que les soucis rongent 365 jours par année.
Allons de plus en plus nombreux à Vers Demain ; entrons résolument dans l'Association Créditiste. Et à l'avenir, nous ferons bien ouvrir toutes grandes les portes de notre belle salle paroissiale aux gens qui enseignent une doctrine saine, honnête et généreuse comme celle du Crédit Social.
Les Créditistes de Charlesbourg