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La destruction de l'argent

Louis Even le jeudi, 01 avril 1943. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Tout le monde admet aujourd'hui que l'argent commence quelque part. L'idée d'un argent qui n'a jamais eu de commencement et dont le volume est inchangeable, cette idée-là, inconsciemment reçue encore il y a quelques années, est à peu près dispa­rue.

Presque tout le monde sait aussi maintenant que l'argent commence à la banque, lorsque la banque ouvre des comptes sans que rien sorte des autres comptes ni des poches de personne.

La naissance de l'argent, la naissance de l'argent à l'état de dette  —  cela revient assez fréquemment dans les discours, et l'on se rend de plus en plus compte que les banquiers disposent d'un pouvoir prodigieux.

La chose à laquelle on s'arrête moins, c'est la destruction de l'argent, par les mêmes banquiers qui l'ont mis au monde. Et ce n'est point la nais­sance de l'argent, mais sa destruction, qui fait mal au genre humain.

Emprunt et remboursement

Nous publiions, en novembre 1936, l'exemple sui­vant dans les Cahiers du Crédit Social :

Voici un homme qui possède des obligations du gouvernement. C'est un instrument de crédit de valeur très reconnue, et il est facile pour cet hom­me d'obtenir du crédit bancaire, un compte cré­diteur à la banque, en ne déposant rien que ses obligations.

Cet homme décide de construire une maison. Di­sons que les temps sont bons, le vent est à la pros­périté, et cet homme est sûr soit de vendre, soit de louer à profit. Il s'en va donc à la banque, emprun­ter $5,000. Il donne au banquier son billet à six mois, déposant en garantie ses obligations du gou­vernement.

Le banquier escompte le billet à 6 pour cent et inscrit à l'emprunteur un crédit de $4,850. Notre homme pourra payer architecte, entrepreneur, ou­vriers, matériaux, au moyen de chèques tirés sur ce compte de $4,850. Ce montant couvre le coût de la maison.

La maison terminée, il réussit à la vendre, di­sons pour $5,500. Il remet fidèlement à la banque les $5,000 pour lesquels il a signé un billet. Il réa­lise un bénéfice de $500 et le pays compte une mai­son de plus.

On serait tenté de dire : Mais c'est parfait. Ana­lysons les faits.

Qu'est-il arrivé ? Les $4,850 créés par le prêt et mis en circulation pour six mois sont retirés de la circulation par la vente de la maison, et remis au banquier. Le banquier annule ce crédit dès qu'il est remboursé. Il avait créé un crédit de $4,850 en prêtant, il le détruit lors du remboursement.

Quant aux $150 d'intérêt, notre homme les a re­tirés de la circulation et remis au banquier, qui pourra les remettre en circulation en payant ses employés ou en servant des dividendes aux action­naires. Ce sont donc $150 qui circulaient déjà avant l'emprunt et ont simplement changé de place. De même, les $500 de profit réalisés par la vente de la maison sont simplement de l'argent changé de place, passé de l'acheteur au vendeur.

La chose caractéristique de la transaction, c'est que $4,850 sont venus au monde, puis disparus six mois après, laissant une maison debout dans leur sillage.

Rien de vicieux n'apparaît jusqu'ici. Nous y ve­nons.

Une maison  —  pas d'argent en face

L'acquéreur de la maison, qui en a payé $5,500, va chercher à la louer $35 par mois, $420 par an­née.

Si le "boum" qui a encouragé le constructeur à emprunter et à bâtir continue, parce que d'autres prêts sont faits par la banque à d'autres emprun­teurs, un bon niveau d'argent est entretenu dans la circulation, et le nouvel acquéreur n'a pas de dif­ficulté à louer à son prix.

Mais, vienne une compression du crédit, comme en 1920 ou en 1929, vienne un moment où les ban­ques sont moins généreuses pour prêter et plus exigeantes pour faire rembourser, l'argent conti­nue de mourir à son terme, et il n'y a pas suffisam­ment de naissances pour le remplacer. Le niveau de l'argent baisse.

Où les locataires vont-ils trouver l'argent pour payer les prix demandés par les propriétaires ?

Notre maison est un cas type. Il y a bien d'autres maisons, bien des entreprises, bien des commerces dans le même cas.

Voici donc une maison qui n'est pas détruite, mais l'argent qui la représentait, qui est entré dans la circulation pendant que ses murs s'élevaient, l'argent qui permettrait soit de l'acheter soit de la louer du propriétaire qui l'a maintenant entre les mains, cet argent n'existe plus.

Des industries fabriquent des produits et doi­vent les vendre à un prix permettant de récupérer les frais d'érection. Mais l'argent représentant les frais d'érection est depuis longtemps mort dans la banque. Comment l'extraire du public ?

L'argent est bien né à peu près au régime de l'expansion, mais il est disparu plus vite que l'usu­re, plus vite que la destruction des richesses créées.

Anarchie monétaire

C'est toute l'explication des crises. Les crises sont le résultat de l'anarchie monétaire.

Il n'y a rien de scientifique dans un pareil sys­tème d'argent.

Si l'argent naissait avec les biens de capital et avec les biens de consommation ; puis si l'argent disparaissait au régime de l'usure des biens de ca­pital et de la destruction des biens de consomma­tion, on aurait un système monétaire scientifique, au moins quant au volume de l'argent. Il pourrait rester à voir à la distribution de cet argent pour atteindre la fin qui lui est propre. Mais au moins l'argent aurait la durée des biens qu'il représente.

On dira que c'est impossible d'évaluer exacte­ment la vie d'un bien de capital et de faire signer par l'emprunteur un billet de terme équivalent à cette vie.

Évidemment, et c'est pourquoi cette manière de créer l'argent, de le mettre au monde sous forme de dette à rembourser à terme fixe, outre qu'elle est antisociale, outre qu'elle exploite le créateur de richesse au bénéfice du banquier, est en même temps par nature anti-scientifique.

Équilibre parfait

La manière créditiste corrige les deux vices à la fois. Pour ne parler ici que du volume de l'argent en rapport avec la richesse qu'il représente, le Cré­dit Social y parvient par le compte de crédit na­tional, dans lequel figurent :

D'une part, pour une période déterminée :

    a) La valeur des biens de capital produits pendant cette période ;

    b) La valeur des biens de consommation pro­duits pendant cette période ;

    c) La valeur des biens importés pendant cet­te période.

Le total donne l'acquisition totale de richesse pour le pays, pendant la période en question.

D'autre part :

    a) La valeur des dépréciations ou des des­tructions survenues dans les biens de ca­pital pendant cette période ;

    b) La valeur des biens de consommation con­sommés pendant cette période ;

    c) La valeur des biens exportés pendant cet­te période.

Ce total donne la disparition totale de richesse du pays pendant la période en question.

Si les deux totaux sont égaux, il n'y a ni à retirer de l'argent ni à en émettre, pour que la richesse circule bien. Elle est aussi bien représentée par de l'argent qu'elle l'était au commencement de la pé­riode.

Si, par hasard, le total de destruction (usure, consommation, exportation) dépasse le total d'ac­quisition, il faudra retirer de l'argent de la circula­tion.

Si, comme c'est le cas normal dans des pays mo­dernes non paralysés par l'arbitraire, le total des acquisitions dépasse le total des destructions, il y a lieu d'émettre le montant d'argent nécessaire pour que les deux s'équilibrent.

Voilà de l'argent scientifique. Et si l'argent nou­veau va à tous les membres de la société, ce sera en même temps social.

C'est toute la différence entre le Crédit Social et le crédit bancaire. Elle est énorme.

Nous défions un seul banquier de nous montrer un équilibre scientifique entre la production et la destruction de richesse, d'une part, et la création et la destruction d'argent, d'autre part, dans son système de prêts et de remboursements.

Louis Even

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